« An n rasanble anba drapo n ». Notre bicolore est chargé d’histoire. Autant que nos Constitutions, il a connu des modification. 18 mai 1803 – 20 mai 1805 ; 20 mai 1805 – 17 octobre 1806; 1806 – 1843; 1811 – 1820; 1849 – 1859; 1859 – 1964; 1964 – 1986; 1986 à nos jours. De 18 mai 1803 à nos jous, que de modifications pour changer notre destin tumultueux à travers un symbole.
Symbole de rassemblement, le drapeau devrait mobiliser autour de lui les patriotes, les Haïtiennes et les Haïtiens, qui cultivent encore un sentiment d’appartenance à ce que nous représentons comme peuple dans le concert des nations.
Cette année, une nouvelle fois, en ce 221e anniversaire du drapeau haïtien, nous retrouvons un pays divisé, un territoire morcelé, barricadé et où les frontières se dressent dans la réalité concrète pour dessiner la géographie d’Haïti.
Le dos tourné à la collectivité
La fête du Drapeau en 2024 vient souligner dans l’accablement ce qui nous reste d’héritage et de tradition. Notre bicolore flotte sur un séisme provoqué par la main de l’homme. Tous les secteurs de la vie nationale sont à terre. La politique ne répond plus à nos attentes. Nos hommes et femmes de pouvoir préfèrent s’attacher à leurs commanditaires. L’exercice du pouvoir ne fait l’affaire que de ceux qui sont au pouvoir. Les sacrifices de nos ancêtres ne font pas sens pour celles et ceux qui galvaudent cet héritage.
Ayant le dos tourné à la collectivité, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité perdent de leur signification et résonnent comme des mots qui n’ont plus la même magie au temps des ancêtres.
Face à cet échec à répétition, nous ne pouvons pas garder une attitude fataliste et dire que les jeux sont faits. « An n bat zèl nou. An n kite peyi a ba yo. »
Si nos ancêtres avaient cultivé cette attitude, Haïti n’aurait pas écrit cette page d’histoire aussi inspirante qui fait la fierté de la communauté des humains. Tout individu se reconnaissant dans la grande famille humaine salue la mémoire des esclaves qui ont brisé leurs chaînes pour vivre libre.
Une narration inspirante, un défi à relever
Aujourd’hui plus que jamais la narrative de nos ancêtres est une source d’inspiration pour puiser des forces quand le présent nous accable d’humiliation, d’injures, de honte que l’on boit jusqu’à la lie. Ce n’est pas une attitude passéiste, ce n’est qu’un repère pour ne pas sombrer corps et âme dans la politique du néant.
Devant ce constat, nos leaders ont un défi à relever dans cette société minée par la défiance. Le peuple a perdu sa confiance dans nos élites. Les médias traditionnels et en ligne, relayant en permanence l’actualité, montrent un tableau des laideurs qui nous font horreur.
Ce qui doit être nouveau dans les nouvelles, ce sont des leaders patriotes désireux de servir Haïti avec dévouement dans le sens du bien commun. Nous voulons des leaders animés par des valeurs positives et qui inspirent notre peuple. Nous voulons une jeunesse responsable, volontaire dans la résolution des problèmes auxquels la société est confrontée.
Mais quand ceux (celles) qui sont à la tête, les étoiles qui nous guident ne sont pas honnêtes et font le jeu d’une tendance qui appelle au « peyi a se pou ou kale bouda w jan w vle », toutes les dérives sont permises et toutes les brides de nos institutions sont lâchées pour fonctionner dans le gagòt qui ne comprend pas le langage de la redevabilité, du contrôle, de la surveillance, des sanctions et réparations.
Dans un environnement aussi infect que le nôtre, comment voulez-vous que les médias traditionnels et en ligne ne véhiculent pas les images tendues par la société ?
Résultat?
Les gens sont devenus si acerbes que leurs propos corrosifs font encore plus de mal à une société en décomposition qui a déjà atteint une phase critique. Le moment appelle davantage à l’engagement citoyen qu’au blablabla. Un examen de réflexion en symbiose à un pote kole nous mettrait en mouvement dans le sens de solution au lieu de continuer à mettre de l’huile sur le feu pour aggraver nos problèmes.
Prenons au mot le président du Conseil présidentiel de transition, Édgard Leblanc Fils, à la cérémonie officielle : « Cette fête du Drapeau, beaucoup plus encore aujourd’hui, doit nous rappeler la nécessité, l’obligation d’une union de tous les fils et filles de la patrie autour de cet idéal que nous ont tracé les pères de la patrie. »
221 années depuis que notre drapeau existe. Et nous parlions de l’union. De quelle union ?
« L’union que nous prônons reste dans les discours de circonstances. Il faut un nouveau départ. Notre drapeau doit devenir le signe de ralliement autour d’un grand combite pour remettre en vie notre corps social en proie à des convulsions depuis des années », soutient, à la Villa d’accueil, Édgard Leblanc Fils.
Encore une fois, face à cette affligeante réalité, notre drapeau se flétrit et se meurt.
Pour ce nouveau départ, le drapeau haïtien, comme symbole puissant de ralliement, doit vivre en flottant sur une République en accord avec le respect de nos lois, de nos institutions et des normes sociales et la promotion du bien-être de la collectivité.
Travaillons à restaurer la confiance et la foi en notre patrie.
Claude Bernard Sérant
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