Par Augustin NELSON,SC, Ph.D
Depuis quelques années, les enlèvements contre rançon, en plein jour et en toute impunité, deviennent monnaie courante dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans certaines villes de province. Personne n’est épargné, ni même les philanthropes, religieux et les religieuses qui se mettent au service du développement de toute personne quelle que soit son rang social.
Ainsi, le 23 février 2024, avaient été enlevés les frères du Sacré-Cœur suivants : Pierre Isaac Valméus, Adam Montclairson Marius, Jobner Jean, Bee Gordy Hérold Agénor, Freud Edgy Boncoeur et Christopher Josué Napoléon accompagnés de l’enseignante Altema Farah, soit un mois environ après l’enlèvement de six sœurs de la congrégation de Sainte Anne. Ils étaient en route vers l’école Jean XXIII avec une foi renouvelée dans leur vocation et leur mission, pour porter une éducation intégrale de qualité aux enfants des quartiers ruinés par la pauvreté et la violence du bas de la ville de Port-au-Prince et ses banlieues sud.
Il est vrai que toutes les institutions ont déserté la zone, mais ces hérauts y allaient avec confiance et espérance. Ils sont animés par la conviction que l’éducation est l’aventure la plus belle et bien plus encore, quand elle devient service des plus dépourvus. Une aventure merveilleuse pour laquelle ils consacrent toute leur vie.
Aujourd’hui, 3 mars 2024, ils sont encore entre les mains de leurs ravisseurs. Cela attriste l’ensemble de la société et nous leur lançons un vibrant appel pour qu’ils libèrent immédiatement ces jeunes inoffensifs qui ne demandent qu’à poursuivre leurs études afin de mieux servir leur pays et des frères qui se mettent au service des laissés pour compte et l’humble enseignante qui accomplit sa profession avec passion et respect. Plus largement, nous lançons un cri d’alarme pour que s’arrête le fléau du kidnapping dans ce premier pays noir indépendant de la planète.
Ce fléau porte atteinte au bien-être de la personne et à sa santé mentale. Il attaque le corps et l’esprit de toute la société. Lorsque ce sont les jeunes qui en sont touchés, s’ils ne bénéficient pas d’un accompagnement approprié, le reste de leur vie peut en être marqué négativement. De ce fait, c’est l’avenir du pays qui est menacé si rien n’est fait pour rétablir un minimum de sécurité et de venir en aide à la détresse psychologique des compatriotes victimes directement ou indirectement.
C’est avec la peur au ventre que les parents conduisent leurs enfants à l’école. Les étudiants et étudiantes ne sont plus motivés pour les études. Malgré eux, ils sont ailleurs lorsqu’ils suivent les cours. Le loisir disparaît du mode de vie de tout un peuple. C’est tout simplement inacceptable.
Le traumatisme du Kidnapping a un impact majeur sur le vivre-ensemble social harmonieux, car le bien-être individuel se trouve affecté, par exemple, par des troubles de l’humeur (sens de la vie), trouble du sommeil (cauchemars) et différentes phobies. L’impact sur la santé mentale est bien réel, une action urgente est requise.
La première intervention que l’État peut faire pour soulager la souffrance des victimes est d’agir sur l’impunité qui augmente leur douleur. Dans un deuxième temps, le rétablissement d’un sentiment de sécurité est fondamental pour l’équilibre émotionnel des individus.
Tout nous montre que notre pays a un grand besoin d’une transformation en profondeur, à savoir revisiter les mentalités, les structures, le mode de gouvernance, la façon de faire de la politique et le système éducatif.
Le tout passe par une nécessaire entente nationale comme le préconise Mgr. Pierre André Dumas qui fait appel à la conscience citoyenne pour un sursaut moral et patriotique en vue de la transformation des esprits et des cœurs.
Avec une prise de conscience, nous pouvons nous tourner vers notre peuple aux abois, surtout vers les personnes humiliées, meurtries, déboussolées, expropriées, pourchassées, victimes de toute sorte de violences notamment celle du kidnapping. Cette prise de conscience conduira vers le vivre-ensemble harmonieux indispensable pour un nouveau pays. Que s’arrête la violence pour que vive Haïti !
Augustin NELSON,SC, Ph.D.
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