Jhon Steve Bruenasch révélé dans « Le chant du nouveau mental »

Publication / Éditions Li+

 

Jhon Steve Bruenasch est un enfant de Jérémie, la cité des poètes. Chanteur à textes, Bruenasch s’est créé un nom qui est parvenu jusqu’à vous par toutes les voies. Si à présent vous lisez ces pages, c’est que l’artiste du groupe Tonm-Tonm des années 1980, auréolé du succès de Chimen limyè, Larelèv et de Madanm, continue de prendre place amplement parmi nous.

Le chant du nouveau mental

Vivant aux États-Unis, le ciel du poète reste couvert des nuages de l’actualité de son pays, Haïti, terre sous ses semelles de vent qui le suit partout. L’ancien étudiant de l’Ecole Nationale des Arts, à Port-au-Prince, le journaliste du sérail de Radio Métropole, n’a jamais été aussi près des siens dans ce recueil de poèmes, Le chant du nouveau mental, paru sous le label des Éditions Li+.

La vie au quotidien, dans une Haïti où les bandits surarmés font parler la poudre, rentre dans le chant poétique de Bruenasch avec tout son champ lexical (balles, mort, mouche, charnier, bourdonnement, otages, pluie de sanglots, douleurs, enfants, cités-ghettos, opprobre…)

Jhon Steve Bruenasch

Ici la vie est pariée à vils prix,

Pluie de sanglots,

Partout bourgeonnent des charniers.

Nos corbeilles de fleurs n’ont pas eu de saison.

Printemps assouvi d’opprobre, de honte et de gestuels iniques

Le cœur en écharpe, le poète pousse un cri :

Enfants des Cités-Ghettos ;

Enfants des rues chaudes et affamées ;

Enfants des carrefours de la mort ;

Foyers des prises en otage de l’avenir.

Vous tombez sous les balles,

Pleurez jusqu’à la sécheresse de vos forces

Mais consommez vos douleurs.

Paroles déchiquetées

Le cœur de l’aède saigne quand il pense à ces jours sans fin, ces jours où le droit à la vie en Haïti n’est qu’un vain mot. Vain mot pour une population dès lors que les institutions sont vidées de toute leur substance. Au reste, même la parole qui avait servi de socle à la fondation de nos Cités a perdu ses mots ainsi que ses règles propres, lesquels doivent réellement faciliter l’échange et nous réunir pour sauver le pays.

Jour long de l’attente amère, patience déchirée,

Paroles déchiquetées, portraits d’épaves,

Impression de graffiti sur une rive en veilleuse.

Une femme traquée a quitté la ville

Et s’est repliée dans les montagnes.

Indéchiffrable message que les nervures de l’impatience

Impriment sur ma conscience.

Dans ce tableau de la réalité, la verve du poète vogue sur des houles de tristesse qui empoignent notre cœur. Parfois on se sent sur une mer démontée, on avance de-ci de-là, pareil à un bateau ivre sur des flots fatigués. Jusqu’où iront ces errements épouvantables ?

Un soleil neuf

Le chant du nouveau mental de Jhon Steve Bruenasch n’est pas un chant à nous conduire sur les cimes du désespoir. C’est plutôt un recueil qui baigne dans un soleil neuf. Un recueil qui nous prépare à assurer notre croissance intérieure pour l’harmonisation de tous les facteurs qui nous ramènent à la collectivité, c’est-à-dire à ce que nous sommes en quelque sorte. Dans un environnement toxique, l’individu le mieux armé spirituellement et matériellement peut échouer piteusement comme l’albatros, ce géant des mers que décrit Charles Baudelaire.

Cet appel à la perfection dans Le chant du nouveau mental participe de tout un ensemble de déterminants culturels, sociopolitiques, économiques, environnementaux, qui riment avec la cohésion sociale et le bien-être de tout un chacun. Pour atteindre cette maturité et assumer cette responsabilité morale, il faut que tout le monde sache que chacun a besoin de l’autre, de son altérité, de ses proches, de son prochain. Pour condenser : « J’ai besoin que vous ayez besoin de moi ». C’est dans cette intersubjectivité que tout un écosystème se déploie pour faire société. Ce chant est un hymne pour un monde vibrant d’un supplément d’âme.

L’homme de mon île a besoin de lui-même !

L’homme de mon île a besoin des hommes de mon île,

Car il est venu le temps de croire en nous-mêmes.

Vous êtes des êtres

Comment cette énergie vivifiante puisse se manifester dans un terreau où la sécheresse des cœurs rend l’environnement social stérile ? Réponse apparemment simple faisant signe vers une mystique assez banale. Votre foi, ma foi et celles des autres animés par un puissant besoin de faire avancer les choses créent quelque chose qui nous dépasse, qui nous guide et nous donne des ailes pour avancer. Appelez ce « quelque chose » comme vous voulez. Donnez-lui une dimension transcendante ou suprasensible. Vous êtes des êtres-avec. Donc lieu de pouvoir extraordinaire. Lorsque vous en prenez conscience, vous avez le pouvoir de faire de votre logos une lumière.

N’est-ce pas que bien des années après le succès des titres musicaux de l’artiste ses paroles sont brûlantes d’actualité ? Nombre d’Haïtiens appellent, à présent, Jhon Steve Bruenasch le prophète. 

Qu’attendons-nous pour semer en nous et autour de nous cette parole qui appelle à la transformation de l’Homme ? Qu’attendons-nous pour réaliser cet idéal qui nous tient lieu d’horizon ? « Homo sapiens » et « Homo faber ». Ces appellations d’Homme sage et d’Homme inventeur correspondent à l’individu haïtien, cet animal culturel porteur d’un héritage génétique et expérientiel qui le rend apte à apprendre et à s’accomplir.

L’expérience de John Steeve Bruenasch de la vie le rend sensible à cette réalité phénoménale. Il a la conscience que l’être humain comme tout être dans l’espace et dans le temps imprégné de l’essence divine chemine vers la perfection. Divers obstacles ou facteurs arrivent à nous faire dévier de notre but. Mais il n’en demeure pas moins que la quête de la perfection relève d’un idéal à notre portée.

Un idéal ouvert aux êtres et aux choses

Ce recueil chante pour tous. Pour la rose qui s’ouvre dans sa plus belle robe et répand son parfum. Pour l’abeille qui produit son miel. Pour l’araignée qui tisse sa toile. Pour le sculpteur qui cisèle son œuvre avec toute la légèreté lyrique de ses coups de ciseau. Pour le poète qui met la fleur de son âme dans Le chant du nouveau mental. Pour l’éditeur sensible à l’œuvre du créateur et qui y mobilise ses ressources. Pour le lecteur qui s’envole sur les ailes des mots et se laisse imprégner de cette quête.

Si un recueil de poésie peut creuser un filon d’espérance en nous, si la poésie arrive à réactiver notre amour inné de la perfection, on peut se dire que la muse du poète a libéré un parfum essentiel de l’existence dans notre âme.

Claude Bernard Sérant

N.B.: Le chant du nouveau mental et autres poèmes est en vente sur Amazone depuis le 13 février 2024.

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