L’Hôpital général à l’heure de « Peyi a lòk »

Patient à la salle d'urgence de l'HUEH. | Photo crédit : Claude Bernard Sérant

L’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) connait de mauvais moments durant l’opération « Peyi a lòk ». Des pneus enflammés, des caillasses jonchant le sol, des bouts de bois ici et là. Les médecins sont rares, les malades affluent.

Le secrétaire général du Réseau haïtien de journaliste en santé (RHJS), le Dr Odilet Lespérance, après avoir bravé des barricades, rend visite à des malades et les questionne.

Marie, une jeune fille de la commune de Carrefour, est immobilisée sur son lit. Que vous est-il donc arrivée ? « Un bloc s’est détaché d’un mur et m’a fendu la tête. Je ne sens plus mes pieds », se désole la patiente en ce temps de trouble où le personnel soignant est une présence rare. « Des médecins ont visité la salle d’urgence. On prend soin de nous », rassure-t-elle.

Immaculé Valcin Vil, une patiente diabétique, a été amputée la semaine dernière jusqu’à la cuisse. Elle a besoin de pansements. Sa plaie risque de s’infecter davantage. Elle panique. « J’ai besoin de médecin, j’ai besoin de nouveaux pansements, doc », dit-elle, d’une voix geignarde.

Un sérum au bras, Claudette, cette Ansavelaise qui compte ses jours à l’Hôpital général, dit qu’elle n’arrive pas à supporter le cathéter urinaire qui lui permet de soulager sa vessie. « J’ai déjà huit jours à l’hôpital. Il faut me l’enlever. Je n’en ai plus besoin. Il commence à me monter au nez une odeur pas très désagréable », explique-t-elle.

Dans un autre compartiment surveillé par deux agents de la Police nationale d’Haïti, plusieurs jeunes hommes sont enchaînés.  Ils sont au moins sept dans la salle d’urgence de l’Hôpital. Enchaînés, cloués sur un lit, leurs blessures commencent à s’infecter.

« Ce sont des personnes enchaînées placées sous l’autorité de la police », prévient l’un des policiers. Hurlant de douleur, l’un d’eux dont le pied droit est gonflé est aidé par un membre de sa famille qui essaie de le soulager.

Sur un lit adjacent, un autre, la tête calée sur les cuisses de sa mère, un pied enchaîné, souffre en silence. Il raconte : « Mardi, je m’étais rendu à une manifestation du côté du Champ de Mars. Nous étions trois sur une moto. On a percuté un véhicule de la police lors de cette manifestation. Entre-temps,  un mouvement de dechoukay s’opérait dans la zone. On nous a accusés d’être des déchouqueurs. »

« Mon fils est enchaîné parce que la police l’a accusé de voleur. C’est dur. Aucun médecin ne vient voir ces jeunes qui sont enchaînés », gémit la mère, les yeux posés sur la blessure du pied droit enchaîné de son fils.

Plus loin, un autre patient se tord de douleur. Il avait reçu une balle au ventre lors de la dernière manifestation. Aucun médecin n’est venu le voir.

La santé n’est-il pas un droit fondamental de l’homme ? En les abandonnant à leurs chaînes, leurs blessures risquent de s’infecter et leurs membres pourraient tomber en putréfaction.

En quittant l’hôpital, un autre tableau affecte le visiteur. Un malade étalé à même le sol est couvert de mouches.

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