Il y a un an, Malik Jean, originaire de Verrettes (Artibonite), 30 ans, père d’un enfant, a survécu au choléra. Étudiant finissant en agronomie, il travaille comme chauffeur de taxi-moto à Port-au-Prince afin de subvenir aux besoins de sa famille. Il revient sur ce moment sombre de son existence. Leçons tirées. Comment cette expérience a façonné sa vie ?
Malik Jean habitait Carrefour-Feuilles quand, un soir de novembre 2022, son calvaire a débuté. Le soleil s’était déjà retiré à l’horizon. Ce soir-là qui était censé se dérouler comme à l’accoutumée allait tourner au vinaigre. Un brin de tristesse dans la voix, Malik Jean se remémore : « Je venais de rentrer quand soudain je sens l’irrésistible envie d’aller aux toilettes. J’avais de la diarrhée. Pendant deux jours ça n’a pas cessé. Je buvais du sérum oral. Ça ne suffisait pas. »
Deux jours plus tard, Malik Jean commençait à multiplier les coups de fil auprès des amis médecins et infirmières. Le patient ne pouvait plus attendre. Malik raconte : « J’ai appelé une amie infirmière qui habitait tout près de chez moi, elle m’a suggéré de me rendre à l’hôpital. Sans tarder, j’ai appelé un ami médecin (…) J’avais une diarrhée incessante et parfois de légers vomissements. »
Un matin, il s’est levé. À bout de ses forces, saisi par des crampes, il avait maigri à grande vitesse. « J’étais tellement déshydraté que je ne pouvais même plus lever les pieds », dit-il.
Alerté par ses amis du monde médical, on vole à son secours. Une ambulance l’emmène aussitôt au centre de traitement de choléra (CTC) administré par Médecins Sans Frontières (MSF) près de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université d’État d’Haïti. « Quand je suis arrivé au centre, j’ai été vite pris en charge. Les médecins m’ont donné du sérum à longueur de journée. C’était une prise en charge intensive. J’avais des crampes. Mon corps était secoué. J’ai frôlé la mort ce jour-là », témoigne-il pénétré du sentiment d’avoir échappé au pire.
Changement dans la vie de Malik
Après une semaine au CTC, parmi une dizaine de patients squelettiques, amaigris, Malik a survécu. Il avait la peur au ventre, car il a vu aussi des gens mourir auprès de lui le temps de la résurgence du choléra en 2022. On notera au passage qu’en 2010 tout de suite après le tremblement de terre du 12 janvier, le choléra avait fait plus de 10 000 morts et 800 000 cas majoritairement recensés entre Haïti et la République Dominicaine. Au regard de ce tableau, Malik est un survivant. Un Moïse sauvé des eaux. Chat échaudé craint l’eau froide. Depuis lors, il se dit : plus jamais cela ne va plus lui arriver. Et c’est avec une conviction profonde dans la voix qu’il déclare : « Maintenant, j’ai changé de pratique : je me lave les mains à chaque fois que je rentre à la maison. J’évite de me mettre la main à la bouche et de passer ma langue sur mes lèvres quand je suis exposé à la poussière. »
Aujourd’hui encore, Malik Jean dit ignorer comment il a pu attraper cette maladie dont les contaminés sont souvent l’objet de stigmatisation. Père célibataire, il ne souhaite à personne de vivre une expérience pareille.
Malik a senti qu’il a frôlé la mort quand une diarrhée aqueuse, aigüe sévère l’a terrassé. Devenu prudent, il invite chacun à consulter un médecin en cas de diarrhée. Il pense également que c’est nécessaire de commencer à se réhydrater chez soi avec le sérum oral. Mais la meilleure décision, pour le survivant du cholera, c’est de se rendre à un CTC.
Malik Jean est un nom d’emprunt utilisé pour préserver l’identité du survivant du choléra.
Joubert Joseph
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