Au Québec où je vis actuellement, le froid de l’hiver et la chaleur de mon corps familier du soleil d’Haïti fait un beau contraste. L’hiver ne m’a pas transformé en bonhomme de neige que mes filles adorent. Autant de chaleur qui enflamme mon cœur en cette fin du mois de février, d’où vient-elle ?

Plus j’avance dans la plus froide des quatre saisons de l’année, plus je prends conscience que l’élévation de la température des festivités carnavalesques monte dans ma mémoire de mordue du carnaval de Jacmel. Cette ville portuaire sur la côte sud d’Haïti à 93,3 km de Port-au-Prince, via la route nationale No 2, m’appelle à l’aventure.
Dans cette deuxième province la plus peuplée du Canada où j’ai posé mes valises, quand mon désir s’envole aux ailes des souvenirs vers Haïti, je m’informe en ligne et m’adresse à mes consœurs et confrères journalistes pour avoir des informations de premières mains. Par exemple, Ancion Pierre-Paul, un sénior que j’ai côtoyé au Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), m’apprend que cette année, les acteurs du carnaval, à savoir, les groupes masqués, les associations de bandes à pied, des troupes de danse, de mascarades, de groupes musicaux, les artisans qui présentaient toujours leurs cahiers de doléances après le mardi gras, ont réussi à intégrer leurs représentants au comité du carnaval. Désormais, l’organisation de ces festivités ne sera plus la chasse gardée de l’hôtel de ville. Belle percée démocratique dans un pays où les bandits armés concurrencent le monopole de la violence avec l’État.
Les acteurs du carnaval

Après la récolte de ces données, j’ai senti le besoin de m’entretenir avec les acteurs des festivités populaires et traditionnelles de la métropole du Sud’est d’Haïti qui ont pour vocation de nous embarquer dans l’ivresse des grandes réjouissances qui mobilisent des centaines de danseuses et de danseurs au pas avec le compas et tout un répertoire de rythmes traditionnels assortis à nos danses.
Brusma Daphnis, un ancien étudiant de l’École nationale des arts (ENARTS), qui dirige depuis une trentaine d’année la compagnie Haïti Tchaka Dance dont il est le fondateur, me confie que ses journées sont interminables. 270 danseuses et danseurs apprennent avec lui la chorégraphie qui va s’écrire sur l’avenue Baranquilla le dimanche 27 janvier.

Je me représente déjà à travers les descriptions de Daphnis : les danses lascives des Taïnos, les premiers habitants de l’île connue sous les noms d’Haïti, Quisqueya ou Bohio; l’arrivée des esclaves africains dans la colonie de Saint-Domingue; les différentes étapes ayant rythmé la période coloniale jusqu’à la création de cette nation. Et le reste s’enchaîne comme par enchantement dans mon imaginaire avec les chorégraphies aux couleurs ibo, congo, dahomey, affranchi, contre danse et rara, une danse héritée des Taïnos.
Le carnaval me fait voyager, les yeux pleins de rêves, avec les chars allégoriques sur lesquels trônent des rois, des reines et une cour de nobles dans un royaume éphémère qui s’évanouira au petit matin du mercredi des cendres.
Grâce à la magie de l’Internet que je révère, j’ai parlé au roi, à la reine, au chorégraphe qui vont donner le ton sur le parcours. Et moi, je rêve et je sens cette bouffée de chaleur qui m’enveloppe dans l’hiver montréalais.
Par la fenêtre de mon appartement, je regarde tomber la neige et je m’envole pardessus les toits. Je marche, je cours, je danse, je chante et je déploie mes ailes sous mille étoiles pour vivre et me griser de plaisir au carnaval de Jacmel.
Thatessiana Thomas
Thassy2016@gmail.com
Discussion à propos de post