Lors d’une conférence conjointe avec Luis Abinader, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a présenté deux stratégies bien distinctes pour les voisins de l’île. D’un côté, un soutien industriel et technologique pour la République dominicaine ; de l’autre, un appui conditionné pour Haïti, tributaire de sa stabilité.
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La République dominicaine : un hub technologique et énergétique
Rubio a mis en avant le potentiel stratégique de la République dominicaine, notamment dans les secteurs des semi-conducteurs et de la sécurité énergétique. Le diplomate a déclaré : « Il y a une opportunité d’assurer un approvisionnement énergétique stable pour la République dominicaine, mais aussi d’en faire bénéficier Porto Rico. » Les semi-conducteurs, indispensables aux industries médicales et militaires, sont un enjeu crucial. Washington voit en la République dominicaine un partenaire sûr et géographiquement stratégique. « Votre pays pourrait devenir un hub pour ces industries. Nous travaillerons ensemble pour élargir la présence de ce secteur ici, à proximité des États-Unis, dans un pays ami et sûr », a-t-il assuré.
Tandis que la République dominicaine se positionne comme un allié clé des États-Unis, bénéficiant d’investissements concrets, Haïti, elle, reste cantonnée à un rôle incertain.
Haïti : un soutien conditionné, une instabilité qui inquiète
Si Rubio a réaffirmé le soutien américain à Haïti, il a aussi marqué une distance nette avec la crise haïtienne. « Les États-Unis demeurent engagés aux côtés de la mission internationale en Haïti », a-t-il souligné. Cependant, il a insisté sur la responsabilité des élites haïtiennes et a exclu toute obligation pour la République dominicaine d’accueillir un afflux migratoire haïtien. Par ailleurs il a déclaré sans ambages : « Nous ne demanderons jamais à la République dominicaine d’accepter une vague migratoire en provenance d’Haïti.» Washington maintient un soutien diplomatique et financier à Haïti, mais ne veut ni s’impliquer directement, ni contraindre son allié dominicain à supporter une partie du fardeau.
La violence, premier obstacle au développement d’Haïti
Rubio a souligné que la crise sécuritaire demeure l’obstacle majeur à toute relance économique. « Une grande partie du territoire haïtien est sous le contrôle de gangs armés. Il est impératif d’y rétablir la paix », a-t-il fait remarquer. Seule une mission internationale élargie pourrait éradiquer les groupes criminels, condition sine qua non avant d’attirer des investissements.
Où est le problème ? « Haïti pourrait devenir un centre d’accueil pour des industries manufacturières et textiles, mais tout cela restera inenvisageable tant que l’insécurité et la violence règneront », a souligné le secrétaire d’État américain.
Un contraste frappant se dessine : la République dominicaine reçoit un soutien industriel immédiat, tandis qu’Haïti doit d’abord prouver sa stabilité avant d’espérer un quelconque essor économique.
La Loi HOPE/HELP : un outil de développement fragile
Rubio a rappelé son rôle dans l’adoption des lois HOPE et HELP. Celles-ci facilitent l’exportation de textiles d’Haïti vers les États-Unis. Il a profité de l’occasion pour évoquer les opportunités économiques potentielles pour Haïti une fois la stabilité restaurée. Par ailleurs, il a mentionné le potentiel du pays pour accueillir des industries manufacturières et textiles, à l’image de celles qui opèrent en Asie ou en Amérique centrale.
Pris sous cet angle, Haïti est incluse dans le même schéma que les sept pays de la Caraïbe faisant partie du CBTPA (Caribbean Basin Trade Partnership Agreement). Depuis octobre 2000, la République d’Haïti est liée à ce dispositif américain qui permet aux produits haïtiens d’entrer sur le marché américain sans droits de douane.
Haïti jouit aussi de quelques atouts. Le pays a un bassin de main-d’œuvre à bon marché, il est à proximité des États-Unis, dispose d’avantages incitatifs fiscaux intéressants et se retrouve sur le circuit des bateaux partant du canal de Panama qui font route vers l’est des États-Unis.
« Aujourd’hui, un autre sénateur poursuit ce travail pour garantir des opportunités à Haïti et son avenir. » Mais ces dispositifs restent fragiles, soumis aux décisions politiques américaines et à la situation sécuritaire d’Haïti.
« Haïti est une question d’importance capitale. Nous nous en soucions profondément », a assuré Rubio.
Notre destin est suspendu. L’avenir du pays semble toujours conditionné à la fin de l’instabilité. Ces éléments de langage se lisent clairement pour les deux républiques : un futur à deux vitesses.
À Luis Abinader, la note sonne bien : «Soyez assurés que nous assumerons également notre part de responsabilité. » En ce sens, la République dominicaine est confortée dans son rôle d’allié économique et sécuritaire.
À Haïti, ce regard et cette parole qui en disent long : d’abord restaurer l’ordre avant d’espérer un quelconque soutien économique solide.
Une stratégie claire se dessine : stabiliser les alliés fiables et gérer la crise haïtienne à distance. Reste à savoir si cette approche creusera encore plus l’écart entre ces deux nations voisines…
Marnatha I. Ternier
Source :State.gov/secretary
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