
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, dans la nuit du 7 juillet 2021, combien de femmes sont-elles mortes en donnant la vie ? Combien de femmes n’ont pas pu se rendre à temps à l’hôpital dans ces quartiers élevés en forteresse ? Combien ont rendu l’âme par ces jours où la vie ne vaut plus rien ?
Un droit fondamental à l’horizon lointain
Comme le veut la tradition, en cette journée du 7 avril 2025, nous réitérons le même rappel inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Le droit à la santé est un droit fondamental ».
Quiconque entend le mot « santé » voit se déployer à ses yeux de citoyen un ensemble d’aspects économiques, sociaux, culturels, environnementaux. En somme, le bien-être requiert tout un paquet de déterminants pour asseoir ce qu’elle représente vraiment dans les faits. Notre santé, est notre bien le plus précieux et le plus fondamental. Elle est la préoccupation de toute une vie qui se veut épanouie, saine et longue.

Le peuple haïtien lutte au quotidien pour avoir droit aux soins de santé qui passent nécessairement par le service public et la réouverture de nos hôpitaux.
Plus de 30 centres médicaux et hôpitaux ont dû fermer leurs portes, en raison des actes de vandalisme, de pillage. Au nom de la loi des gangs armés, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti, communément appelé l’hôpital général, est resté à genou dans un territoire perdu non loin du Palais national. La tentative de réouverture de ce plus grand centre hospitalier du pays, le mardi 24 décembre de l’année dernière, s’est soldée par une fusillade : deux journalistes et un policier ont trouvé la mort.
Dès qu’on pense à une bonne vie, ce qui vient à l’esprit, c’est la santé. L’Organisation de la Santé la définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Au regard des déterminants de la santé, Haïti est malade dans tous ses compartiments. La mort rôde autour de nous comme un voleur et nous arrache brutalement à l’affection de nos êtres chers. Notre environnement sent la poudre et le cadavre qui nous défoncent les fosses nasales.
Quand on veut s’échapper virtuellement pour faire écran au réel, on découvre une réalité malsaine. Ce qui se dit, se trame et se montre dans le monde 2.0 se couvre également de saletés ingérables pour l’esprit.
De nos jours, l’anormalité devient la norme dans notre monde physique. Comment un peuple peut-il vivre dans ces conditions ?
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) « Plus d’un million de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur d’Haïti. »

Les enfants sont les plus grandes victimes. Ils ne vont pas à l’école ; ils sont entassés dans des camps de misère infects et puants de saleté ; nombreux ne reçoivent pas une ration alimentaire au quotidien. Menacés par la famine, tout peut arriver. La faim fait sortir le loup hors du bois. Les seigneurs de la guerre n’attendent que ces proies faciles pour les armer et les lancer sur la population.
À l’heure où l’OMS proclame le droit à la santé partout où sa voix porte, le peuple haïtien réclame réclame à cor et à cri : sécurité. Sécurité ! sécurité… on eût dit que ce droit, sous le flot des lamentations, couvre tous les autres.
Là où la vie ne vaut plus rien, tous les autres droits passent à l’arrière-plan dans un monde absurde, aux prises avec la bêtise et au bord de l’effondrement.
Tous les droits comptent. Effectivement.
Mais lorsque les habitants de Port-au-Prince, de Kenskoff, de Cité Soleil, des villes comme Mirbalais, Saut-d’Eau, Petite-Rivière-de-l’Artibonite, Pont-Sondé, résistent jour et nuit face aux bandits armés qui menacent et exécutent l’intention qu’ils avaient manifesté, le peuple est désemparé. C’est un grand séisme qui chambarde son existence. Un séisme provoqué par l’homme. Alors le peuple est déboussolé ; il ne sait où courir, où aller, ni à quel esprit tutélaire s’adresser.
À l’heure où l’OMS sensibilise au droit à la santé, le peuple haïtien réclame avec la rage au ventre : le droit de vivre dans un environnement où les balles ne chantent pas jour et nuit.
À l’heure des grands discours dans les cérémonies officielles, dans un pays où les hôpitaux se ferment, où les médecins sont abattus comme des bêtes, à l’heure où les femmes et les filles sont violées, les maisons incendiées pour le grand bonheur des semeurs de chaos, on n’entend qu’un mot : sécurité. Il est scandé sur tous les tons.
Le peuple a appris dans le feu de la réalité que parmi les facteurs fondamentaux de la santé qui cumulent au bien-être physique, mental et social, la sécurité est le plus grand bien public.
Mais vers qui se tourner lorsque le sang coule d’abondance dans un pays ancré dans un territoire libre et indépendant depuis le 1er janvier 1804 ?
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
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