« Peut-on se sentir fier et orgueilleux quand une mère amène son bébé au centre de santé pour se faire vacciner et qu’elle retourne bredouille chez elle parce que la seringue de 2 cc est en rupture de stock alors qu’elle vient de parcourir quelque quatre heures de marche à pied ? Peut-on se sentir fier et orgueilleux quand une femme enceinte meurt dans une institution de santé parce que cette pochette de sang qui aurait pu lui sauver la vie ainsi que celle de son nouveau-né est arrivée trop tard ? » Ces propos de la ministre de la Santé publique, Dr Marie Gretha Roy Clément, le lundi 8 avril, à l’hôtel Marriott, à l’occasion de la journée mondiale de la santé ont frappé les esprits. La ministre s’est faite la voix du système de santé pour exprimer ce que le directeur de l’Unité d’Étude et de Programmation au MSPP, Dr Jean Patrick Alfred, a fait ressortir dans sa présentation devant l’assemblée réunie autour du thème « Santé pou tout moun tout kote. Manje jòn, wouj, vèt. N ap manje yo, n ap bwè yo. Fòk nou plante yo. » En effet, Dr Alfred a montré, chiffres à l’appui, que nous sommes un pays très inégalitaire. Rien que pour l’accouchement dans un établissement de santé, 82% des femmes se trouvant dans le quintile le plus riche de la population haïtienne accouche dans une structure sanitaire ; tandis que dans le quintile des plus pauvres, ils ne sont que 14%.
Par rapport au financement de la santé, précise Dr Alfred, « en 2014, le financement est ainsi réparti : 57% est accordé par la coopération internationale, 10% par l’administration publique, 4% pour les assurances et 31% sont apportés directement par la population à nos institutions. Haïti, dans son budget national, contribue à 13 dollars par habitant tandis que l’État dominicain met 180 dollars dans son budget ; Cuba place 781 dollars dans le financement public pour la santé. »
La ministre de la santé, pour sa part, à multiplier des exemples. L’un des plus marquants qu’on puisse imaginer est ce jeune homme dans la vingtaine déshydraté par une diarrhée aqueuse aiguë qui meurt faute de médicaments dans un centre de santé. Les parents de ce dernier, prescription en main, ravagés de tristesse, pleurent d’avantage parce qu’ils n’avaient pas d’argent pour honorer cette ordonnance médicale. « Des exemples de ce genre traversent quotidiennement le système de santé haïtien et devraient nous enlever le sommeil », se désole la ministre du haut de la tribune.
Rien ne vaut une vie
Pour Dr Roy, cette journée mondiale de la santé est une respiration, une bouffée d’air qui offre un cadre intellectuel à la réflexion profonde pour tous les travailleurs de la santé. « À exactement 40 années d’Alma Ata, l’OPS/OMS nous propose un nouveau slogan : couverture sanitaire universelle de santé pour tous et partout ressemble étrangement à celui d’Alma Ata. Ce qui laisserait supposer les difficultés dans lesquelles certains pays comme le nôtre peinent à répondre aux besoins en santé exprimés par sa population », a-t-elle dit. Faisant sienne ce vieil adage, elle a parodié la formule de Malraux: « Rien ne vaut une vie. Mais rien ne saurait remplacer une vie. »
Inscrivant son discours dans un registre de devoir citoyen qui englobe la république dans toutes ses composantes, elle a martelé : « Plus jamais ces cas de diphtérie ne devront survenir dans notre pays. Plus jamais cette cliente venue pour renouveler ces pillules contraceptives ou ses doses d’ARV ne s’en ira de notre institution de santé sans que sa demande ne soit satisfaite. Plus jamais le prestataire qui assure la garde durant le weekend ne s’absentera de son travail laissant le poste à découvert en mettant en danger la vie des potentiels demandeurs de services. Plus jamais ces pathologies dites évitables par de simples comportements sains et responsables que nous aurions dû inculquer à nos patients ne figureront dans nos statistiques sanitaires. »
Mais comment répondre à de tels engagements ? La ministre argumente : « Si nous voulons répondre à de tels engagements et atteindre réellement la couverture sanitaire universelle, il faut un leadership responsable et un engagement résolu non seulement de l’État et du gouvernement haïtien, mais également une motivation de tous les instants. De l’agent de santé communautaire polyvalent, du statisticien, de l’administrateur, du comptable, du brancardier, de l’agent d’entretien, de l’agent de sécurité pour atteindre les prestataires directs de soins et aussi des cadres du nouveau central placé au niveau stratégique de notre pyramide organisationnelle. »
Quarante ans après Alma Ata, a constaté Dr Roy, « c’est un retour à la stratégie des soins de santé primaires qui s’imposent comme une loi incontournable pour atteindre la couverture universelle »
Pour le représentant de L’OPS/OMS, Dr Mauricio Serpa, la santé universelle consiste à donner accès à tous quel que soit sa condition sociale, son lieu de résidence et sa difficulté financière. Définitivement, pour Dr Serpa, « La santé est une condition préalable au développement économique. »
Au cours de cette commémoration, deux événements se sont côtoyés et mis en relief : la journée mondiale de la santé et la journée nationale de lutte contre la carence en vitamine A. Le ministère a profité de ce moment pour attribuer des plaques d’honneur aux membres dévoués de son personnel.
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