Ce lundi, la salle du service communautaire de vaccination de l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) est remplie. Sur une trentaine de parents, vingt-cinq parmi eux sont des hommes.
Des hommes défilent, prennent place dans les fauteuils rangés dans la grande salle de l’Hôpital général, à l’avenue Mgr Guilloux. Tous accompagnés de leurs enfants, ils donnent l’image d’une révolution en marche. Que se passe-t-il pour qu’autant de pères soient impliqués dans la vaccination de routine ?
On aborde un parent. Richard Pierre, père de Maria, une fillette âgée de dix mois environ. L’homme est assis à la deuxième rangée, carte de vaccination bien en main, il patiente dans la grande salle.
Vaccination, l’heure des braves
Que se passe-t-il pour qu’il y ait autant d’hommes ici ? Il a une explication à notre interrogation : « Avant, on se rendait à Delmas 2 pour la prise des doses. Mais à cause de l’insécurité qui règne dans cette zone, ma femme ne veut plus s’y rendre. Elle a peur. »
Les hommes se sentant plus braves se risquent dans les rues. « Je connais les bienfaits des vaccins. C’est pourquoi je prends tout ce risque. Pour rien au monde, je ne veux négliger cette étape très importante dans la vie de ma fille », dit-il avec assurance. Et d’ajouter : « La vaccination n’est pas une affaire de maman ou de papa, c’est un devoir parental. Pour le bien être de l’enfant, on doit répondre à ses responsabilités. »
Vivant dans la commune de Delmas avec sa famille, le père de Maria, comme beaucoup de riverains ne pratiquent plus la même adresse où ils avaient des rendez-vous de vaccination. La question de l’insécurité revient dans son quotidien. Il raconte : « Je travaillais dans un supermarché dans la commune de Martissant. J’occupais le poste de messager. À cause de la rivalité des groupes armés de cette localité, le propriétaire a dû fermer ses portes. Pour continuer à faire vivre sa famille, mon ex-patron est devenu superviseur dans une entreprise versé dans l’achat des carcasses de voitures et d’autres articles en fer. »
Comme son patron, Richard regarde la vie bien en face pour arriver à survire. Marié depuis 2021, les responsabilités de cet homme se sont multipliés. Sa femme qui a étudié la comptabilité, n’a toujours pas un emploi. Lui, le chef de famille, essaie de joindre les deux bouts en faisant le taxi-moto. Mais cela ne l’empêche pas de se plier à ses obligations. « Depuis les premiers mois, je conduis ma femme à la clinique pour la vaccination de Maria », dit-il, un brin de fierté dans le regard.
À l’HUEH, Pierre Richard berce sa fille pendant que d’autres enfants pleurent. C’est au milieu de ces cris qui reviennent à intervalles réguliers que miss Rose Yvonne Cyprien, une infirmière entre dans la salle. Tous les regards sont braqués vers elle. Avant de commencer à administrer des vaccins, elle entame une séance de sensibilisation sur l’importance de ce geste efficace qui renforce le système immunitaire.
Après sa séance, place à la vaccination. L’infirmière enfile ses gants, ouvre une boîte grise ayant la forme d’un thermos, sort un flacon en verre. Aujourd’hui, la fille de Pierre Richard va recevoir son vaccin comme les autres enfants à l’hôpital général.
Miss Cyprien profite du micro du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) pour saluer Pierre Richard, un père modèle à suivre. « Le nombre de pères présents lors de nos séances commence à augmenter. C’est bon signe. Certains sont très réguliers, comme ce monsieur », dit-elle en pointant du doigt Pierre Richard.
Miss Cyprien souhaite que dans les autres départements géographiques d’Haïti, les pères accompagnent leurs enfants dans des centres de vaccination pour qu’à deux, les couples supportent leurs enfants pour le bien-être de la famille.
Quand la société aura vaincu l’insécurité, les pères seront-ils aussi nombreux à accompagner leurs enfants ?
Esperancia Jean Noel
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