Cris désespérés des patients abandonnés de l’Hôpital général

Reportage

 

Depuis le 29 février 2024, « Vivre Ensemble », une coalition armée a pris le contrôle de la région métropolitaine de Port-au-Prince semant la terreur jour et nuit. Ainsi, les institutions privées et publiques se trouvant au cœur du centre-ville de Port-au-Prince en sortent grandement affectées. Dans ce climat de violence, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) n’est pas épargné. Comme conséquence, des patients et des prestataires de soins ont vidé les lieux. Il n’y reste que des désœuvrés qui n’ont nulle part où aller.

L’hôpital général

Vendredi 15 mars. 11 heures du matin. Nous sommes à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) communément appelé l’Hôpital général. Là, nous avons rencontré Dessalines Cayo hospitalisé depuis au moins cinq mois. Il se promène sur la cour du plus grand centre hospitalier du pays avec son cathéter urinaire comme s’il était chez lui. Cayo, natif de Port-au-Prince, souffre de lithiase rénale et de problème de prostate depuis tantôt huit ans. Faute de moyens adéquats, il est incapable de répondre aux exigences médicales.

« Je devrais subir une opération chirurgicale. On me demande 25 000 gourdes alors que je suis au chômage. Où est-ce que je vais trouver cette somme d’argent ? », se demande le septuagénaire, désespéré. Depuis plus de quinze jours, Cayo est privé de soins de santé. Le personnel médical de l’HUEH a été obligé d’évacuer l’espace face à la terreur instaurée par les bandes armées.  Aux alentours de ce centre hospitalier très fréquenté par les plus vulnérables, la menace plane au quotidien. Des patients ont aussi abandonné cet espace où seuls quelques sans-abris s’y trouvent et y résistent encore.

Aucun espoir à l’horizon

Il est presque midi. Cayo n’a pas encore pris son premier repas de la journée.  Aucun espoir ne profile à l’horizon. Sur son visage chiffonné se lit la misère. Son ventre ne fait qu’un avec son dos. À en croire ce patient, sa famille l’a abandonné. Bien avant la crise, il pouvait compter sur les religieux de la paroisse Notre-Dame de l’Immaculée Conception pour subvenir à ses besoins. «Sans le soutien du père Frantzy Petit Homme, je serais déjà mort. À présent, je suis là par la grâce de Dieu », lâche-t-il.

Après Cayo, direction droit vers les salles de la médecine interne de l’hôpital situé au fond de l’ancien bâtiment près du service des urgences. Les lits, vidés de leurs occupants. Aucun responsable sur place. À l’entrée, deux patients sont assis face à face. Pas un mot. Pas d’échange entre eux. Ils ont l’air d’être plongés dans une profonde réflexion.

Nous nous approchons auprès de Franckel Exil. Chemise bleue, pantalon bleu marine, ce sexagénaire souffre d’une hernie inguinale. Hospitalisé depuis mai 2023, il avait subi une opération chirurgicale pour cette pathologie. Bien qu’il ait déjà reçu son exeat, il ne peut pas rentrer chez lui. Que s’est-il donc passé ? Il explique : « Je suis retourné chez moi. Et qu’est-ce que je constate ? Ma maison est devenue un abri provisoire. Voyez-vous, je suis obligé de retourner à l’hôpital général.  Mon médecin m’a suggéré de rester sur place. Et voilà, les choses se sont empirées »

Angoissé, privé de ses médicaments depuis plusieurs jours, Exil ne sait pas quand il reverra son médecin. L’originaire des Cayes ne sait à quel saint se vouer. À cause des hommes armés qui contrôlent le sud de la capitale, il craint de prendre la route pour retourner au bercail. Tout comme Cayo,  Exil vit aux dépens de bons samaritains.

Haïti continue de faire face à une escalade de violences entrainant de graves conséquences sur les centres hospitaliers et la santé de la population.

Fabiola Fanfan

Fanfanfabiola10@gmail.com

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