À l’heure où notre société est paralysée. À l’heure où la vie est suspendue à un fil dans une Haïti fragile. À un moment où la pénurie d’énergie contraint les médias à fonctionner au ralenti, un remake, un avatar de notre histoire récente, le cholera, frappe à nos portes. Ce fléau explose encore une fois à notre visage.
Le mardi 4 octobre 2022, 48 heures après la conférence de presse du ministère de la santé publique et de la Population (MSPP) pour confirmer les premiers décès dus au choléra enregistrés au niveau des quartiers populeux de la région métropolitaine de Port-au-Prince, un communiqué de Médecins sans Frontières vient alerter la population : « Nous avons ouvert dans la capitale haïtienne des unités de traitement du choléra de 10 lits dans le quartier de Brooklyn et 20 lits au centre d’urgence MSF de Turgeau et un centre de traitement du choléra (CTC) d’une capacité de 50 lits à l’hôpital MSF de Cité Soleil, auxquels s’ajoutent des points de distribution de solutions de réhydratation orales (SRO). Le CTC de Cité Soleil est prêt à recevoir de nouveaux patients atteints de choléra, les autres unités étant déjà saturées. »
La note de MSF, suite à l’information du MSPP confirmant deux foyers dans des zones vulnérables ayant provoqué entre 7 et 8 décès, fait ressortir de nouvelles données : « Pendant les derniers jours, plusieurs personnes identifiées comme potentiellement atteintes par la maladie sont arrivées au centre d’urgence MSF de Turgeau et à l’hôpital de Cité Soleil présentant des fortes diarrhées et vomissements. Un test envoyé au laboratoire national d’un patient de Turgeau est revenu positif au choléra. Au 3 octobre, MSF a admis 68 patients au sein de ses structures dans le quartier de Brooklyn, et dans les centres de Cité Soleil et de Turgeau. Le décès d’un enfant âgé de trois ans a été déclaré. »
À ce stade, il faut souligner en essence ce que dit l’Organisation mondiale de la santé sur cette pathologie : « Le cholera est une infection diarrhéique aiguë provoquée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par le bacille Vibrio cholerae.»
Regard du RHJS sur le choléra
Le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) constate que cette infection diarrhéique aiguë revient en Haïti, à un moment où nos kiosques à eau fonctionnent au ralenti par manque de carburant et à l’heure où les armes des bandits sèment le trouble à l’ordre public.
Pour le journaliste du RHJS, Louiny Fontal : « L’heure est à la solidarité face à cette maladie hydrique qui ne pardonne pas un milieu où la pauvreté condamne la population à vivre dans des conditions infrahumaines. »
Ce vieux routier du journalisme de la santé qui a écrit plusieurs papiers dans les années où l’épidémie gagnait du terrain dans nos régions, nous invite à regarder nos rues, les reliefs de détritus couverts de mouches. Son constat est amer : « Ces insectes sont des vecteurs de maladie. Ils peuvent souiller nos aliments. »
Peut-on vivre dans cet état au moment où nos hôpitaux sont acculés à fermer leurs portes à cause du manque d’énergie et que nos médias travaillent au ralenti ?
« C’est au moment où nous avons toutes les peines du monde pour exister que le cholera arrive. Non, non ! la résignation ne fait pas partie du vocabulaire d’un peuple qui a des ressources spirituelles pour continuer à lutter. Le moment appel à la solidarité ! Non, nous n’allons pas baisser les bras », dit Fontal avec force conviction, au local du RHJS.
Les propos de Fontal répercutent en écho dans la prise de position du secrétaire général du RHJS, Gladimy Ibraïme : « Cette solidarité passera non seulement dans le domaine de l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène mais aussi à travers les déterminants de la santé. Pour toutes ces raisons, la paix doit revenir au pays pour offrir à la population un environnement propre et sécurisé. À cet effet, notre peuple a droit au bien-être ».
Le numéro un du réseau a saisi l’occasion pour insister sur l’importance de la communication de masse dans l’effort de changement de comportement de la population face à cette épidémie. « Le RHJS réitère son engagement à œuvrer aux côtés du ministère de la Santé publique et de ses partenaires dans cette lutte sur tous les fronts pour faire échec à cette nouvelle flambée du choléra », a-t-il ajouté.
Marie Juliane David, étudiante en médecine, formatrice au RHJS, pour sa part, a rappelé que la transmission du cholera se fait de deux manières : hydrique et interpersonnelle. « Nous avons pour devoir de dire à la population que la bactérie Vibrio cholerae peut aussi se trouver dans l’eau que nous consommons. Et cette eau souillée arrive également à contaminer nos aliments.»
L’étudiante à l’Université d’État d’Haïti qualifie le cholera de « maladie des mains sales », histoire de souligner que cette bactérie passe de la main à la bouche.
Pour que la bactérie du Vibrio cholerae ne se répande pas comme en 2010, le RHJS insiste sur le traitement tout en s’appuyant sur ces déterminants : eau et alimentation saines, bonne hygiène de vie à la maison et dans son environnement, sans oublier l’évacuation des selles là où il le faut : aux toilettes ! En un mot : fini la défécation à l’air libre.
Claude Bernard Sérant
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