« Le choléra est transmissible par le sexe ; le choléra ne tue pas ; Le choléra est une maladie mystique ; la résurgence du choléra dans le pays est une affaire politique… » Ce sont, entre autres, les rumeurs qui circulent autour du choléra. Elles constituent un véritable frein à la lutte contre cette épidémie, selon une étude réalisée par l’Institut Panos Caraïbes en collaboration avec d’autres partenaires comme Internews et le Cercle de réflexion sur le développement économique (CRDE), plus connu sous le nom de Policité. Cette enquête intitulée « Évaluation de l’écosystème d’information (IEA)- Haïti » a été menée dans le cadre du projet Rooted in Trust (RiT) dans quatre départements du pays : l’Ouest, le Nord, le Sud et les Nippes au cours de la période allant d’octobre à novembre 2022. Elle avait pour objectif d’analyser les questions liées à l’accès, la vulgarisation et la crédibilité des informations disponibles sur le covid-19 et la résurgence du choléra tout en examinant la confiance accordée à ces informations. La question essentielle qui a taraudé l’esprit : « Les rumeurs sont-elles vraies ? »
Sexe et choléra
Le choléra est-il transmissible par le sexe ? Pour le généraliste, Dr Joseph Julot Jean Gilles : « Le choléra est une maladie qui n’a rien à voir avec le sexe. Une personne atteinte de cette pathologie peut avoir des rapports sexuels sans transmettre le microbe responsable de l’épidémie à son partenaire par la pénétration. Cependant, il y a des gens qui peuvent attraper le choléra sans présenter aucun signe et symptôme apparent, pendant l’acte sexuel si la main de ce porteur est sale, l’autre personne peut être infectée par des touchers buccaux parce que seule la bouche est considérée comme une porte d’entrée pouvant conduire cette bactérie dans l’organisme ».
Le choléra, une maladie mortelle
Cheminant dans ses explications, Dr. Jean-Gilles considère le choléra comme une infection diarrhéique aiguë provoquée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par un microbe appelé « Vibrio Cholerae ». Une personne atteinte de cette maladie, fait-il savoir, présente une diarrhée abondante épousant la couleur dite « eau de riz », des vomissements, et parfois de la fièvre. Aussi peut-elle mourir en quelques heures si elle n’est pas traitée à temps. Cette mort est due, poursuit le médecin, à une déshydratation complète de l’organisme atteint. Par ailleurs, il a fait comprendre que les petits enfants et les bébés sont les plus vulnérables face à cette maladie.
Du haut de ses expériences en matière clinique, Dr Jean Gilles affirme que l’association du choléra à des fins mystiques ou politiques est directement liée à l’éducation de la population et le manque d’informations disponibles sur la maladie. Pour le disciple d’Hippocrate : « Une telle perception est à l’origine d’une flambée du nombre des cas relatifs à cette maladie. Comme toute autre pathologie, le choléra est réel, il existe vraiment et il ne cesse de faire des victimes dans le pays ».
Comment combattre les rumeurs sur le choléra ?
Changer la mentalité des citoyens autour du choléra est une mission assez difficile, pense Dr Jean Gilles. Cependant, il évoque tout un ensemble de propositions que la force publique, les leaders religieux peuvent adopter pour stopper ces différentes rumeurs. « Le Ministère de la santé publique et de la Population (MSPP) doit continuer avec des séances de formation et de sensibilisation autour de l’épidémie. C’est une étape très importante dans la lutte contre ces rumeurs », suggère-t-il. Dans la même veine, il croit que « former des jeunes, des responsables charismatiques et des écoles sur les enjeux de la maladie et comment les contourner est un impératif. » Pourquoi ? « Cette stratégie permettra de mieux les outiller, de les doter de données fiables afin de partager de bonnes informations aux citoyens. Après ces formations, les bénéficiaires doivent à leur tour transmettre les savoirs acquis à leurs pairs et aux gens faisant partie de leur secteur ».
Pleinement conscient du danger que le vibrio cholerae fait planer sur Haïti, il souligne l’importance de se pencher surtout sur les secteurs religieux (vodouesque surtout) et éducatif. Ces deux secteurs, selon lui, exercent une grande influence sur la mentalité des gens. « Dans les églises et les écoles, toutes les informations diffusées sont réputées vraies selon les locataires de ces espaces jusqu’à preuve du contraire », soutient-il.
Pour un accès équitable de l’information sur la santé, comment procéder ?
Il conseille : « Les gens vivant dans les zones reculées où l’accès à l’Internet et à l’électricité est difficile, la meilleure façon de les informer pour éviter des rumeurs, c’est d’utiliser les ressources humaines disponibles comme les agents de santé communautaire polyvalents (ASCP) et les organisations communautaires de base (OCB). Il faut aussi dépêcher des groupes de jeunes biens formés dans ces lieux. Mégaphones en main, ils doivent faire le porte à porte en véhiculant les informations en créole pour permettre aux riverains de mieux cerner la question. »
Pour faire face au choléra, assure Dr Jean Gilles, il faut mettre l’accent sur l’hygiène. Cette maladie, est allergique à la propreté. Il conseille aux autorités et aux leaders d’enseigner la population des comportements à adopter au quotidien. « Il faut apprendre aux gens à toujours se laver les mains avant chaque repas, de bien laver les fruits et les légumes avant toute consommation, d’éviter de déféquer dans les cours d’eau et boire de l’eau potable… »
La presse, un organe important dans ce combat
Médecin de son état, Dr Jean-Gilles pense que la presse a un rôle important à jouer dans la déconstruction des rumeurs autour du choléra. Pour lui, la diffusion des spots audio-visuels et des émissions centrées sur la santé devrait être primée car cela concerne un domaine public. « Avec le nombre de médias existant sur tout le territoire national, s’ils se joignent à cette lutte, ce sera une bataille gagnée d’avance », croit-il.
Il faut rappeler que le choléra est apparu dans le pays après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010 et a causé des centaines de morts. En octobre 2022, cette épidémie a resurgi et ne cesse de faire des victimes. Dans l’agglomération du département de l’Ouest, de sa résurgence au 23 mai 2023, les données se chiffrent comme suit : 18 594 cas suspects, 1 298 cas confirmés, 14 768 cas hospitalisés et 235 décès.
Espérancia JEAN NOEL
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