Méditer, marcher et penser. Accomplir sa mission durant sa journée : peindre. Encore et toujours, Diamanka revient vers son chevalet. Dans cette maison-galerie-atelier adossée aux contreforts de Pétion-Ville, la palette de couleurs de Diamanka est là, à portée de la main.
Diamanka B., un nom qui résonne. Elle vit au milieu de ses toiles. Perchée dans les hauteurs de Laboule, sa maison à plusieurs niveaux est ornée d’œuvres d’art : peintures, sculptures et poteries. Dès que vous mettez les pieds chez cette artiste-peintre, vous avez l’impression que vous êtes entré dans une galerie d’art. Une bonne partie de l’espace abrite ses œuvres à côté de celles des autres. Les toiles sont dominantes. Diamanka dit à qui veut l’entendre : « J’ai du temps à combler par l’art. »
Mère de trois enfants vivant entre Montréal, New York et Paris, cette petite boule d’énergie cultive l’art de passer son temps à faire quelque chose. « Je me lève de bonne heure. Je prends mon temps pour méditer. Méditer, marcher et penser sur ce que je dois accomplir », dit-elle, les yeux adoucis de rêves.
À quoi rêve Diamanka B. ?
À peindre. Peindre toujours. De manière obsessionnelle. Qu’est-ce qui se dissimule derrière cette frénésie de s’exprimer par le jeu des couleurs et des formes ?
Silence dans la petite salle attenante au salon où se déroule notre entretien. On entendrait une mouche voler dans la petite salle protégée par des rideaux qui filtrent le soleil. Quand sa langue se délie, elle dit : « Cette obsession, c’est peut-être pour faire sortir le cri de l’enfant endormi en moi. C’est peut-être le cri d’une enfant qui n’a pas connu la douceur de vivre », révèle-t-elle.
Le lieu de l’enfance de Diamanka
Le lieu de son enfance, Diamaka ne l’a jamais quitté. Elle retourne dans ce jardin de souvenirs pour découvrir des traces d’un triste passé qui revient sous forme de traits, de figures, de taches, de couleurs, d’évocations lyriques qui la plongent dans un temps duquel les adultes, indifférents, perdus dans leurs activités, n’avaient pas conscience que leur affection dans un regard pouvait léguer tout l’amour du monde à une petite fille.
Cette blessure est un filon de création pour l’artiste. Chaque jour qui se lève la retrouve devant son chevalet. Il y en a partout dans cet édifice à plusieurs niveaux qui donne le tournis. Ce support pour tenir les toiles, immanquablement, est présent sur les galeries avec une vue imprenable sur Port-au-Prince. Dans un coin retiré, au salon, l’univers de Diamanka se dessine en enfilade d’ateliers.
« Attention, je ne peins pas seulement sur des chevalets. Regardez cette toile, cette grande dimension, je ne saurais la peindre sur un chevalet. Je l’étends sur le sol et je me mets au travail. Je n’ai pas d’enfants à la maison. Il n’y a pas de risque là-dessus », dit-elle, un brin de fantaisie dans l’œil.
Sur plusieurs galeries, à même le sol ou encore sur de longues tables, s’étendent des toiles qui ne dévoilent pas facilement leur contenu exprimé à travers des abstractions lyrique ou figurative.
Sur la petite galerie où notre entretien se prolonge, elle confie : « Je souffre d’insomnie. Quand je n’arrive pas à dormir, je peins. Je peins jusqu’au petit matin. Mon métabolisme n’a pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil. »
Une artiste mariée à l’art
Sur plusieurs trépieds, on retrouve un tableau en création, preuve qu’elle travaille sur divers sujets en même temps. À écouter parler cette femme mince, fluette, on se risque à poser cette question : dans un ménage, comment l’esprit du mâle, un homme, peut-il tenir devant cette boulimie de création artistique ?
Diamanka écarquille les yeux, glousse un petit rire sec avant de répondre : « Mon ex ne pouvait pas supporter ça. Il m’avait même interdit de peindre allant même à tout placer dans un dépôt. Imaginez le reste. »
Quoi ?
« On a fini par divorcer. »
Pour vous marier à l’art ?
« Si vous le voyez ainsi. Aujourd’hui, je savoure mon célibat. Désormais j’ai du temps pour peindre et m’adonner à ce que je veux. La peinture m’a libéré. Elle est au centre de ma vie. Je vis pour l’art », jubile-t-elle.
Sur cet élan de jubilation, on décide de marcher à travers des enfilades de pièces, de redécouvrir les œuvres réparties dans plusieurs étages de la maison. On se laisse aller à prendre quelques photos tout en continuant à nous entretenir avec l’artiste sur ses œuvres.
Diamanka, l’ancienne élève de Jean-Claude Garoute, dit Ti Ga, et de Fravrange Valcin II, qui a commencé à peindre en 1987, avoue qu’elle s’est mise pour de bon dans la peinture en 2010, l’année du tremblement de terre en Haïti. De ce drame a surgi de grandes peurs chez elle, comme se sont dessinées de grandes fissures dans notre collectivité.
L’art ne serait-elle pas une thérapie pour Diamanka?
« Thérapie ? Un art-thérapie. Oui. Un art comme thérapie, c’est une bonne manière de se prendre en charge pour rendre la vie supportable dans le bien-être », admet l’artiste, contente de nous avoir reçus dans cette maison-galerie-atelier adossée aux contreforts de cette imposante montagne qui domine Port-au-Prince.
Claude Bernard Sérant
Source de cet article : www.lenouvelliste.com
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