Jeanne est originaire d’une petite localité de la commune de Jérémie. La jeune fille de 18 ans s’est vu séparer de la maison familiale à l’âge de sept ans. Ses parents de conditions modestes l’ont envoyé chez sa marraine résidant au Centre-ville de Jérémie. Une manière pour lui assurer une meilleure enfance et une bonne éducation.
Le drame
Jeanne vit sous le toit de sa marraine. Un soir, l’adolescente, restée seule avec un fils de cette dernière, connait un drame. Avec des mots brisés, elle retrace la mésaventure de cette nuit. « Ma marraine était montée à Port-au-Prince pour passer un ou deux jours. Elle m’avait laissée seule à la maison avec son garçon. Le soir de son départ, je dormais quand j’ai senti un poids sur mon corps. Je me suis réveillée en sursaut. C’était le fils de ma marraine. Il m’a menacée de mort. Il m’a ordonné de ne pas crier. Il s’est abusé de moi », confie t-elle avec ce visage triste qui souligne la cicatrice indélébile de son existence.
Aucun suivi médical
Jeanne, comme beaucoup de ces jeunes filles victimes de viol, n’a pas eu recours à un suivi médical immédiat. « Je n’avais personne à qui m’adresser. J’attendais le retour de ma marraine pour lui expliquer ce qui s’était passé. Lorsque ma marraine est revenue, je lui ai tout raconté. À ma grande déception, elle m’a demandé de faire silence ; de ne rien dire à mes parents. Ce que j’ai fini par faire », regrette-t-elle aujourd’hui.
Toute femme ayant subi un viol doit se rendre chez un medecin dans les 72 heures qui suivent l’acte pour recevoir des soins appropriés comme la prophylaxie post-exposition. Un moyen pour se protéger contre des maladies sexuellement transmissibles notamment le VIH/ Sida ou d’une grossesse indésirable. Jeanne n’a pas pu bénéficier de ses soins à temps. Un mois après l’acte, les séquelles commencent à faire surface. « Un mois s’était écoulé depuis et je n’ai pas vu mes règles. Je l’ai signalé à ma marraine. Elle a acheté un test de grossesse et me l’a fait faire. Le test était positif. J’étais effectivement enceinte. Ensuite, elle a fait bouilli un thé et me l’a donnée à boire. Puis, elle m’a demandé de retourner chez moi. Je n’ai pas bu le thé et j’ai refusé de partir sans que mes parents soient au courant. » Ces souvenirs remontent à la mémoire de Jeanne.
Pas de justice
Nombreux sont ces victimes de viols qui se referment sur elles-mêmes, ruminant ce moment maudit où ils ont été la proie d’un prédateur. Elles se terrent dans un lourd silence à porter sur les épaules alors que les bourreaux, la conscience légère, circulent librement et calculent d’autres coups.
Pour Jeanne, comme pour tant d’autres victimes, il n’y a pas de justice dans un pays où le service public de la justice n’assure pas sa fonction. Un proche de la victime au eu ces mots : « La justice semble ne pas trop s’intéresser au cas de Jeanne. D’ailleurs, la marraine nous avait offert une partie de ses terres en guise de dédommagement. Une promesse qu’elle n’a pas tenue. Les papiers qu’elle nous avait donnés étaient tous falsifiés ». Et de poursuivre : « Elle ne peut pas apprendre correctement à l’école. Elle pleure de temps à autre. Nous comptons aller voir un psychologue avec elle ».
Deux ans après ce viol, cet instant s’est cristallisé dans la mémoire de Jeanne. Le passé n’est pas si passé. Elle revit le film de ce viol dans ses nuits blanches.
Marie Juliane David
Jeanne est un nom d’emprunt pour protéger la victime
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