Par Pradel Henriquez

Le samedi 10 mai 2025, à 9h30, s’est tenue la cérémonie de graduation de l’Université Barry, en Floride. Près de trois cents diplômés issus de divers collèges de l’établissement y ont été honorés. La diversité des programmes – représentés, des doctorats en « pratique de la dissertation » aux maîtrises en « sciences de l’élaboration des programmes et de l’enseignement », en passant par les sciences du leadership, de l’innovation, les beaux-arts et les études libérales – témoigne de la richesse des compétences qui façonnent le monde académique contemporain.
En décalage avec cette célébration de l’excellence, un constat douloureux s’impose : alors que les universités du monde entier vibrent au rythme des accomplissements académiques, l’enseignement supérieur en Haïti s’est effondré. Autrefois dynamique, il est aujourd’hui menacé d’extinction. Les écoles ferment, les universités se vident, l’accès à l’éducation devient inégal et fragmentaire. On en vient à se demander si l’éducation a encore un sens dans un pays où les valeurs humaines et morales sont continuellement bafouées.

Cette crise profonde annonce un avenir incertain, contraignant les entreprises à chercher l’expertise ailleurs. Pourtant, avec une diaspora forte de plus de quatre millions de personnes, l’espoir subsiste. Cette diaspora peut être le levier d’une reconstruction éducative, sociale et économique.
La cérémonie de Barry a débuté par l’hymne national américain, suivi de discours marquants, dont celui du Provost, Dr. Pablo Ortiz, qui a salué l’auditoire haïtien par un chaleureux « Sak pase ! », auquel répondit un « N ap boule ! » enthousiaste.
Parmi les moments forts, citons l’intervention de Jeff, candidat au MBA, et de Marjorie Lozama, infirmière praticienne en santé mentale et détentrice d’un doctorat en pratique infirmière (DNP). Leur discours, empreint de sagesse et de compassion, a invité les diplômés à cultiver l’excellence tout en prenant soin de leur santé mentale.
Le défilé des diplômés fut interrompu par un moment solennel et émouvant : l’appel de deux diplômées spéciales de l’École de commerce et d’administration publique, Marnatha Irène Ternier et sa fille Hillary Pierre. Accueillies par des applaudissements nourris, elles furent présentées par le Dr. Celeste Landeros, qui salua leur courage, leur persévérance et leur engagement exceptionnel.
Hillary Pierre, emblème d’une jeunesse haïtienne qui force l’admiration

Âgée de 23 ans, Hillary Pierre incarne une nouvelle génération de leaders haïtiens. Coordinatrice du Barry CARE Center depuis trois ans, elle s’est distinguée par une ascension fulgurante. Débutant comme étudiante en work-study, elle a su convaincre par sa rigueur et son engagement, succédant à une responsable chevronnée.
Titulaire d’un Associate Degree en travail social, d’un Bachelor en psychologie, et actuellement inscrite en MBA en administration et finance, Hillary poursuit un parcours remarquable, soutenu par une bourse liée à son poste à plein temps. Elle allie maturité professionnelle, engagement communautaire et excellence académique.
Engagée depuis l’enfance dans l’action sociale aux côtés de sa mère, entrepreneure communautaire, Hillary s’est donné pour mission de promouvoir la santé mentale dans les communautés vulnérables. Par son travail au Barry CARE Center, elle sensibilise, oriente et soutient des familles souvent démunies face aux défis psychologiques. Elle redonne une voix à ceux qu’on entend trop peu.

Sa trajectoire incarne le potentiel immense de la jeunesse haïtienne lorsqu’elle est encadrée, valorisée et soutenue par des institutions fondées sur le mérite et la justice sociale.
La cérémonie s’est conclue sur le discours du président de l’université, Dr. Michael S. Allen. Engagé en faveur de l’excellence, de l’inclusion et des valeurs humanistes, il a rendu hommage au couple Lozama, rappelant l’engagement de Mme Lozama après le séisme du 12 janvier 2010. Il a déclaré avec conviction : « Nous avons besoin de leaders comme Jeff et Marjorie Lozama. Nous sommes reconnaissants envers eux pour leur foi en l’éducation et leur volonté d’ouvrir des portes aux autres. Aussi avons-nous besoin de leaders comme Hillary Pierre et sa mère, Marnatha Ternier, dont la détermination et le lien filial les ont menées à franchir ensemble la scène de la réussite.»
Par ces mots, le Dr. Allen a brisé les clichés associés à Haïti. Il a rappelé que derrière les crises se cachent aussi des figures d’espoir, des femmes et des hommes qui, par leur résilience, leur travail et leur amour du pays, continuent de hisser haut les couleurs de l’identité haïtienne. Héritier de Vertières, le peuple haïtien n’a pas dit son dernier mot.
Pradel Henriquez
pradelhenriquez@yahoo.fr
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