Une centaine d’étudiants en médecine formés sur la prise en charge des PVVIH à Limonade
À l’initiative de la Fondation SEROvie, deux journées de formation ont été organisées, les 13 et 14 juin 2022, au Campus Henry Christophe de Limonade, autour de la prise en charge du VIH/sida. Organisée en partenariat avec le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) et l’USAID, cette formation a été axée sur la stigmatisation et la discrimination à l’encontre des PVVIH. Les bénéficiaires, un peu moins d’une centaine d’étudiants finissants en médecine de cette structure universitaire étatique établie dans le département du Nord, ont pris part à cette formation.
« Propos désobligeants envers les malades ainsi que leurs proches, refus de service pour les minorités sexuelles et les PVVIH…», ce sont en substance quelques comportements affichés par des professionnels de santé, ramenés sur le tapis par Dr Max Bond Saint-Val, médecin, spécialiste en santé publique.
La discrimination et la stigmatisation, deux véritable freins aux efforts mis en œuvre dans la riposte au VIH dans le pays. C’est en réponse à cette situation aussi lamentable que grave que les instigateurs de cette initiative se sont lancés dans une vaste campagne de sensibilisation auprès des étudiants en sciences de la santé (médecins, infirmières…), entre autres.
Pour le Dr Saint-Val, ces activités de sensibilisation visent à aider ces professionnels de santé à prendre conscience de l’ampleur de ces comportements malsains dans le processus de prise en charge du VIH.
Impacts de la stigmatisation et de la discrimination dans la riposte au VIH
« La stigmatisation et la discrimination sont des obstacles majeurs de la lutte contre le VIH et le sida. Elles freinent le processus de dépistage volontaire, ralentissent des activités de prévention et entravent les programmes de prise en charge et de traitement des patients VIH positifs», explique avec un brin de tristesse, Miss Lorcania Dorcin, spécialiste en santé communautaire. Sans un changement radical de ces tendances, le pays risque de passer à côté des objectifs fixés par l’OMS, en matière de VIH, estime-t-elle. « C’est un impératif pour nous en Haïti d’atteindre les objectifs, zéro stigma et discrimination, zéro nouvelle infection et zéro décès liés à des complications dues au VIH, d’ici à 2030 », rappelle la coordonnatrice régional du Nord de la Fondation SEROvie. Pour y arriver, tout cela doit passer par une prise de conscience collective de la population, des professionnels de santé particulièrement, souligne-t-elle.
Sensibilisés sur la gravité du danger…
Emmanuel Eugène est un étudiant finissant à la Faculté des sciences de la santé du Campus universitaire Henry Christophe de Limonade. Il a été témoin d’un cas de discrimination, alors qu’il était en stage à la maternité de l’Hôpital universitaire justinien du Cap-Haitien. « D’habitude, je suis arrivé très tôt à mon poste. Ce jour-là, pendant que je rentrais à la maternité, je suis tombé des nues en assistant à une scène révoltant mettant aux prises un médecin de service et une jeune dame sur le point d’accoucher.
Accablée de douleurs, la jeune dame supplie le médecin de se pencher sur son cas. Chose impensable, au lieu de venir en aide à la future maman, il lui a plutôt répondu par des mots indignes du médecin qu’il est. Un jeune homme qui accompagnait la dame, dérangé par les propos désobligeants du médecin, a voulu réagir. Mais, le médecin lui a intimé l’ordre de se taire, sous peine de ne pas s’occuper de la jeune patiente.
Ce témoignage ne fait que corroborer l’opportunité de cette séance de formation. Christelle Paillant, aussi bien que ses camarades bénéficiaires, est du même avis. « C’est triste tout ce qu’on a entendu au cours de ces deux journées. On peut bien imaginer pourquoi l’épidémie du sida perdure autant dans notre société, en dépit des efforts consentis par les autorités et leurs partenaires de la communauté internationale », dit-elle. Christelle ne cache pas sa satisfaction et sa joie après ces deux journées de formation. Aussi, promet-elle, d’afficher un comportement plus humain envers ses patients lorsqu’elle sera en selle.
Un pas dans la bonne direction
Le doyen de la Faculté des sciences de la santé du Campus Henry Christophe de Limonade, Dr Michel Pierre, estime que cette formation est un premier pas dans de bonnes directions. Il estime que ce programme devrait être inséré dans le cursus académique des étudiants en sciences de la santé.
«Nous avons pris la disposition pour organiser une série de conférences pour compléter la formation de nos étudiants», a-t-il fait savoir. Et cette formation sur la discrimination et la stigmatisation avec la fondation SEROvie s’inscrit dans cette dynamique.
Pour le spécialiste, le système de santé a besoin d’un personnel plus humain et citoyen. « Être plus professionnel et plus médical que possible, c’est utiliser tous les principes déontologiques et tous les principes éthiques du métier et de la pratique médicale », a rappelé Dr Michel Pierre à l’assistance.
Fondée en 1999, la Fondation SEROvie est une organisation non gouvernementale haïtienne qui offre des programmes gratuits de promotion de la santé aux hommes, aux minorités sexuelles (y compris les lesbiennes et les transgenres), à leurs familles, avec un focus particulier sur les Hommes ayant des Rapports Sexuels Avec des Hommes (HARSAH), les professionnels du sexe (PS) et leurs clients.
Mackenz Dorvilus
mackenzdorvilus@gmail.com
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