Comme vous pouvez le constater, la situation se dégrade de plus en plus. Les hommes armés continuent de se positionner en maître et seigneur, sans trop grande opposition de l’État. Les hors-la-loi prennent sans contraintes de nouveaux territoires devant l’impuissance des forces de sécurité du pays. La police et cet embryon des Forces armées d’Haïti (FADH) se révèlent incapables de faire échec à l’assaut des hommes sans foi ni loi. Devant cet effondrement annoncé de l’État auquel on assiste, le territoire d’Haïti devient le terrain de jeu des bandits : ils volent, tuent, pillent, incendient, chassent les gens de leur milieu de vie et enlèvent de paisibles citoyens, sans difficulté.
L’aéroport international Toussaint Louverture, encerclé par les gangs, fait l’objet de hautes menaces. Des avions sur le tarmac de l’aéroport à Maïs Gâté, ont même essuyé des tirs. Le mardi 5 mars, des hommes ont monté la garde, aux aguets de moindre signe d’appareils volants dans le ciel.
Entre-temps, dans les zones vulnérables, de paisibles citoyens et citoyennes continuent à fuir leurs maisons. Ils courent, ils marchent, ils trainent sans destination, d’un lieu d’hébergement à un autre au gré des attaques des semeurs de troubles.
Quelle alternative pour les déplacés ?
Rien à l’horizon. Ils sont livrés à eux-mêmes.
Sommes-nous abandonnés?
Dans ce roman emblématique de Jacques Romain, l’un des personnages centraux, Délira Délivrance, l’âme dévastée, a lamenté : « Nous mourons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants…». S’adressant à son époux, elle demande, perplexe : « Bien-aimé, comment allons-nous faire? La sécheresse nous envahit, tout dépérit, les bêtes, les plantes et les chrétiens vivants. Le vent ne pousse pas les nuages. C’est un vent maudit. Du levant au couchant, il n’y a pas un seul grain de pluie dans le ciel. Alors, est ce que le Bon dieu nous a abandonnés ?»
Dans le feu de l’actualité, la même question nous revient en boucle à l’esprit. Notre sentiment de défaite est tellement grand qu’on se demande comme le personnage de Roumain : est ce que le Bon dieu ne nous a pas abandonnés ?
Même Jésus s’est senti séparé de son père sur la croix. « Éloï, Éloï, lama sabachthani? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?», s’est écrié le fils de l’Homme avant de rendre l’âme.
Jusques à quand, Ô Éternel ! oublieras-tu tes enfants dans cette tempête ?
Non, le Tout-Puissant n’a pas abandonné ses enfants. C’est un État sans force, un État miné par ses institutions politiques en péril (Sans Présidence, sans Parlement), incapable d’assurer ses fonctions régaliennes qui a abandonné sa population.
L’ordre n’est plus assuré ; nos territoires perdus sont à la merci de brigands ; le droit et la justice ne sont que de vains mots ; notre diplomatie effondrée est à l’image délirante du pays.
Chers compatriotes, devant la faiblesse de l’État, certains individus très puissants se narguent de l’Autorité publique. Le philosophe Paul Valéry a peut-être eu raison de dire : « Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. »
La leçon à tirer de notre histoire. Au temps des dictatures dont la plus féroce est celle du Dr François Duvalier, le peuple haïtien était réduit à l’état de zombi. Mais la paix régnait sur toute l’étendue du territoire de la république. C’était une paix de cimetière. Le poète haïtien, Anthony Phelps, dans Mon pays que voici, illustre ce temps-là dans ces vers :« Il est venu le temps de se parler par signes. Je continue ma lente marche de Poète à travers les forêts de ta nuit province d’ombre …»
Si sous Duvalier, l’individu ne valait pas la chiure d’une mouche, aujourd’hui, certains groupes dans notre société sont plus puissants que l’État.
Est-ce normal ?
Ils sont si puissants qu’ils arrivent à créer l’anarchie pour faire prospérer la gangrène sur le tissu social. Les poches de violence, les zones rouges qui font office d’état d’ensauvagement qui abêtissent l’Haïtien sont symptomatiques de cet écoulement nauséabond de pus qui explose à notre figure.
En ce temps crucial, le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) s’élève pour dire Non ! Il faut que cet état de chose cesse ! Plus que jamais, dans la nouvelle Haïti, un individu ou un groupe ne doit primer sur la collectivité.
Pour une société inclusive
Le RHJS nous invite à faire société dans un pays doté d’une Autorité publique où s’organisent des pouvoirs qui agissent dans l’intérêt de la collectivité sans exclusion.
Pour avoir trop longtemps vécu dans la marge, en dehors de toutes opportunités liées au marché du travail ; pour avoir vécu trop longtemps dans une misère honteuse qui accule les citoyens à vendre leur vote pour mille gourdes juste pour se nourrir, il faut désormais penser inclusion pour tous. Justement. C’est le phénomène de la discrimination qui a engendré le démon du gangstérisme qui gangrène tous les secteurs de notre société. De haut en bas de l’échelle sociale, le gangstérisme s’érige en système.
Comme depuis sa création le 2 septembre 2013, le RHJS, cette association non-gouvernementale, à but non lucratif qui regroupe des journalistes œuvrant dans le domaine de la santé en Haïti, revendique le bien-être pour tout un chacun. Pour avoir fait 1804, pour être les descendants de héros qui nous ont libéré de nos chaînes, tout Haïtien a droit au bonheur.
Le RHJS, en tant qu’entité consciente, citoyenne, s’engage, dans sa sphère d’action, à œuvrer pour que les déterminants de la santé soient une réalité.
Fontal Louiny
Secrétaire général du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS)
Cliquez ici pour avoir accès à cette video
Discussion à propos de post