À cœur ouvert, à voix haute : hommage aux mères d’Haïti

Nancy Lainé, l’une des femmes honorées lors de la cérémonie (à droite de la journaliste Fabiola Fanfan )

Par Christian Bazile

Dans une capitale meurtrie par la violence des gangs, il existe encore des oasis de douceur : ce dimanche 25 mai 2025, à Delmas 83, la finale du concours de poésie « M ap Deklame pou Manman m » a rappelé que les mots peuvent panser les plaies et rallumer l’espérance. Portée par la journaliste senior Fabiola Fanfan – figure du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) – et l’entreprise événementielle Ma Douce Saveur, cette deuxième édition a soulevé un vent de tendresse, d’engagement et de fierté créole, au moment même où Port-au-Prince affronte ses heures les plus sombres.

Des vers pour repousser la peur

Derrière les murs fleuris de Ma Douce Saveur, les rafales lointaines cèdent la place aux voix claires d’enfants de 8 à 12 ans. Tour à tour, ils montent sur scène, la main posée sur le cœur, pour offrir à leur maman des poèmes ciselés en créole. Chaque strophe est un bouclier contre la terreur quotidienne ; chaque rime, une caresse envoyée aux mères qui, malgré tout, continuent de faire tenir les foyers.

« Le concours est un baume, confie Fabiola Fanfan. Dans la tourmente, il était urgent d’offrir aux enfants un espace où célébrer l’amour plutôt que la peur. »

La championne

Une finale haletante

Le jury – la femme de lettres Dieunithe Onezaire, le poète Roodmirson Mousson Dabrezil et l’artiste Mentzley Cantave – écoute, sourit, prend des notes. Au terme d’une matinée vibrante, le trophée revient à Ymmarly Tracy Dona Celeste, dont la diction limpide et la profondeur des images ont bouleversé la salle. Lechoua El Agousto Louis décroche la deuxième place, suivi d’Esther Mathnalie Archille. Les applaudissements couvrent un instant la lourde actualité du dehors : ici, la vie l’emporte.

Trois mères, trois visages du courage

La cérémonie rend également hommage à des femmes-piliers :

La lauréate du concours et sa maman

Leurs plaques d’honneur scintillent comme des promesses : celles d’un pays où la force se conjugue au féminin.

Le créole, ce drapeau qui ne se rend pas

En imposant le créole au cœur même de la compétition, Ma Douce Saveur rappelle que la langue maternelle est un rempart identitaire. Les jeunes la font danser, libre et fière, affirmant haut et fort qu’elle peut porter la tendresse filiale avec la même puissance que la révolte ou la prière.

Appel à la solidarité

Si l’événement a été une bulle de lumière, la réalité reste cruelle : les écoles ferment, les familles fuient, les bandits dictent leur loi. Plus que jamais, le RHJS et ses partenaires ont besoin de soutien pour pérenniser cette initiative – qu’il s’agisse de dons, de parrainages ou de relais médiatiques. Chaque contribution permettra à de nouveaux enfants de monter sur scène l’an prochain, d’offrir un bouquet de mots à leur maman et, par là même, de tenir tête à la violence.

« Nous tendons la main à la diaspora, au monde de l’entreprise, aux artistes et aux citoyens : rejoignez-nous. Haïti a besoin d’actions qui portent l’espoir comme un flambeau », a  déclaré Fabiola Fanfan.

En refermant les portes de Delmas 83, on emporte avec soi les vers des enfants comme autant d’étincelles dans la nuit. « M ap Deklame pou Manman m » n’est pas qu’un concours : c’est un acte de résistance culturelle et affective. Et tant que résonnera la voix d’un enfant pour dire « Maman, m renmen w », Haïti continuera de se tenir debout.

Christian Bazile

christbaz12@gmail.com

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