C’est une tradition au Réseau haïtien des journalistes de la santé. Lorsque plusieurs journalistes ouvrent une fenêtre sur un événement, nous puisons dans ce bouquet d’articles pour réaliser un Grand dossier. Depuis le début de ce mois jusqu’à ce dimanche 10 novembre, une cohorte de journalistes couvrent l’actualité parce qu’il y a du nouveau pour alimenter les nouvelles.
L’événement se passe au local du RHJS. Une centaine de jeunes filles et de jeunes hommes venus des quartiers de Fort national et de Saint Martin dans le giron de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Ils suivent chaque jour, de 8 heures 30 du matin à 4 h 30 de l’après-midi, des séances de formation. Ces séances mobilisent des groupes de 30 à 40 personnes sur les violences basées sur le genre et la santé sexuelle reproductive. Trente parmi eux auront la chance de poursuivre une formation plus pointue sur les techniques de production de contenus audiovisuels destinés aux réseaux sociaux. À travers 8 articles signés Pouchenie Blanc, Ruth Cadet, Élien Pierre et Claude Bernard Sérant, vous pourrez faire un panorama du contenu de cette formation au RHJS.
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Le rêve brisée de Joana après un viol collectif
Saint Martin, autrefois connu comme un quartier vivant et animé, est aujourd’hui une zone de désolation. En proie aux gangs armés, ses rues sont devenues synonymes de danger, surtout pour les femmes. Joana, 20 ans, l’a appris de la façon la plus brutale et injuste. Étudiante en deuxième année en sciences juridiques à l’Université d’État d’Haïti, elle a vu tous ses rêves de justice et d’équité s’envoler le temps d’une soirée.
Le 2 juin 2024, Joana sort pour une rare soirée avec ses amis, voulant échapper quelques heures aux menaces qui, chaque jour, gagnent du terrain à Saint Martin. Elle rentre autour de 21h, ses amis la déposent non loin de chez elle. En traversant une ruelle tout près de sa maison, elle aperçoit un groupe de jeunes hommes qu’elle connaît. Certains d’entre eux ont des antécédents criminels et sont connus pour leurs mauvaises fréquentations. Joana nous confie : « Je les connaissais tous, ils habitent le même quartier que moi, mais ils ont changé. Aujourd’hui, ils regardent les filles comme si nous n’étions rien. »
Alors qu’elle les salue brièvement, l’un de ces hommes l’attrape brutalement. Joana se souvient comme si c’était la tombante nuit d’hier. La voix étouffée, les yeux fixés sur le sol, elle déclare : « Ils ont dit que je me croyais supérieure parce que j’étudiais… Je n’ai même pas eu le temps de réagir. L’un d’enu m’a frappée, et je suis tombée. »
Quatre d’entre eux ont violé cette jeune fille, sans aucun remords, sans un regard d’humanité. « J’étais impuissante, ils riaient… ils n’avaient aucune pitié, comme si c’était normal », lance-elle, le regard mélancolique
Au-delà de l’horreur de cette nuit, Joana en paie encore les conséquences aujourd’hui. En plus d’avoir contracté la syphilis, elle découvre quelques semaines après le drame qu’elle est enceinte. Un coup de plus encaissé pour cette jeune femme. Elle avoue, la mort dans l’âme : « Ce corps, je le déteste maintenant… Je ne peux pas imaginer élever cet enfant qui me rappelle chaque jour ce qu’ils m’ont fait. » Elle pense déjà à donner le bébé en adoption, espérant qu’une famille aimante puisse lui offrir un avenir meilleur.
Solitude d’une survivante
Vivant toujours dans le quartier de Saint Martin, Joana se sent enfermée dans une cage. Elle connaît bien ses agresseurs, mais n’a nulle part où aller. Dans un pays où la justice est souvent défaillante, elle n’a que peu d’espoir de voir les responsables arrêtés. Elle explique, les mains tremblantes : « Je n’ai pas confiance en la justice. Même si je les dénonce, ils savent où je vis. Ils pourraient tuer ma famille… Mes deux petits frères et moi-même. »
Face à cette impunité, Joana s’est résignée. Elle a quitté la faculté, mettant un terme, peut-être définitif, à ses études de droit. Elle souligne, le cœur brisé : « Comment pourrais-je défendre les autres si moi-même, je n’ai pas eu droit à la justice et à la sécurité ? »
Pour Joana, raconter son histoire est un moyen de survivre, mais aussi de prévenir. Elle espère que la société comprendra l’ampleur des violences que vivent des femmes comme elle, et qu’un jour, justice et protection seront accessibles à toutes les victimes. Ce drame suscite interrogations et réflexions chez cette âme blessée. Aussi ne peut-elle pas s’empêcher de se demander : « Il faut que quelqu’un parle pour nous, pour que les choses changent. Peut-être que si plus de gens savaient ce qui se passe ici, il y aurait des actions concrètes. »
Aujourd’hui, Joana n’est pas seulement une victime. Elle est une survivante, l’incarnation d’une lutte silencieuse mais puissante pour la dignité, pour les droits, et pour l’espoir d’une société où plus aucune femme n’aura à craindre pour sa vie et sa dignité. La grande question de Joana : « Les autorités de notre pays doivent prendre conscience de la situation. Jusqu’à quand la voix des femmes violées sera-t-elle étouffée ? »
Joana est un nom d’emprunt utilisé pour protéger l’identité de la victime.
Wooselande Isnardin
woosebelfort@gmail.com
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Violence basée sur le genre
Silence : trois bandits violent une mère de trois enfants
Les 2 et 3 novembre 2024, un week-end qui restera gravé dans la mémoire des habitants de Fort National. Des bandes armées ont fait irruption, saccageant tout sur leur passage, pillant, violant et incendiant. Rose, 51 ans, mère de 4 enfants, regard empreint de douleur et de résilience, raconte son calvaire : « Je ne sais pas ce que les Haïtiens ont fait au bon Dieu, mais il semble qu’il nous le fait payer cher. Nous vivons un véritable enfer, et pourtant, on dirait qu’aucune autorité du ciel ou de la terre n’entend nos cris. »
Au cœur de Port-au-Prince, dans le camp du lycée Marie-Jeanne, cette mère courageuse a été contrainte de fuir son domicile de Fort National, un quartier dévasté par la violence des gangs. « Je ne pouvais pas rester là-bas. Ils sont venus, des hommes armés, sans pitié… ils prenaient tout, frappaient, tuaient. Ma maison ? En flammes. Ce que j’ai vécu, ce que mes enfants ont vu… personne ne devrait endurer ça. »
Mais avant de fuir Fort National, Rose a été victime de l’impensable : elle a été agressée sexuellement. « Trois hommes m’ont violée en présence de mes enfants. Ils m’ont détruit », lâche-t-elle d’une voix basse, les yeux embués. « Ce jour-là, j’ai perdu plus que ma maison, plus que ma paix intérieure. Ils m’ont volé ma dignité. »
Rose, nom d’emprunt pour protéger l’identité de la victime, était une commerçante active. Devenue veuve après l’assassinat de son mari à Nazon en août 2023, elle s’est retrouvée seule pour subvenir aux besoins de ses enfants et les élever dans un environnement devenu de plus en plus incertain. « C’était un homme bon, qui se battait pour que ses enfants aient un avenir. Un jour, on m’a appelée alors que je vendais mes légumes au marché de Lalue pour me dire de venir ramasser le corps de mon mari. Des bandits l’ont tué à Nazon, » se souvient-elle, la voix étranglée par l’émotion.
Peu après, son fils aîné, âgé de 19 ans, est devenu la cible des malfrats du quartier de Fort National. Les menaces pour l’enrôler dans leurs activités criminelles se sont intensifiées. « On a voulu intégrer mon premier fils dans des actes criminels. C’est un bon garçon qui travaille bien à l’école. Je suis très sévère avec lui », raconte-elle
Le deuil et les responsabilités croissantes pèsent lourd sur les épaules de Rose. Depuis cette tragédie, elle affronte de nombreux défis, non seulement financiers mais également émotionnels. Chaque jour est une lutte pour trouver des moyens de subsistance, dans un contexte où les difficultés se multiplient. Aujourd’hui, elle vit dans des conditions indignes dans le camp du Lycée Marie-Jeanne, où chaque jour devient un combat. « L’air est imprégné d’une odeur nauséabonde, l’accès à l’eau potable est rare, et il n’y a ni intimité ni confort. On dort les uns sur les autres, sur des morceaux de carton, sous des bâches trouées qui ne nous protègent ni de la pluie ni du vent, » confie-t-elle.
Ses maigres ressources ne suffisent pas pour nourrir ses enfants. « Parfois, je les regarde s’endormir le ventre vide, et je ne peux rien faire, » confie Rose, impuissante. « Ils me demandent pourquoi on vit ainsi, pourquoi il n’y a rien à manger. Ils ne comprennent pas, et moi je n’ai plus de réponses. »
Le camp est devenu pour Rose un symbole de l’abandon de l’État. Elle y côtoie d’autres familles qui, comme elle, ont fui la violence des gangs, mais qui se retrouvent piégées dans des conditions de vie précaires, exposées aux maladies, sans espoir de retour à une vie normale. Malgré tout, elle se bat pour ses enfants. « Je veux qu’ils sachent que même si tout semble sombre, il faut garder espoir. Je veux leur montrer qu’on peut survivre, même à l’impensable, » affirme-t-elle, malgré la fatigue qui se lit sur son visage.
Les violences basées sur le genre, les traumatismes, les privations, tout cela pèse lourd sur Rose et d’autres femmes comme elle. «Les campements improvisés ne sont pas des refuges ; ils sont des lieux où la douleur se mêle à la honte et au désespoir, et où les voix des victimes résonnent dans l’indifférence générale », dit-elle froidement.
À travers son témoignage, Rose appelle à l’aide, pour elle, pour ses enfants, et pour toutes les femmes qui se battent en silence. Elle rêve d’un monde où elle pourrait marcher librement sans craindre pour sa vie, d’un endroit où ses enfants pourraient s’épanouir en paix. Mais pour l’instant, elle survit, suspendue entre l’horreur passée et une misère quotidienne.
Wooselande Isnardin
woosebelfort@gmail.com
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Me Novia Augustin / L’invitée du jour
Gros plan sur REFHaïti à l’émission Byennèt du RHJS
Dans les studios du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), la présentatrice de l’émission Byennèt, Marc-Kerley Fontal, a accueilli, ce matin, Me Novia Augustin. La juriste de formation portait, à Byennèt, la casquette de présidente du Refuge des femmes d’Haïti (REFHaïti). Le sujet du jour qui a mobilisé toute une équipe du réseau autour de la militante : « L’autonomisation des femmes comme moyen de prévention de la violence dans les quartiers vulnérables de Fort national et de Saint-Martin ».
« Refuge des femmes d’Haïti est une organisation qui promeut le respect des droits des femmes haïtiennes. Nous travaillons dans le domaine de la violence basée sur le genre (VBG). Nous accordons notre support psychosocial, accompagnons les femmes victimes de violence et nous faisons également de la sensibilisation sur le VIH. Cette violence dont nous parlons est aussi liée au VIH. Pour la combattre, nous facilitons financièrement les femmes à devenir autonome », a déclaré d’emblée la présidente de REFHaïti, Me Novia Augustin, à l’antenne.
Pour mettre sur pied de tels programmes d’envergure, elle a précisé que REFHaïti reçoit le soutien de plusieurs partenaires, notamment, ONU/Femme, différents partenaires des Nations-Unies, Fonds pour les femmes, la paix et l’aide humanitaire, la Fondation pour la Santé Reproductrice et l’Education Familiale (FOSREF), institution dans laquelle REFHaïti a réalisé plusieurs formations, les Centres GHESKIO (Groupe d’étude haïtien sur le sarcome de Kaposi et les infections opportunistes), pour les questions liées aux maladies sexuellement transmissibles dont le VIH/SIDA.
Dans l’ADN de REFHaïti
Les auditeurs apprendront à Byennèt que le REFHaïti, cette institution qui a vu le jour à Croix-des-Bouquets en octobre 2016, depuis sa naissance, elle a intégré dans son ADN la mission de promouvoir les plus vulnérables, notamment les femmes prostituées, séropositives, victimes de violence, bisexuelles, transsexuelles, pour ne citer que celles-là.
La native de Saint-Marc a profité de l’audience du RHJS pour camper son organisation : « Notre réseau s’étend dans les dix départements géographiques du pays. Nous avons des représentants départementaux. Pour mieux articuler notre travail, nous avons mis sur pied une fédération : la Fédération des organisations de femmes pour l’égalité des droits humains ; elle est liée à trois cent vingt organisations de femmes. La fédération travaille pour combattre le phénomène de la violence au niveau national mais aussi œuvre pour que celles-ci intègrent tous les espaces de décisions », a précisé la militante au micro de l’émission du RHJS diffusée à travers X stations de radio du pays. »
Bilan des projets de REFHaïti
Me Novia Augustin, cette militante qui avait reçu, en janvier 2021, une plaque d’honneur de Dofen Award pour son activisme et sa militance pour le droit des femmes, a défendu le bilan de l’institution qu’elle a fondée. Elle soutient : « De 2016 à nous jours, REFHaïti a organisé beaucoup de choses, mais plus vous travaillez et plus vous avez des difficultés à résoudre à cause de l’insécurité ambiante. Nous avons réussi à toucher environ 20 à 25 mille femmes. Des jeunes femmes, des mères de famille, des femmes PVVIH. Ce sont des femmes touchées directement, car elles ont reçu de la formation en couture, en marketing entrepreneurial, plomberie et électricité. Pour le projet ONU/Femme/WPHF, nous arrivons à toucher environ 250 000 personnes par mois seulement dans le chapitre lié à la sensibilisation. Et ce projet a duré quinze mois. De 2016 à nos jours, pour la période covid, nous avons fait beaucoup de sensibilisation et nous continuons à faire des plaidoyers »
Elle est passé à pieds joints sur des formations de courte durée dont ont bénéficié quatre à cinq groupes de femmes. Dans le rayon artisanat : confection de cache-nez, macramé, broderie, couture, fabrication de produits de nettoyage, etc.
En ouvrant d’autres volets liés à l’économie, elle a captivé d’avantage l’attention. « Nous avons le programme de Refuge pa m qui accorde aux femmes des prêts à 1%. Pour illustrer : si nous vous prêtons 25 000 gourdes, vous ajouterez 150 gourdes sur le montant accordé sous la forme de prêt. À la remise du montant sur une durée de six mois, la personne remettra seulement 25 150 gourdes. » Encore une autre manière de faciliter la création de nouvelles entreprises.
Formation des jeunes de Fort National et Saint-Martin
Au cœur de l’émission, Fontal a ouvert un autre sujet lié à la formation des jeunes de Fort National et de Saint-Martin.
En quelques traits, Me Novia Augustin a présenté ce projet d’une durée de douze mois qui a démarré en août dernier. Elle a mis les auditeurs au parfum en expliquant les stratégies mises en place pour la matérialisation de ce projet. « Nous avons rencontré des leaders établis dans ces communautés. Ils nous ont référé des jeunes. On avait établi des critères pour une représentation plus large. Des jeunes PVVIH, des jeunes femmes LGBT, lesbienne, bisexuelle ou trans, des jeunes filles-mères, des femmes leaders d’organisation œuvrant dans ces communautés respectives, des responsables religieux, des jeunes impliqués dans les activités de leur communauté. Ce sont ces jeunes-là que nous avions choisi. »
Tout en reconnaissant que ce sont des quartiers chauds et dangereux à un moment où les bandits sèment le trouble, REFHaïti se veut réaliste. « Comme ils vivent dans ces quartiers, ils n’ont aucun problème pour y circuler et implémenter ce projet dans la communauté », souligne l’invitée de Byennèt.
REF-Haïti a formé vingt-cinq jeunes de Fort national et de Saint-Martin dans des domaines clefs : violence basée sur le genre, VIH et d’autres thèmes comme l’éducation civique. « Ces jeunes sont en majorité des femmes (vingt femmes et cinq jeunes hommes). Ils auront à sensibiliser les jeunes des quartiers de Fort National et de Saint-Martin. Chaque mois, ils auront à sensibiliser cent personnes. Pendant douze mois. »
Et comme Refuge des femmes a un centre d’hébergement dans la commune de la Croix-des-Bouquets, ce sont ces jeunes qui réfèrent à ce centre les femmes victimes de violence et les déplacés par la guerre des gangs. On apprendra à Byennèt que dans ce centre d’hébergement, les personnes accueillies reçoivent deux plats chauds par jour, une trousse d’hygiène ; outre cela, de la formation et un soutien financier pour leur assurer des activités génératrices de revenus.
Toutefois, au-delà de 90 jours leur ticket n’est plus valable. Place nette à d’autres personnes. Le budget de REFHaïti ne lui permet pas de prolonger ce temps d’hébergement à Croix-des-Bouquets qui est aussi une commune sous haute tension.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
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Les jeunes de Fort national et de Saint Martin formés au RHJS sur l’étique et la déontologie appliquées aux réseaux sociaux
« Facebook, YouTube, Instagram, WhatsAPP, Tiktok, WeChat, Facebook Messenger, Télégramme, sont les réseaux sociaux les plus populaires dans le moment. Vous vous en servez, vous autres jeunes, qui prenez part à cette formation du Réseau haïtien des journalistes de la santé comme des outils de promotion pour vos activités commerciales et aussi pour vos loisirs, n’est-ce pas ? » a lancé en guise de question, le responsable de la section Culture du quotidien Le Nouvelliste, Claude Bernard Sérant, à la séance de formation basée sur le module « Éthique et déontologie du journaliste liée au réseau social, le dimanche 3 novembre 2024, au local du RHJS, à Delmas 48.
Dans ce monde 2.0 où le virtuel gagne de plus en plus de terrain, a poursuivi le formateur, les réseaux sociaux occupent une grande place dans votre vie. Aussi a-t-il fait une mise en garde : « Attention ! l’écran de votre portable, de votre tablette ou de votre ordinateur, que vous n’arrivez pas à lâcher un instant, peut devenir un écran qui vous empêche de voir la réalité. »
Devant une trentaine de jeunes des quartiers de Fort national et de Saint Martin, le journaliste a dressé les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux à l’heure où les médias traditionnels sont bousculés par Internet qui offre à tout le monde l’opportunité de servir de médiateur au public. « En un temps record, de nos jours, on peut filmer un événement à partir de son téléphone intelligent et le publier sur Internet. C’est le temps du buzz ! », a-t-il lancé.
La question éthique
« Est-ce ça le journaliste citoyen ? Est-ce ainsi qu’on rend service à l’intérêt général ? », a-t-il demandé aux jeunes assis dans la grande salle de conférence du réseau.
Le professionnel de l’information, pour Sérant, n’entre pas dans la logique des influenceurs du moment qui n’ont qu’un souci : obtenir des vues. « Le journaliste, sachant qu’il exerce un métier de médiateur, suit tout un processus parce que le journalisme c’est la vie. Il recueille les faits, il traite les données et les met en forme d’information journalistique destinée à un public pour les presses (écrite, parlée, télévisée ou en ligne). Et comme l’information journalistique – quelque soit le canal utilisé – est servie par une écriture ; de ce fait, nous évitons le spectaculaire pour cheminer dans un acte réflexif, intellectuel fondé sur la hiérarchisation de l’information dans une mise en perspective qui refuse l’émotionnel qui est la tendance du moment », soutient le coach en écriture journalistique au RHJS.
L’éthique du journalisme, pour ce coach qui occupe le poste de secrétaire général adjoint au RHJS, n’est pas un ensemble de normes qui s’appliquent seulement à la presse traditionnelle. Aussi les journalistes citoyens, blogueurs, youtubeurs, facebookers, tiktoker qui utilisent un canal de prédilection pour véhiculer des contenus ont-ils pour devoir de s’astreindre à la déontologie du journalisme. « L’éthique nous commande à garder dans ce métier notre boussole composé de ces principes : la vérité, la rigueur et l’exactitude, l’intégrité, l’équité et l’imputabilité. On retrouve ses principes dans la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, dite Charte de Munich. »
Prenant des exemples dans notre quotidien, il a exhorté les jeunes à ne pas publier des scènes qui heurtent la sensibilité du public. Dans cette perspective, il a noté que les scènes de vengeance populaire à l’heure du « bwa kale » ont eu un impact négatif sur beaucoup de personnes. « On n’en finit pas de compter les troubles émotionnels qui ont impacté leur santé », a-t-il regretté.
Ces influenceurs ne réalisent pas, a-t-il insisté, que la santé mentale de l’individu participe aussi bien à son bien-être autant que celui de sa famille.
« Il y a certaine photographie qu’il faut s’abstenir de prendre. Et certaines scènes qu’il faut éviter de filmer. Par exemple cette adolescente vêtue de son uniforme d’école qui a été violée par un adulte. Elle était cernée de caméras et on lui posait des questions qui ne font pas honneur au journalisme », a-t-il souligné sur un ton mécontent.
Sérant a défendu aussi d’autres principes tels : la protection des sources d’information, la vérification des faits et le principe de la liberté de l’information et d’expression.
Au RHJS, l’auteur de « Traces au quotidien, introduction à l’écriture journalistique », a fait aussi un survol sur la philosophie en explorant le concept éthique. Il est passé à pieds joints sur quelques grands penseurs de l’éthique et de la morale tels Baruch Spinoza, Emmanuel Kant, Jeremy Bentham et Friedrich Nietzsche.
Le journaliste reconnaît que ce monde virtuel agrandit le monde et le complète. Pour le meilleur comme pour le pire, les réseaux sociaux, note-t-il, relèvent de cette dialectique qui intègre dans l’agencement des liens entre les individus, les groupes, les communautés et les organisations qui s’étendent dans l’univers, son poison et son antidote. Plus loin, il a demandé aux utilisateurs et utilisatrices de réseaux sociaux à ne pas mésuser de ce grand pouvoir virtuel qui peuvent aussi changer notre vie. Et c’est en misant sur les principes qui devront guider nos actions, qu’il a déclaré : « Le RHJS veut croire que les techniques de production audiovisuelle entre vos mains seront un outil de développement durable pour continuer, sur les réseaux sociaux, la campagne de sensibilisation sur la violence, les violences basées sur le genre et la santé de la reproduction. »
Pouchenie Blanc
blancpouchenie@gmail.com
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L’action, selon Indeed Gabriel, pour lutter contre le fléau de la violence basée sur le genre
« Fabienne, étudiante à l’université, 20 ans, confie à ses amis qu’elle a décidé de céder aux avances d’un riche commerçant par peur d’être virée de son entreprise et de lui enfanter », déclare Indeed Gabriel, à la séance de formation qu’elle anime au local du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), pour une quarantaine de jeunes de Fort national et de Saint Martin, ce samedi 9 novembre. L’étudiante en médecine lance plusieurs interrogations pour dynamiser le cours : « La décision de Fabienne, est-ce une résolution consentie ? »
Les réactions pleuvent. Les jeunes apprenants qualifient ce commerçant de grossier, d’indélicat, de gros soulier juché sur son pouvoir de mâle dominant pour faire chanter son employée.
« Six mois après la liaison, le commerçant prive Fabienne de ses parents et amies et doit obligatoirement rester à la maison. Quel forme de violence exerce-t-il sur elle? », demande la formatrice professionnelle à la classe. Les jeunes voient en cet acte, une ruse de cet homme pour enfermer cette pauvre femme. Ils décèlent dans l’acte de retenir une personne contre son gré, une séquestration, crime puni par la loi.
« Si vous étiez à la place de Fabienne que feriez vous ? », questionne la formatrice. La classe s’anime de plus belle. Tout le monde veut placer un mot à cette formation sur « L’Importance de la sensibilisation dans la prévention de la violence basée sur le genre. »
Différentiation sociale et culturelle des sexes
D’emblée, Indeed a noté : « Le genre à trait à la différentiation sociale et culturelle des sexes. C’est l’identité que la société réfère aux hommes et aux femmes. Plusieurs facteurs sont pris en compte : âge, classe sociale, milieu géographique, race, ethnie, époque. » Elle a montré comment les sciences sociales divisent, polarisent et organisent l’humanité en différentes catégories de « sexe », « genre » et de « sexualité » (tel que masculin / féminin, homme / femme, mâle / femelle, cisgenre / transgenre, intersexe / dyadique, homo / hétéro, etc.)
Dans cette construction sociale, a-t-elle souligné, le genre relève du psychologique ou du social et non du biologique. Tout en ouvrant un champ de savoirs sur ces constructions sociales, elle précise que « le sexe renvoie à la distinction biologique entre mâles et femelles, tandis que le genre renvoie à la distinction culturelle entre les rôles sociaux, les attributs et les identités psychologiques des hommes et des femmes. »
Mythes et stéréotypes relatifs aux VBG
À travers les modules de la formation, Indeed Gabriel a présenté les différentes formes de violences exercées à l’encontre des femmes. Aussi a-t-elle mis le doigt sur l’ampleur des mythes et stéréotypes relatifs à ce fléau dans une société en proie à la violence sous toutes ses formes.
Les mythes et les stéréotypes qui essentialisent les personnes sont posés au RHJS. On pourra noter : Dans le foyer haïtien, les femmes sont aussi violentes que les hommes ; les femmes jalousent qui ne maîtrisent pas leur langue méritent d’être corrigées ; pourquoi nos organisations s’évertuent-elles à aider la femmes battue quand elles savent bien que sont des coups d’épée dans l’eau? Immanquablement, elle reviendra aux pieds de son mari ; les femmes poussent souvent leur mari à recourir à la violence ; les hommes doivent exprimer beaucoup de tendresse après avoir corriger leur conjointe ; trop de stress pèse sur les épaules de l’homme. Il décharge sa colère sur sa femme.
Agir contre la violence
Pour Indeed Gabriel : « On ne doit jamais recourir à l’abus de la force. Toutes les formes de violences ont une portée psychologique parce que le principal objectif est de blesser l’intégrité de l’autre. Formes verbale ou non verbale considérées comme pures, dénigrement, harcèlement, humiliation, menaces contrôle des activités, séquestration »
Même jugement pour la violence physique : « C’est un acte avec pour intention ou conséquence la douleur afin de réduire la maitrise de soi de l’autre. Les formes les plus visibles : coups, blessures, fractures. La personne qui agresse essai de faire passer un message clair à la victime. » Idem, pour la violence sexuelle :« Elle englobe toutes les formes de violence qui se manifeste de façon sexuelle. Une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel avec ou sans contact physique. Un acte visant à assujettir une personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte. Il porte atteinte aux droits fondamentaux notamment l’intégrité physique et psychologique ou encore à la sécurité. Exemple : attouchements, baisers, contact oro-genital, pénétration. »
Dans le contexte de la violence basée sur le genre, Indeed Gabriel prône l’action, l’initiative pour redonner le pouvoir aux personnes victimes de violences basées sur le genre. À travers le service public de la justice, l’accès aux soins médicaux, les maisons d’accueil ; à travers les informations sensibles aux questions liées à la VBG, la société arrivera à éliminer ce fléau dans notre espace géographique.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
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Formation au RHJS pour une vingtaine de jeunes de Fort National et de Saint-Martin
Au local du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), ce samedi 2 novembre 2024, l’atmosphère est studieuse. Sur grand écran les cours sont projetés. Dr Claire Raphaëlle Lopez, médecin de son état, assure une formation. Le sujet à l’ordre du jour participe de la campagne de sensibilisation multimédia contre la violence basée sur le genre (VBG). Il s’inscrit aussi dans le cadre de la formation sur la santé sexuelle et reproductive et les techniques de production audiovisuelle.
Une vingtaine de jeunes des quartiers de Fort National et de Saint-Martin accordent une attention à l’exposé de Dr Lopez. Le médecin aborde la question en faisant preuve de pédagogie. Pour transmettre le contenu de la formation, elle y va par étape : introduction à la santé sexuelle reproductive ; concepts fondamentaux ; contraception et planification familiale ; infections sexuellement transmissibles et prévention ; genres, consentement et relations saines, santé mentale et bien-être sexuelle.
Le public de Dr Lopez, réceptif, facilite les échanges. Entre le contenu de la formation exposé dans un langage clair, accessible et les expériences racontées sans langue de bois dans la salle, une envie d’apprendre anime la 2e tranche de cette première journée.
Le consentement
La question de la violence basée sur le genre, quand elle vient dans les débats, décuple l’attention et les prises de parole. Pour mettre de l’entrain à la formation, des jeunes hommes, un brin humoristique, font comprendre qu’eux aussi de la gente masculine, sont victimes de cette violence. Un jeune homme raconte que lors d’une relation sexuelle, sa partenaire, toute récente, a enlevé en pleine action son pénis du vagin pour l’introduire subrepticement dans l’anus. Là, il signale, dans ce cas précis, puisqu’il n’y avait pas son consentement. Il a tout bonnement débandé. Sans autre forme de procès.
Dans le cadre du VBG, Dr Lopez souligne que les hommes, eux aussi, sont parfois victimes; toutefois, on met davantage l’accent sur les femmes parce que la violence touche les femmes de manière disproportionnée.
La question du consentement fait débats dans la salle. Les jeunes hommes maintiennent que les jeunes filles sont souvent capricieuses parce qu’elles ne disent jamais oui. Lever de bouclier des filles devant un tel argument. Elles mettent en avant leur souffrance physique, psychologique quand la contrainte, le chantage ou la ruse entre dans l’amour.
Dr Lopez explique qu’il faut désormais une nouvelle approche, de nouveaux repères à construire dans les relations entre partenaires, que l’on soit petits amis ou mariés, le consentement est fondamental.
Sur ce chapitre, une jeune fille fait comprendre qu’entrer en relation sexuelle avec un partenaire est un acte responsable. Et c’est ce que l’on doit retenir dans cette formation qui fait des jeunes de Fort National et de Saint Martin des pairs éducateurs qui transmettront à d’autres ces valeurs morales qui transformeront notre société.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
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Formation au RHJS sur le VIH/SIDA et les droits humains pour les jeunes de Fort National et Saint Martin
Le secrétaire général du RHJS, Louiny Fontal, a assuré une séance de formation au local du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), Delmas 48, le mercredi 6 novembre 2024. À cette formation pour les jeunes de Fort National et Saint Martin, l’objectif visé : enseigner les compétences nécessaires à 100 jeunes, dont au moins 50 jeunes filles sur le VIH/ SIDA et les droits humains en vue de transmettre le contenu de cet enseignement. On notera au passage que ces séances sont réalisées pour des jeunes âgés de 15 à 29 ans.
Pour Fontal, « Les droits de l’homme également appelés droits humains sont des droits inhérents à sa personne. Inaliénables et sacrées, ces prérogatives dont sont titulaires les individus bien qu’ils soient reconnues ne sont pas valorisées et respectées dans plusieurs pays du monde. Donc, notre combat est de promouvoir les droits humains. »
Au regard des droits des femmes, la persistance des discriminations et des stéréotypes fondés sur le sexe se conjuguent au quotidien, a-t-il souligné. Et de poursuivre : « Cette situation s’aggrave surtout dans les milieux vulnérables et décroit à un rythme exponentiel depuis que le phénomène des gangs fait fuir les populations à Port-au-Prince et dans nos villes de province. » Par ailleurs, dans son exposé, il a reconnu que cette source permanente d’abus sexuels fait le lit des hommes sans foi ni loi, surtout quand l’impunité est la règle.
C’est dans cette démarche, a-t-il noté, par ailleurs, que le RHJS, dans la mission qu’il s’attribue, poursuit cette campagne de sensibilisation sur la violence, et les violences sexuelles liées au genre.
Cette violence, a-t-il rappelé, n’est pas sans conséquence sur les nouvelles infections liées au VIH/SIDA en Haïti. Chemin faisant, il a ouvert une fenêtre sur les traitements antirétroviraux contre le SIDA (ARV), et le dépistage dans les CDV. Aussi a-t-il dit, le RHJS, suivant la logique de l’Organisation mondiale de la Santé, promeut, sur un plan pratique, les droits économiques, sociaux et culturels pour venir à bout du VIH/SIDA d’ici 2030. « L’un de ces droits passe, outre l’accès à un traitement, mais aussi à une éducation en matière de VIH. Tel est le sens de l’engagement du RHJS dans le cadre d’une action adaptée et fondée sur les droits de l’homme », a-t-il dit.
Contenu de la formation
Louiny Fontal, dans un souci d’informer les jeunes, a fait ce rappel : « Les sessions de formation au Réseau, segmentée en deux parties, théorique et pratique, sont articulées autour des thèmes suivants :
- Introduction aux VBG ;
- Introduction à la santé sexuelle et reproductive ;
- Techniques de communication et de sensibilisation ;
- Techniques de production audiovisuelle pour les réseaux sociaux ;
- Éthique et droits humains ;
- Atelier de création de contenu.
Les participants, scindés en trois groupes pour des raisons pédagogiques, suivent tour à tour, ces sessions de formation de trois (3) jours, pour un total de 24 heures. »
Le journaliste sénior, tout en mettant l’accent la problématique du VIH/SIDA, a profité de cette intervalle pour souligner aux apprenants que cette formation administrée gratuitement réclame de toute urgence leur engagement. Promus au rang de pairs éducateurs, dans le cadre de cette campagne de sensibilisation multimédia, ils devront produire des contenus sur la violence basée sur le genre, la santé sexuelle et reproductive, sur leur plateforme, sur les réseaux sociaux, au moins pendant les trois premiers mois ayant suivi la formation.
À cette session de formation dynamisée par des échanges, il a informé à ces jeunes qu’à la fin de la formation, une trentaine parmi eux poursuivront cette aventure enrichissante en théorie et pratique. Aussi seront-ils outillés de techniques de production audiovisuelle adaptée au réseaux sociaux.
Plusieurs d’entre eux se voient déjà acteurs de changement et proposent des idées au RHJS. Parmi eux, journalistes, influenceurs, étudiants en agronomie, en administration, en informatique, cadreur, monteur de vidéo, blogueur, infirmière etc.
Dans l’univers fracturé par la violence au quotidien, ils gardent l’espoir que Fort National et Saint Martin ont un réel besoin d’une jeunesse formée, éduquée et capable d’inverser cette tendance qui mine leurs quartiers et qui les pousse à fuir leur maison pour sauver leur peau.
Louiny Fontal a félicité ces jeunes qui ont bravé la situation sécuritaire pour suivre cette formation au RHJS qui met la promotion et la protection des droits de l’homme au cœur de la campagne basée sur le genre et la santé reproductive.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
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L’impact de la violence basée sur le genre sur les communautés vulnérables
La violence basée sur le genre reste une réalité préoccupante qui affecte au quotidien des milliers de femmes et d’hommes dans notre société. Ses manifestations sont variées, incluant la violence domestique, les abus sexuels, le harcèlement et la traite de personnes. Dans le cadre d’une interview menée avec Me Greef Bouloge Pétion et Mme Françoise Emmanuela, respectivement le directeur de Protection à l’Office de protection du Citoyen ( OPC) et formative à l’organisation Lakou Lapè, nous examinerons l’impact de la VBG sur les communautés vulnérables ainsi que les conséquences à long terme sur le bien-être des victimes.
Dans les communautés vulnérables, l’impact de la violence basée sur le genre est encore plus prononcé et exacerbé par des facteurs tels que la pauvreté, les inégalités sociales, faible niveau d’éducation, les conflits des gangs armés et le manque d’accès aux services de soutien a expliqué Me Greef Bouloge Pétion, directeur de la protection à l’Office de Protection Citoyen précisant que les survivants de la VBG qui subissent une double victimisation souffrent souvent d’exclusion, de stress, de marginalisation et de traumatismes psychologiques.
L’anthropologue Pétion a avancé que « La violence basée sur le genre a des conséquences profondes et dévastatrices sur les communautés vulnérables. Pour combattre ce problème, il est essentiel de renforcer les structures de soutien, d’éduquer les communautés sur les droits humains, et de promouvoir l’égalité des genres. »
Pour remédier à ces impacts, Me Pétion croit qu’il est essentiel dans les espaces de prise en charge quelle soient privés ou publique de mettre des gens ayant des connaissances sur le VBG et la mise en œuvre des programmes de sensibilisation, de soutien psychologique et de développement socio-économique, en vue d’assurer une meilleure accessibilité aux services juridiques et médicaux en fonction de leurs besoins.
En raison des conflits liés aux gangs armés dans le pays, Mme François constate une hausse des cas de violence basée sur le genre (VBG), en particulier dans les camps improvisés où les personnes déplacées vivent dans des conditions de promiscuité insupportables. « Les déplacements forcés et la perte de moyens de subsistance rendent ces communautés vulnérables encore plus exposées à la VBG, aggravant ainsi la marginalisation et le traumatisme des survivants », a déclaré la facilitatrice de Lakou Lapè, en insistant sur le fait que les femmes et les filles sont particulièrement touchées par cette problématique.
La violence et l’insécurité engendrent un climat de méfiance, exacerbent les tensions et favorisent la criminalité dans les communautés vulnérables. Selon les observations de la formatrice, les femmes victimes manifestent souvent des comportements agressifs, se montrent distantes et font preuve de méfiance. De leur côté, certains jeunes hommes ont recours à des actes de banditisme pour se protéger. En conséquence, dit-elle, les habitants se sentent de plus en plus vulnérables et en insécurité, ce qui compromet la cohésion sociale.
En outre, face aux effets dévastateurs de cette violence sur la santé, l’économie et la cohésion sociale, Mme François Emmanuella plaide en faveur d’une meilleure prise en charge au profit des personnes victimes de violence basée sur le genre (VBG). Elle appelle également à établir les fondements d’une société dans laquelle chacun se sent respecté, valorisé et en sécurité.
Ruth Cadet
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Les jeunes de Fort national et de Saint Martin témoignent sur la VBG
Trois journées d’échange, de partage et de découverte. Du 2 au 4 novembre 2024, le Réseau haïtien des journalistes en santé (RHJS) a organisé la première d’une série de formation, dans le cadre de la campagne de sensibilisation multimédia contre la violence basée sur le genre (VBG), la santé sexuelle et reproductive et les techniques de production audiovisuelles. Destinée aux jeunes des quartiers de Fort National et Saint Martin, ces séances en atelier ont réuni une trentaine de jeunes. À l’issue de ces séances, orientées selon une approche participative, plusieurs participants n’ont pas caché leur satisfaction.
Pour Vikerson Romulus, « Ces séances de formation m’ont permis de rencontrer d’autres jeunes et de me familiariser, tout en acquérant de nouvelles connaissances. On a assisté à un ensemble de présentations portées sur les violences basées sur le genre, la santé sexuelle et reproductive, les droits humains et les techniques de production audiovisuelle. Tout cela nous a aidé à comprendre comment les violences sont nombreuses et affectent grandement notre société »
Professeur, juriste et entrepreneur, Vikerson est un homme avisé. Toutefois, il n’était pas conscient de l’ampleur du problème. « Avant la formation, on ne voyait dans certaines qu’il existe une forme de violences. Des violences basées sur le genre. Quand on maltraite quelqu’un, lui fait du chantage, quand on lui profère des jugements ou agit sans son consentement, on viole son droit. Avec cette formation, on comprend mieux ces thématiques », avance-t-il, rappelant que les présentations sur la santé sexuelle et reproductive leur apprend à être plus responsable dans leur relation de couple. »
Et d’ajouter : « Je pense qu’on va devoir transmettre à d’autres jeunes les formations qu’on a reçues ici. Ces connaissances et conseils ont beaucoup d’importance pour les jeunes vivant dans les milieux vulnérables et défavorisés. Je pense que les gens qui sont dans les abris provisoires en ont aussi grandement besoin. Ces formations auront un impact considérable dans les camps où des gens subissent beaucoup de violences ; qu’elles soient de nature physique, psychologique, sexuelles… », a-t-il énuméré, avouant connaitre des proches victimes de violences et auxquels il a apporté son assistance.
De son côté, une jeune fille, 21 ans, requérant l’anonymat, se dit témoin des actes de violences récurrentes dans le quartier de Saint Martin. D’ailleurs, elle a failli en faire les frais. « Je vis dans un milieu où la violence est très présente. J’ai été moi-même victime de violences physiques. J’ai été une fois brutalisée par des bandits armés. Voulant me protéger contre les agresseurs, cela a failli me coûter la vie », se souvient-elle encore, le regard ailleurs.
Issus de quartiers populaires, les jeunes font jour et nuit à des actes de violences basées sur le genre. Une autre participante, qui voulait garder l’anonymat, a eu une certaine gêne à se confier. On a compris et lui a rassuré. Elle s’est finalement livrée : « J’ai été violée par un ami. Ce n’était pas mon petit ami et il n’avait pas mon consentement. Jusqu’à présent, j’ai du mal à en parler ; c’est comme si je revois la scène. »
Dans sa présentation, Dr. Gabriel a rappelé les conséquences désastreuses qu’ont les violences sur les victimes. Selon la jeune médecin, les violences, les séquelles ont la vie dure. Beaucoup de gens victimes ont du mal à s’en remettre et à en parler pendant longtemps après comment il est important pour la victime de résister pour éviter que cela devienne un cycle. Elle a insisté pour une vraie prise pour que la victime se remette totalement de son choc.
Elien Pierre
elienpierre60@yahoo.com
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