Port-au-Prince, le 26 décembre 2024
Le Réseau Haïtien des Journalistes de la Santé (RHJS) exprime sa plus profonde indignation et son désarroi suite aux événements tragiques survenus le 24 décembre 2024, la veille de Noël, à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), dans le cadre de la cérémonie de réouverture de cet établissement, contraint, tout comme d’autres institutions de santé du Centre-ville de Port-au-Prince, de fermer définitivement ses portes depuis février de cette année. Cette tragédie, qui s’est déroulée sous les yeux des journalistes venus couvrir cette importante activité, illustre une nouvelle attaque insensée contre la presse, des journalistes et des citoyens pacifiques dans un pays déjà marqué par une spirale de violence et d’insécurité sans précédent.
Une attaque contre les travailleurs de la presse en cette fin d’année est inadmissible
Les journalistes et autres professionnels des médias qui se sont rendus sur place pour rapporter les faits ont été confrontés à une violence inouïe de la part d’hommes armés. Sans foi, ni loi, ces escadrons de la mort ont pris d’assaut l’hôpital avant même l’arrivée des autorités et des invités officiels, rapportent des témoins. Il est donc déplorable qu’en ce jour de réouverture d’un hôpital d’une importance capitale pour le système de santé haïtien, et en pleine période de fêtes de fin d’année, l’espace réservé à la presse et aux participants à la cérémonie se soit transformé en un terrain de guerre. Cette attaque barbare a fait plusieurs victimes parmi nos confrères et consœurs journalistes, ainsi qu’un policier, qui a également perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions. Ils sont tombés dans l’exercice de leur fonction : Markenzy Nathou et Jimmy Jean (journalistes) et le policier Daniel Renaud.
Les journalistes, dont le rôle principal est d’informer le public de manière objective, ont été pris pour cibles dans un contexte où ils s’efforcent d’exercer leur métier en toute indépendance. Cette attaque inouïe est un crime non seulement contre des individus, mais également contre la liberté de la presse et le droit du peuple haïtien à l’information. De plus cette attaque signe l’intention des fauteurs de trouble : entraver l’exercice du droit à la santé de la population tout en interdisant à l’État, par la même occasion, de prendre des mesures positives pour assurer la réalisation du droit à la santé.
Le RHJS en profite pour présenter ses plus sincères condoléances aux familles et aux proches des victimes de cette tragédie. Nous déplorons les pertes humaines tragiques et nous nous inclinons devant le courage des journalistes et de ce policier qui ont sacrifié leur vie pour accomplir leur devoir. Nous partageons la douleur des familles et de l’ensemble des communautés de la presse haïtienne et de la Police nationale d’Haïti. En cette douloureuse occasion, nous exprimons notre solidarité avec tous ceux qui sont affectés par ce drame.
Aussi, adressons-nous les vœux de prompt rétablissement aux journalistes et policiers blessés dans cette attaque. Leur courage, malgré l’horreur qu’ils ont vécue, est à saluer, et nous sommes convaincus qu’ils se remettront de cette épreuve, forts et déterminés à poursuivre leur mission. Le RHJS continuera de soutenir ces collègues dans ce moment difficile, en veillant à ce que leurs droits soient respectés et que leur sécurité soit prise en compte.
Responsabilité des autorités publiques dans cette affaire
Face à cette situation tragique, le RHJS tient à rappeler la responsabilité des autorités sanitaires et des forces de sécurité publique dans la protection des journalistes et de tous les citoyens. L’attaque violente qui a frappé l’Hôpital général révèle une défaillance systémique dans la gestion de la sécurité, tant au niveau de l’hôpital que sur l’ensemble du territoire national. Le RHJS tient à rappeler que, depuis ces dernières années, les espaces sanitaires, tant à Port-au-Prince que dans certaines villes de province, ne cessent de subir des attaques d’hommes armés, où des patients hospitalisés se font arracher de leurs lits d’hôpitaux, avant d’être lâchement abattus. Le dernier exemple en date remonte à une semaine, où un jeune homme a été tué en plein jour, devant la barrière principale de l’Hôpital universitaire La Paix, à Delmas 33, alors qu’il était déjà sous le contrôle des autorités sanitaires.
Le RHJS rappelle qu’en tant qu’institution ayant pour mission de veiller à la sécurité de tous, l’État haïtien, par le biais de ses autorités de santé et de sécurité publique, doit prendre des mesures immédiates et concrètes pour assurer la protection des journalistes, des travailleurs de la santé et des citoyens en général.
Il est inacceptable que des individus armés puissent semer la terreur en toute impunité dans des espaces publics, particulièrement dans des lieux où l’État est supposé garantir la sécurité de la population. Nous réitérons ici notre appel à une meilleure coordination entre les institutions publiques, la police et les services de santé, afin de mettre en place des dispositifs de sécurité adaptés et efficaces dans les zones sensibles, en particulier lors de la couverture d’événements publics.
Justice et réparation
Le RHJS exige que justice soit rendue pour toutes les victimes de cette attaque, qu’elles soient journalistes, agents de la police nationale d’Haïti ou simples citoyens. Nous appelons à une enquête rigoureuse et transparente, et demandons que les auteurs de cet acte odieux soient identifiés et traduits en justice dans les plus brefs délais. Il est essentiel que les responsables de ce crime ne demeurent pas dans l’impunité, car cela enverrait un signal négatif aux citoyens et renforcerait le climat de violence et de non-respect des droits humains en Haïti.
Nous exigeons également que des mesures de réparation soient prises en faveur des victimes, tant pour les blessés que pour les familles des défunts. Des compensations appropriées doivent être allouées, et des mesures concrètes doivent être mises en place pour assurer la sécurité des journalistes, en particulier dans les zones à haut risque. Le RHJS, en tant qu’institution de défense de la presse et des droits humains, se tient prêt à accompagner les victimes et à plaider en leur faveur auprès des autorités compétentes.
Ce nouvel acte de violence perpétré contre la presse est un affront à la démocratie, à la liberté d’expression et au droit du peuple haïtien à une information libre et indépendante. Nous sommes déterminés à défendre ces principes et à lutter pour un environnement plus sûr pour les journalistes en Haïti.
Le RHJS appelle à une prise de conscience collective et à une action urgente des autorités compétentes pour mettre fin à la spirale de violence qui menace la paix sociale et la démocratie. Dans cette perspective, nous demandons une protection renforcée des journalistes, des actions concrètes pour garantir la sécurité de tous dans l’exercice de leurs fonctions et une réponse ferme et déterminée aux auteurs de cette tragédie.
Enfin, nous exprimons notre solidarité inébranlable envers tous les journalistes et policiers victimes de ce drame, et leur famille. Nous restons unis dans la lutte pour une Haïti libre, pacifique et respectueuse des droits de chacun.
Louiny Fontal
Secrétaire général du RHJS
Port-au-Prince, le 26 décembre 2024
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