Par Erold JOSEPH
« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, mais des êtres spirituels vivant une expérience humaine »
Teilhard de Chardin
Résumé des articles précédents
Dans nos deux précédents textes, nous avons clairement établi la différence entre « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ». La première de ces deux formes de succès assure généralement la richesse ou l’aisance, le pouvoir, la célébrité, le plaisir. Elle garantit rarement « une vie bonne et heureuse », au sens où l’entendait Montaigne. (réf) Pourtant, c’est elle qui est visée par le système éducatif, lequel persiste à croire, en dépit des faits, qu’elle est la résultante de la réussite scolaire. Nous avons alors montré les principales lacunes de l’éducation, lesquelles empêchent ce vœu pieu de devenir réalité. Pourtant, seule la deuxième forme de succès (réussir sa vie) permet d’accéder au bien-être et à l’épanouissement personnel. Elle implique l’excellence, la progression constante dans un domaine où l’on possède des aptitudes innées et/ou acquises. Fondamentalement liée à l’éthique, à la morale, voire à un certain détachement, altruisme, ou désintéressement, elle implique une répercussion fortement positive sur la communauté. Le bonheur qui accompagne cette forme de réussite, résulte d’une compréhension globale de l’existence, laquelle est issue d’une intime « connaissance de soi ». Cette dernière devrait être progressivement développée dès les premières années de la vie, dans la famille, mais surtout à l’école.
Vous n’êtes pas votre corps physique
L’un des plus grands maitres du yoga, Ramana Maharshi, avait coutume de dire que pour atteindre la liberté intérieure, il fallait connaitre sa vraie nature, aller en quête de ce qu’il appelait son « vrai Soi ». Il convenait d’aller au-delà des illusions, des idées reçues. L’on devrait se poser fréquemment et avec intensité, la question : Qui suis-je ? Il fallait ensuite procéder par étapes. En éliminant, au fur et à mesure, tout ce qu’on n’est pas, et que l’on croit être Soi , l’on finissait par tomber sur sa vraie identité. Il s’agissait non pas d’aboutir à une réponse conceptuelle ou livresque, mais de réaliser une véritable introspection ou observation intérieure. Il lui arrivait alors de poser, de but en blanc, à l’un de ses disciples, la question suivante : « Qui es-tu ? ». Celui-ci lui répondait alors en déclinant son nom et son prénom. Alors, Ramana de rétorquer que ceci n’était qu’une étiquette que lui avaient apposée ses parents, laquelle étiquette avait été validée par la société, par le biais de l’acte de naissance. Ceci ne pouvait aucunement constituer sa vraie nature. Il exigeait alors une autre réponse. Le concerné mentionnait alors son histoire biographique, ses études, ses diplômes et ses réalisations dans la vie. Tout ceci était encore réfuté par le sage parce que non identitaire. Le disciple se référait alors à son corps physique :
« Je suis le corps qui occupe l’espace en face de vous. Il pèse exactement 75 kilos et mesure 1,80 m de taille. »
Maharshi ,de réagir alors :
-Vous avez à présent, quel âge ?
– 57 ans, répond le concerné.
-Vous souvenez-vous de l’époque où vous aviez 12 ans ou même 7 ? Votre corps à l’époque, avait-il la même taille et le même poids que votre corps actuel de 57 ans ? Et pourtant, « vous » étiez » à l’intérieur. Lequel, de ces trois corps, très différents, est vraiment « Vous » ? Vous aviez sûrement, dès l’enfance, l’habitude de vous regarder dans un miroir ? N’est-ce pas toujours le même être qui le faisait à 7, 12 ou 57 ans ? N’y a-t-il pas une continuité de l’être, du Soi ?
Le yogi concluait alors :
« Vous n’êtes donc pas votre corps : vous vous situez plutôt à l’intérieur. »
Vous n’êtes pas non plus votre mental
Vous n’êtes donc point votre corps, même si vous vous identifiez à lui parce qu’il est accessible aux cinq sens (donc visible) et parce que la société vous a appris à le faire dès votre plus jeune âge. Seriez-vous alors, votre mental, siège de l’intellect ?
Avez-vous remarqué qu’il existe dans votre tête, une voix (ou même parfois plusieurs) qui commente (nt) constamment tout ce qui se passe en vous et en dehors de vous ? Elle ne se tait jamais et établit un dialogue permanent, souvent conflictuel :
« Ce Erold, pour qui se prend-t-il ? Il m’a donné rendez-vous à 10h et, à 10h20 , il n’est pas encore présent ! Et il parle souvent de ponctualité, de respect d’autrui. Je vais lui apprendre à…
– Ah ! Le voici qui arrive, comme si de rien n’était, arborant son sourire idiot. Je vais lui en mettre plein la gueule. Map bal yon leson jodi à. Doktè tet chat saa ki konprann se yon zafè li ye… (traduction : Je vais lui donner aujourd’hui, une leçon. Ce médecin de merde qui se croit important..)
– Peut-être qu’il a été pris dans l’embouteillage du côté de l’avenue « Martin Luther King. »
-Il aurait pu quand même pu se lever de bonne heure, partir plus tôt de chez lui ! Je suis, moi, à l’heure.
Comme le soutient le maitre Eckhart Tolle, cette petite voix (parfois plusieurs) de notre mental est à l’origine de nos émotions et sentiments. Elle peut nous rendre heureux ou malheureux en faisant produire par notre cerveau des substances chimiques appelées neurotransmetteurs ayant la vertu de nous rendre joyeux ou triste. Très souvent, elle nous fait perdre notre contrôle. Elle nous porte parfois à des actes hautement répréhensibles, comme cela se voit régulièrement chez nous, ces dernières années. Dans les situations extrêmes, elle prend possession de notre esprit, produisant les maladies mentales : les névroses et les psychoses. Dans la première éventualité, vous êtes conscient du problème, tout en n’arrivant pas à le résoudre. Dans la deuxième, non seulement vous ne vous en rendez point compte, mais vous perdez le contrôle de votre mental et de la réalité extérieure : c’est la psychose dont la forme extrême est la schizophrénie. (réf) Il existe également de nombreux cas de possession par un esprit extérieur, ce que rejette pourtant la psychiâtrie classique, en dépit de l’évidence des faits. Le vaudou en sait long.
Donc, tout comme vous n’êtes pas votre corps, vous n’êtes pas non plus votre mental. Vous êtes celui qui à l’arrière-plan, observe ce dernier. Le célèbre physicien et philosophe René Descartes a dit un jour : « Je pense ; donc, je suis », identifiant ainsi le mental à l’Etre. Il s’agit d’une erreur monumentale. Vous n’êtes ni vos pensées, ni vos émotions, ni vos sentiments. Vous êtes celui qui les vit et ressent leurs effets agréables ou désagréables. D’où votre bien-être ou mal être. Vous êtes l’observateur, le sujet qui les expérimente de l’intérieur. Eux, ils sont l’objet, vous, le sujet. Il est ’important d’apprendre aux enfants, dès le plus jeune âge, à prendre de la distance par rapport à leurs pensées et leurs émotions, ceci plusieurs fois par jour, ne serait-ce que quelques minutes. C’est là l’objectif de la « méditation dite de la pleine conscience ou de la pleine présence » empruntée aux philosophies et spiritualités orientales et étudiée en laboratoire depuis les années 70 par de grands chercheurs en neurosciences . (réf).
Finalement, qui êtes-vous ?
Vous n’êtes pas votre corps, mais, vous êtes à l’intérieur de votre corps. Vous êtes certes plus proche de votre mental mais, vous n’êtes pas non plus votre mental. Vous êtes celui qui, de l’intérieur, suit tout cela. Vous êtes le sujet, l’acteur, la conscience ou âme, l’esprit, l’atman, qui à la fois, observe et expérimente les différentes dimensions de l’existence à travers le rêve de la vie. Comme nous faisons chaque nuit, des songes agréables ou désagréables, pour nous réveiller dans notre corps et nous rendre compte que ce n’était pas réel. La connaissance de soi est la première étape vers le bonheur et la compréhension de l’existence humaine. Sans elle, on ne saurait « réussir sa vie ». Edouard Schuré, dans un ancien ouvrage intitulé « Les grands initiés » et considéré comme un classique de la spiritualité, a écrit :
« Le plus grand mal du siècle, c’est que la science et la religion y apparaissent comme deux forces ennemies et irréductibles ».
Il s’agit, au XXIème, de faire le pont entre la science et la spiritualité bien comprise. Commençons avec nos enfants, dès le plus âge. C’est le seul et unique moyen de sortir de cet enfer que nous avons nous-mêmes créé…
A suivre
Erold JOSEPH
Docteur en médecine, pneumologue, expert en santé publique, promotion de la santé, et de l’interrelation santé/éducation
Courriels : eroldjoseph2002@yahoo.fr et eroldjoseph2002@gmail.com
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