Ce matin, la caméra de photographie en bandoulière, une carte de presse suspendue à mon cou, je suis passé au camp de déplacés du gymnasium Vincent à la rue Romain. J’y suis allé pour faire suite au numéro de Bien-Être consacré à l’hygiène et à l’assainissement à un moment où le choléra avait frappé au camp du lycée Marie-Jeanne au mois d’octobre de l’année dernière.
Je suis retourné à plusieurs reprises au camp du gymnasium. Un samedi matin du mois de novembre de l’année dernière, je suis tombé sur une cavité destinée à recueillir les excréments de ces centaines de déplacés de Carrefour-Feuilles.
Comment cette fosse septique qui doit être entièrement étanche avec un système d’évacuation des liquides et de la matière est-elle arrivée à déborder de la matière fécale sur la cour? Dangereuse, cette bombe à retardement. La presse en a fait état.
Aujourd’hui, encore une fois, je suis retourné. J’ai revu les mêmes visages et de nouveaux arrivants. L’un d’entre eux m’a dit : « Journaliste, je vous connaît bien. Vous avez déjà mis les pieds ici. Quoi encore ? Que venez vous faire ? On ne parlera pas. On ne vous dira rien. » Le ton est tranchant. Sec. Je n’ai pipé mot. Il m’a balancé sur un ton froid : « Vous êtes venus pour faire du buzz. Pour que vous ayez plus de vues sur votre site. Et après ? Nous resterons toujours dans la… »
Devenir stratège pour la cueillette de l’information
Je suis reparti sans laisser mes restes tout en pensant à ces déjections humaines que ces sinistrés entassés dans une promiscuité crasse balançaient sur des tas de déchets bleuis de mouches ou sur la voie publique.
Comme je suis un reporter déterminé, je me suis rendu non loin de la rue Romain au camp du lycée Marie-Jeanne, à l’avenue Jean-Paul II.
Quand je suis arrivé sur les lieux, cette fois, j’ai usé d’une bonne stratégie. Je suis d’abord allé au bureau de Francesca Beaujour, l’une des responsables du comité qui administre le camp. N’étant pas à son bureau, je me suis tourné vers Dave. Dave Alexis Schneider est un jeune qui m’a déjà piloté à plusieurs reprises dans cette aire. Avec lui et d’autres leaders comme Chamade Pierre, des gens qui ont tout perdu, on est en terrain connu. Les gens deviennent cool avec moi. Pour des prises de photo, des interviewes, ils deviennent coopératifs et posent même pour marquer l’instant.
En leur expliquant le travail sur l’hygiène et l’assainissement que je viens de réaliser dans le contexte où le choléra ressurgit en Haïti, nos guides nous présentent Wilner Généus, un employé du ministère de la Santé publique et de la Population ainsi que Junior Catulle, un jeune du comité de nettoyage des toilettes du site et tant d’autres. Avec nos guides improvisés, on fait le tour du camp. Les langues se délient et on constate de visu ce qui se fait et ce qui est. Autant d’éléments, de données que je recueille pour un approvisionnement de sujets relatifs aux reportages sur plusieurs angles que vous trouverez dans ce numéro de Bien-Être.
Claude Bernard Sérant
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