La crise sécuritaire qui secoue le pays entrave fortement le fonctionnement des structures de prise en charge des survivants (tes) de la violence basée sur le genre (VBG). Selon un répertoire de la Direction sanitaire de l’Ouest (DSO), au moins 18 institutions sanitaires ne sont pas fonctionnelles au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Parmi ces structures de soins figurent, entre autres : l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), l’Hôpital DASH de Delmas 18, le Centre de santé Aurore du Bel-Air, le Centre de santé Saint-Martin 1, le Centre de santé Saint-Martin 2, la Maternité Isaïe Jeanty de Chancerelles, l’Hôpital Saint-François de Sales, le Sanatorium, l’Hôpital communautaire de Bon-Repos, l’Hôpital communautaire de Beudet, le Centre de santé de la Croix-des-Bouquets, l’Hôpital Sainte-Catherine Labouré et le Centre de santé de Pernier.
« De nombreux hôpitaux ont été victimes d’attaques violentes et de vandalisme, dont l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti, l’Hôpital Saint François de Sales et l’Hôpital DASH de Delmas 18. De plus, nous faisons face à des pénuries sévères d’intrants médicaux essentiels, de carburant et d’oxygène, ce qui compromet sérieusement notre capacité à répondre aux besoins médicaux urgents de nos patients », lit-on dans une note de l’Association des Hôpitaux Privés d’Haïti (AHPH) rendue publique le 6 mars 2024. En effet, avec le pourrissement de la situation sécuritaire, plusieurs Hôpitaux ont dû soit réduire leurs services soit fermer leurs portes provisoirement. Et le nombre va en grandissant au jour le jour.
Ces arrêts de travail sont synonymes de discontinuité des services de santé liés aux violences sexuelles au niveau des institutions en question. Pourtant l’insécurité rime généralement avec l’augmentation des violences sexuelles. Se trouvant à proximité des zones minées par les derniers épisodes de violences (éclatées dans l’aire métropolitaine depuis le 29 février 2024), les hôpitaux et centres de santé qualifiés « non fonctionnel » par la DSO devraient être les premiers choix des victimes de violence sexuelle.
« Vu que la majorité des hôpitaux et centres de santé de la zone métropolitaine ne fonctionne pas, les services de prophylaxie post-exposition (PEP) ne sont pas disponible », déclare, inquiète, Soeurette Policar Montjoie de l’Organisation pour le développement et de lutte contre la pauvreté (ODELPA), un organisme qui travaille, entre autres, sur les violences basées sur le genre (VBG).
Pour Nytale Pierre, coordonnatrice générale de la Maison d’Aide aux Victimes de Violences et d’Abus Sexuels (MHVVAS), cette situation donne froid dans le dos. « Je ne peux même pas imaginer le sort d’une personne victime d’un viol par exemple et qui n’arrive pas à trouver un hôpital ou un centre de santé pour sa prise en charge médicale », s’inquiète la journaliste. « C’est carrément catastrophique », dit-elle en rappelant que toute personne victime d’un viol doit bénéficier d’une prise en charge dans les 72 heures suivant l’agression en vue de la prévention des IST/VIH/sida et d’une grossesse non désirée.
Un défi pour la riposte au VIH
Mme Policar voit dans cette situation un enjeu de taille pour les acquis de la riposte contre le VIH/sida au cours des trente dernières années. « Nous avons fait beaucoup d’efforts pour faire basculer la prévalence du VIH de 6% à 2%, » rappelle-t-elle. Ce qui se passe actuellement dans le pays risque de saper tous ces efforts, regrette-t-elle. « Une personne qui a été violée et qui n’a pas accès à une prophylaxie post-exposition dans les 72 heures risque d’être infectée par le VIH, craint-elle. Sans oublier les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui ne peuvent aller récupérer leur médicaments (ARV) à cause des violences », ajoute-elle.
Mme Policar réalise qu’il est grand temps que les acteurs (politique, économique et société civile) priorisent l’intérêt du pays. Même son de cloche pour la coordonnatrice de MHVVAS.
Représentantes de la société civile, ces deux femmes ont élevé leur voix pour une réelle prise de conscience.
Gladimy Ibraïme
gibraime@gmail.com
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