La poésie caniculaire de Harry Métellus

Recension critique

 

Épreuve du feu, poésie en cavale…est le résultat d’un processus de création s’étalant sur deux ans où je déballe mes souvenirs, mes observations et mes réflexions de plus de quarante ans sur deux sociétés qui m’ont forgé et qui me fascinent : Haïti, mon pays natal et Québec, mon pays d’adoption. » écrit Harry éetellus dans le prologue de son deuxième recueil de poèmes – après son premier, « Résurgence, poésie débridée », publié en 2020.

Première de couverture du livre

La présentation du livre, alliant l’écriture et la peinture, en fait un joyau de maquette et de pagination qui démontre le soin et le respect du poète vis-à-vis de l’art poétique. De la première de couverture avec la peinture de Guerdy Jacques Préval aux illustrations des poèmes par Reginald Noisette, « Épreuve du feu » est un régal visuel.

Le titre « Épreuve du feu » évoque un processus de raffinement et de façonnement du poète dont les amarres englobent Haïti et le Québec, dans une symbiose nécessitant le traitement au feu de l’auteur dans ses multiples dimensions. Et le sous-titre, « poésie en cavale » traduit le surgissement de la poésie émanant de l’amalgame ; une poésie en évasion, libérée des entraves du conformisme et des typologies.

Le recueil contient vingt-deux poèmes arrangés en sept chapitres identifiés chacun par un haïku. Le double enracinement du poète (Haïti-Québec) s’infuse dans plusieurs poèmes, notamment ceux du premier chapitre, où il exalte ses deux patries avec une égale ferveur : « Haïti, pot-pourri de rapadou et de dous makos/Québec, bac de sucre et de sirop d’érables » (P. 18).

Cette double identité exposée au grand jour, au grand dam des sceptiques tant Haïtiens que Québécois, cet ancrage sur deux socles historiques et culturels disparates et mêmes opposés en certains endroits, résulte d’un cheminement ardu et même douloureux, d’où le titre, « Epreuve du feu ». Ici, le feu symbolise l’usage de circonstances ardues, de mises en question déconcertantes, et de redéfinition de soi, accumulées sur quarante ans de résidence sur une terre d’adoption. Et le poète crie au bout de son itinéraire : « Je suis Haïti/je suis Québec/Vous qui m’avez forgé/par l’épreuve du feu. » (P. 21).

Dans le poème, « Sur les traces de mes ancêtres, » Harry Metellus décrit une randonnée à travers la forêt boréale, sur les monts Chic-choc et Jacques-Cartier, où broutent les caribous des bois, à la recherche de ses ancêtres, qu’il finit par retrouver : « Non loin au milieu d’une fumée couleur/corail et bleuet surgissent des silhouettes/Des hommes, des femmes/des géants en tenue royale/fiers et souriants ». Ainsi, au cœur du Québec, les ancêtres du poète se révèlent « chantonnant des airs lointains/d’Amérique et de la vallée du Nil ». (P. 29). Malgré sa double identité, La présence de ses ancêtres dans la forêt boréale symbolise encore la symbiose identitaire du poète. La même démarche se retrouve dans le poème, « Rencontre inattendue près de l’île de Corossol ». Cette fois-ci, c’est sur l’île de Corossol, « non loin du golfe du Saint-Laurent », que se manifeste Agwe, un loa (esprit) du panthéon vaudou.

Les autres chapitres du recueil présentent une poésie engagée dont les thèmes témoignent des préoccupations sociales du poète. Il prône la protection de la nature et l’importance du partage, fait l’éloge du rôle de la femme dans la société, et se penche sur la situation chaotique de son pays d’origine. Par exemple, dans « Ne nous tue pas, mon frère », les vers, « Regarde les cadavres que tu livres/à la rue sous les regards affligés/des veuves, veufs, et orphelins » (P. 79), font allusion aux gangs en Haïti qui sèment le deuil dans les familles et incendient des maisons. « Haïti, la vie continue » abonde dans le même sens : « Haïti tremble/Haïti pleure/danse macabre à perdre le souffle/Saccages, vols, viols, assassinats, kidnapping/prédateurs sans scrupule créant le chaos » (P. 81).

En marge de son affirmation identitaire et de ses élans philanthropiques, Harry Métellus nous offre aussi des poèmes où le poète décrit l’effet de la beauté féminine sur ses sens. Dans « Tu es femme », il écrit : « Tu vibres tous mes sens/ta vénusté et ton sourire/me plongent dans une ivresse » (P. 95). Il expresse sans ambages les soubresauts que lui provoquent les caresses de la femme : « Tu me chatouilles/Tu m’excites/Tu me bouscules/Labyrinthe à perdre la tête ». (P. 99). Dans « Contemplation », il localise la zone d’excitation : « Entre deux mamelons/dans l’univers envoûtant/d’une femme à facettes/je me sens perdu et coincé ». (P. 103). Enfin, le tango qui se joue entre sa poésie et sa peinture existe aussi entre son corps et le pinceau qui symbolise l’attouchement de la femme : « A mesure que tu épandes/finement ta peinture/en silence tu m’allumes/mon souffle augmente. » (P. 126).

La poésie de Harry Métellus prône le fond. Le poète se présente en oracle. Pour s’assurer que le lecteur comprenne son message, il utilise un langage direct et fluide. Cependant, aussi fortes que soient ses convictions, il ne nous les impose pas. « Laisse-moi vivre ce que je suis/Continue à vivre ce que tu es/dans la diversité, dans l’amour/dans la paix, » écrit-il.

Avec « Épreuve du feu », Harry Métellus se construit une œuvre qui s’affirme de livre en livre. Sa candeur et son humanisme exigent la lecture de ses recueils, mais ce qui impressionne le plus c’est son amour pour la poésie, en témoigne la ferveur qui imprègne son œuvre. Une longue carrière d’écrivain attend Harry Metellus, et c’est tant mieux pour la poésie.

Mario Malivert

mariomalivert@yahoo.com

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