Depuis quelques années, le pays traverse une crise sociopolitique sans précédent. Des groupes armés dictent leur loi. Ils pillent, incendient, tuent, séquestrent et violent sans aucune crainte. Une situation qui n’est pas sans conséquences sur la vie des citoyens, particulièrement ceux de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Certains sont contraints de fuir leur demeure pour se réfugier chez un proche, dans un camp ou dans une ville de province pour échapper à la violence destructrice des hommes armés. Selon le dernier rapport de l’organisation internationale pour les migrations (OIM) publié au mois de mars de l’année en cours, 117 000 personnes ont quitté Port-au-Prince. Suite à cette montée de violence, 60 % d’entre eux se sont dirigés vers le grand sud du pays. Clifford Joseph, un habitant de la Plaine du Cul-de-sac, illustre ce nouveau phénomène de transhumance.
Hernaelle Louis Jeune Jean
« J’habitais la commune de la Croix-des-Bouquets. Ma maison se trouve à Bon repos. Depuis l’année dernière, en août 2023, il n’y a pas de vie pour nous. On tire partout. Les bandits ont envahi la zone. J’ai dû fuir mon quartier pour me réfugier chez un ami », déclare avec regret, Clifford Joseph. Cette voix mélancolique qui résonne au téléphone nous parle depuis les Cayes. Il témoigne à l’émission Byennèt du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS).
« Comme je disais, dans un premier temps, je me suis rendu chez un ami sur la route de l’aéroport. Quelques jours après, chez un autre à Delmas 19, à proximité du marché seradot », poursuit-il
Le calvaire de ce natif des Cayes ne s’arrête pas après avoir trouvé refuge par deux fois chez des amis. « Je me suis rendu au Canapé-Vert chez une tante ».
Au Canapé-Vert, la situation n’est pas au beau fixe. C’est dans ce quartier à l’est de Port-au-Prince qu’est parti, le lundi 24 avril 2023, le mouvement bwa kale qui fera des remous dans l’actualité. Dans cette aire géographique au pied de Juvénat où les barricades sont dressées pour faire face aux assauts des bandits, le stress de Clifford revient.
Canapé-Vert n’est pas le meilleur endroit pour apaiser les craintes de quelqu’un qui cherche refuge. Ce passé récent a un relent d’angoisse pour celui qui a vécu tant de drames à Croix-des-Bouquets, sur la route de l’aéroport et à Delmas 19
À la rubrique Grenn pwomennen de l’émission Byennèt, c’est un jeune homme qui se souvient du choc émotionnel dont il était frappé : « J’ai été traumatisé. J’étais envahi par le stress. La nuit, je n’arrivais pas à dormir. J’étais toujours en alerte à cause des détonations et des rumeurs faisant croire que les groupes armés allaient envahir la zone. »
Dans la métropole du Sud où il a repris son cours de vie auprès des siens, il se rappelle de ces durs moments passés dans une ville livrée à elle-même. Il était si traumatisé, qu’il était atteint dans son corps et dans son esprit. Il confie : « Même en marchant, l’éclatement d’un sachet me faisait sursauter. Un pneu de voiture me faisait peur. J’avais tendance à courir pour m’abriter. Je prenais tous bruits pour des tirs. C’était grave. »
Après avoir éprouvé ces angoisses, Clifford s’est résolu à suivre le même chemin que des milliers d’autres ont emprunté. Le retour au bercail. Et ce ne sera pas facile, les bandits contrôlent les routes. Ici commence le calvaire d’un natif qui veut retourner chez lui. Pour retrouver une certaine quiétude d’esprit.
Clifford a fini par retrouver ses êtres chers. Fini les épisodes d’angoisse. « Je vis maintenant dans ma ville natale, dans une localité nommée Archil. Je suis pour le moment aux côtés de mes parents. J’assure leur survie. Ici, j’ai trouvé ma tranquillité d’esprit tant recherchée. Archil, c’est assez calme, pas de bidonville. Dans cette localité, les habitants vivent de la terre. »
Archil, n’est pas une localité de rêve. Les questions liées à l’hygiène et à l’assainissement sont posées et ne sont pas résolues ; les problèmes liés à l’électricité, aux réseaux téléphoniques ne trouvent pas de réponses. Carreleur et plombier de profession, ce jeune qui avait l’habitude de travailler sur des chantiers à Port-au-Prince, connaît les affres du chômage dans une localité où une économie grabataire l’avait poussé à chercher sa chance dans une capitale devenue une jungle.
Hernaelle Louis Jeune Jean
ladyherna@yahoo.frRepòtaj
Un portrait documentaire à voir