Implication de la fondation Sérovie  dans la santé mentale en temps de crise

Reportage

« En un jour, tous nos efforts et nos espoirs ont brûlé. Ma famille a tout perdu ; moi aussi je suis perdue !» Tels sont les mots de Marie-Jeannette St Louis, une fille de 13 ans. Cheveu tressé, tête courbée sur un tableau adossé à un chevalet, elle peint dans une grande salle bruyante où s’activent une bonne vingtaine d’enfants.

Nous sommes à un atelier de médiation artistique dirigé par des psychologues et des travailleurs sociaux au Lycée Marie Jeanne, à la première rue Lavaud, Bois Verna. Cet atelier organisé sous la houlette de la fondation Sérovie dans le cadre du projet de santé mentale et de soutien psychosocial, mobilise des enfants en quête de distraction.

11h 48 du matin. Au numéro 12 de la 1ère rue Lavaud, le lycée accueille ces enfants, au lieu de recevoir élèves et professeurs. Il sert plutôt d’abri provisoire aux déplacés internes qui s’y réfugient comme si la ville venait de vivre une grande catastrophe naturelle. Celle catastrophe humaine, pour les travailleurs sociaux, lorsqu’elle ne tue pas de sang-froid, elle délocalise la population, brûle des maisons, emportant tout sur son passage, laissant des enfants meurtris, démunis, traumatisés, forcés de grandir.

Marie Jeannette, comme d’autres enfants qui s’expriment par l’art, continue à peindre. Fixée sur son ouvrage, les yeux rêveurs, elle déclare : « Quand je viens ici, je fais quelque chose. Pendant un moment, j’oublie mon école St Yves qui me manque ; j’oublie mes amies du quartier et la vie que j’avais, j’oublie que je suis triste et que mon frère a disparu. »

S’exprimer à travers l’art

Ces activités ludiques, n’est ce pas le but poursuivi ?

À cette question, Valérie Milien, l’une des psychologues en charge de l’atelier, répond : « Ces activités permettent aux enfants d’exprimer leur ressenti à travers la peinture, le dessin, l’écriture entre autres jeux. A côté des groupes de soutien, elles nous permettent de voir l’état mental des enfants afin de leur apporter le soutien psychosocial nécessaire. »

Dans le cadre de ce programme qui détient plusieurs volets, Sissi Lamour, conseillère technique senior à la Fondation Sérovie, explique : « L’Association Haïtienne des Psychologues apporte une aide psychologique appropriée aux enfants. » Par ailleurs, elle informe que dans ces ateliers qui durent un peu plus d’une heure, une vingtaine d’enfants sont encadrés. « Ils sont groupés en fonction de leur âge et sont accompagnés par des psychologues et des travailleurs sociaux. Par jour, on peut compter jusqu’à 5 séances dans un camp avec des groupes différents, et ce même schéma se répète dans 8 centres de déplacés internes couverts par la fondation Sérovie», informe Lamour.

Assise devant son chevalet, Marie Jeannette continue à s’exercer comme les autres enfants. Nous la regardons tremper son pinceau dans sa palette de couleurs. Elle joue avec ses gammes chromatiques pour donner une tonalité particulière à cette œuvre qu’elle réalise pour la fête des mères qui arrive ce dimanche 26 mai. Avec des couleurs et des mots, elle écrit à sa maman : « I Love You ». Elle rend exprime à coups de pinceau les tons chauds de la toile pour redire à sa mère qu’elle est sensible à ses pleurs pour son fils ainé trop tôt disparu durant la tragédie de Carrefour-Feuilles.

Elle continue à couvrir la toile de couleurs tout en pensant à ses maîtres, à leur enseignement. « Je ne sais pas quand je pourrai retourner à l’école, et peut-être, quand j’y retournerai, je vais devoir refaire la huitième année. C’est comme si j’étais médiocre, alors que je ne le suis pas, j’ai toujours eu de très bonnes notes à l’école », se désole-t-elle.

Marie Jeannette devait être en 9e année fondamentale en 2025. Mais de jour en jour son espoir s’amenuise. En attendant, elle aide sa maman comme elle peut. Désormais, le plus clair de ses jours, elle les passe à regarder filer le temps entre les doigts. Ses rêves et son avenir paraissent incertains.

Ce projet de la fondation Sérovie, supporté par l’Organisation internationale des migrations (OIM), apporte une bouffée d’oxygène aux enfants. Pour Marie Jeannette, ces activités de médiation artistique sont des parenthèses de réconfort et de soutien.

Pouchenie Blanc

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