Depuis le début de cette année, de nombreux cas de violence sexuelle ont été rapportés, révèle un bulletin de l’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA), publié le 19 février 2024. Entre janvier et mars, plusieurs autres bulletins, rapports ou articles de presse ont rapporté de nombreux crimes sexuels commis par les gangs. En effet, ces trois dernières années, les violences sexuelles s’intensifient un peu partout à travers le pays, particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Selon l’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH), entre juin et novembre 2023, plus de 300 cas de violences sexuelles ont été enregistrés sur le territoire national. Un rapport de Human Rights Watch, qui reprend les chiffres de Médecins Sans Frontières (MSF), informe que 1 005 victimes de violence sexuelle ont été prises en charge à Port-au-Prince (dans les hôpitaux de MSF). Presque le double du chiffre enregistré pour la même période en 2022.
Dans la presse internationale, Sarah Chateau, responsable des programmes à MSF, a confié que 4 000 cas de victimes de violences sexuelles sont arrivés dans leurs services en 2023. Alors qu’entre janvier et mars 2022, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) avait enregistré une moyenne de 98 cas par mois pour Port-au-Prince et les zones avoisinantes. Des crimes directement imputables aux gangs, souligne l’organisation.
En 2022, l’ONU a enregistré, au total, près de 1 500 cas de ces violences sur tout le territoire. L’agence onusienne estime que beaucoup de ces violences étaient délibérément utilisées par les gangs pour insinuer la peur, punir et assujettir la population victime.
Les violences sexuelles comme arme
A en croire les organisations onusiennes, les groupes criminels utilisent les violences sexuelles, notamment le viol collectif comme une arme à part entière (dans les conflits, comme moyens de pressions pour les demandes de rançons., etc.). Globalement, les cas de violences sexuelles sont omniprésents dans toutes les exactions des gangs.
Selon les données du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH), sur environ 537 personnes enlevées en 2022, les femmes et les filles représentent presque 20%. « Il n’existe pas de données concernant le pourcentage de violences sexuelles parmi les femmes et les filles enlevées car la plupart d’entre elles ne le signalent pas par crainte de représailles ou de honte, soulignent les deux organisations. Cependant, les témoignages recueillis auprès de certaines victimes et témoins indiquent que les éléments des gangs armés utilisent très fréquemment la violence sexuelle lors des enlèvements ».
Le BINUH a indiqué que lors de ces attaques, les victimes sont souvent violées collectivement, en plein jour, devant les membres de leurs familles ou d’autres témoins. Certaines sont forcées d’avoir des relations sexuelles dans un contexte d’exploitation avec des membres des bandes et risquent une mort brutale si elles refusent. Dans le rapport publié conjointement par le BINUH et le HCDH, on peut lire : « Dans ces zones pauvres et marginalisées, les femmes et les filles peuvent également être encouragées par leur propre famille à avoir des rapports non consensuels avec des éléments de gang en échange d’avantages en espèce, tels que de la nourriture, de l’eau potable et d’autres gains matériels, ainsi que d’une ‘’protection’’ contre les abus commis par d’autres hommes armés ».
Constat partagé
Une étude de Plan International publiée en mars 2024, révèle quasiment le même constat : la crise des gangs en Haïti expose les filles à des risques de faim, de violence sexiste, de recrutement par des groupes du crime organisé et de mariage d’enfants. Toujours d’après cette étude, cette situation entraîne des cas de grossesse précoce, d’abandon scolaire et davantage de violence. Sans compter la crise alimentaire qui augmente le risque de violence sexiste.
Même si les données sont alarmantes, les violences sexuelles restent très peu signalées. Les victimes sont contraintes au silence, en raison du climat de terreur qu’installent les criminels, mais aussi en raison de la stigmatisation sociale qu’ils peuvent subir, car aujourd’hui encore les violences sexuelles demeurent tabou.
Roseline Daphné Décéjour
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