Comment meurt-on lentement en Haïti? Dans un environnement où prospèrent des microbes, voici, avec un luxe de détails, l’anatomie d’une pile de détritus.
Connaissez-vous la première ruelle Nazon, encore appelée Trou Sable ? C’est là même où les marchandes de rues étalent leurs petits commerces, que commence une pile d’ordures qui grossit à Lalue. C’est sur l’artère de l’avenue John Brown qui monte vers Pétion-Ville qu’habite Paul Joseph, comptable de son métier. C’est dans cet environnement où prospèrent des larves qui deviendront des « anophèles », moustiques porteurs du paludisme, qu’il mène une vie stressante loin de sa famille, qui a jeté l’ancre aux États-Unis.
Joseph a choisi Haïti pour fuir la vie trépidante de New York, rythmée entre métro-boulot-dodo. Il s’en mord les doigts d’avoir fait le choix de rentrer dans son pays. Hypertendu, souffrant d’asthme, il se sent désarmé dans un environnement qui le tue à petit feu.
Pour argumenter comment on meurt lentement en Haïti, il souligne avec un luxe de détails l’anatomie des piles de détritus de son quartier.
Les riverains viennent jeter abondamment toutes sortes de déchets en fin de vie : résidus ménagers, restes de repas, bouteilles, fauteuil roulant déglingué, vieux fauteuils en plastique, emballages, ferrailles, carcasses d’animaux, bouteilles en plastique, pneus usagers, haillons, chaussures, carcasses de téléviseur et d’ordinateur, appareils électroménagers, téléphones bousillés, papiers, flacons de produits cosmétiques, toutes choses qui ne présentent aucune utilité pour les utilisateurs.
Paul Joseph reconnaît que ce quartier, où ont vécu ses parents et tout un ensemble de notables, était, au bon vieux temps, un endroit salubre où l’hygiène, le calme et la quiétude d’esprit donnaient le goût de vivre. Il se lamente de constater, impuissant, l’impact des mouvements sociopolitiques convulsifs sur son milieu.
Immondices, armes fatales pour l’environnement
Lorsque le calme revient, il se constate que le Service National de Gestion des Résidus Solides (SNGRS), institution qui gère désormais les déchets en Haïti, en lieu et place du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS), ramasse les immondices au grand soulagement de la population.
Pour lui, ces piles d’ordure de tous les dangers sont aussi une arme fatale pour tout un écosystème en interaction avec notre environnement. Lorsque la colère du peuple gronde, ces déchets deviennent un vrai brasier qui couvre d’une fumée noire tout le quartier.
Quand arrivent ces moments, indique-t-il, sa crise d’asthme n’est pas loin. Il tousse, sa respiration est sifflante, il sent un serrement de la poitrine. Pour se soulager, il est obligé de détaler rapidement tout en emportant avec lui quelque chose à inhaler comme un bronchodilatateur. Le médicament inhalé aide ses bronches à s’ouvrir et facilite le transport de l’air vers ses poumons.
Il n’y a pas que lui à souffrir de cette situation. Les plus vulnérables en pâtissent au niveau de Bourdon. Les personnes souffrant d’asthme, les enfants, les plus âgés suffoquent.
Avec toutes ces particules qui participent à détruire notre écosystème, l’homme prend conscience de l’ampleur de cette crise multidimensionnelle qui met au rouge tous les indicateurs en Haïti. Il se demande perplexe par quel bout prendre cette crise ?
Dans son désir éperdu de clarté, il n’arrive pas à saisir ce comportement hostile des individus à l’espace même où ils vivent. Il se dit : est-ce que ce n’est pas parce que beaucoup d’Haïtiens pensent qu’ils ont d’autres alternatives comme vivre à l’étranger, par exemple, que nous sommes en train de devenir nos pires ennemis ?
La tristesse dans la voix, il se questionne encore : quel environnement veut-on laisser à nos enfants ? Il constate tout simplement qu’on est en train d’assassiner l’avenir.
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