Depuis plus de trois décennies, le 1er décembre est considéré comme une journée de réflexion, de sensibilisation et d’unité dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA. Cette année, la célébration s’est déroulée autour du thème ” Confier le leadership aux communautés “. Cette proposition de l’ONU/SIDA adoptée par les acteurs de la lutte en Haïti laisse entendre que l’objectif de 2030 qui consiste à mettre fin au sida en tant que menace de santé publique n’est possible que si les communautés en première ligne bénéficient d’un soutien total du Gouvernement et des donateurs.
Organisée cette année au Karibe, la journée mondiale du sida a suscité des controverses. Des voix se sont élevées et des pancartes brandies. Daphney DELVA, coordonnatrice générale du Foyer National deS Positifs au VIH/Sida (FONAPOVIH), n’est pas allée par quatre chemins. Elle a dit sans ambages : ” Même aujourd’hui le thème lié à la journée mondiale qui dit : ”Kominote yo devan nan batay la pou kwape sida” n’est pas respecté. Regardez! Tous les PVVIH qui sont là sur la cour du Karibe aimeraient assister à ce qui se passe à l’intérieur pour savoir ce qu’on dit de nous. ”
Agent de santé aux centres GHESKIO, fondatrice du FONAPOVIH, DELVA a créé cette association à une date qui tombe à pic. Le 1er décembre 2019, elle avait présenté sur les fonts baptismaux son association au grand public. Le FONAPOVIH regroupera au fil des années trois cents membres. Ces derniers seront pris en charge et encouragés à suivre leur traitement.
Depuis quelques temps, sa colère monte. Elle a laissé entendre que la prise en charge de ses pairs se fait au rabais. Sur la cour du Karibe, pancarte en mains, à côté d’un petit groupe de protestataires, elle a adressé ses revendications : ” Comme PVVIH, nous sommes venues ici pour que les choses changent dans le système. Voilà un mot qu’ils aiment : système ! Ils le répètent pour la forme, mais qu’est-ce que ça va changer ? Voyez-vous, on est bloqué à la porte en ce jour qui nous est consacré. ”
Aussitôt sa colère évacuée à nos micros, Daphney tempère : ” Nos pancartes disent ce que nous avons sur le cœur. Mais elles expriment aussi nos remerciements à ceux qui nous ont fait du bien. Regardez, elles disent du bien à nos principaux partenaires nationaux et internationaux tels : ONUSIDA, Fonds mondial, PEPFAR, Institut GEORGETOWN, FOSREF, HOUSING WORKS qui nous supportent. Ce 1er décembre est notre jour. On doit se faire entendre.”
Appuyée par les membres de son association, la jeune femme attire l’attention de l’État sur la cause des PVVIH. Elle rappelle que dans son association, aussi bien au sein de tant d’autres, des PVVIH se comptent parmi les déplacés de l’insécurité qui sévit dans le pays
Pour la fondatrice du FONAPOVIH, l’insécurité aussi bien que le SIDA sont des problèmes d’intérêt public.
La présidente de l’Association des femmes haïtiennes infectées et affectées par le VIH/SIDA (AFHIAVIH), Malia Jean, une activiste des premières heures, n’avait pas sa langue dans sa poche. Elle a assisté dans l’enceinte du Karibe tous les discours des officiels. En marge de la cérémonie, ses propos ont claqué : ” Ce ne sont que des discours. Rien de tout ça n’a atterri jusqu’à présent. Ils se contentent de nous donner des ARVs et se souvenir de nous chaque 1er décembre. Si c’est ainsi qu’ils agissent il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs de 2030. ”
Le vieux routier de la lutte contre le SIDA, Saurel BEAUJOUR, fondateur de l’Association nationale des PVVIH (ASON), tel un sage qui a tellement vu et vécu, opine modérément : ” En termes de riposte contre le SIDA, nous autres de diverses associations de PVVIH, nous avons fait plusieurs tentatives à la recherche de résultats. Je me souviens qu’à Jacmel, en 2008, on avait remis un chèque au ministère des Affaires sociales dans l’objectif de doter notre lutte d’un fonds. Qu’est donc devenu ce fonds ? Aujourd’hui, je mets l’emphase sur les traitements. De plus, notre devoir est d’éviter que d’autres jeunes soient infectés. Alors, faisons preuve de solidarité pour vaincre cette maladie. Je suis un exemple vivant de cette solidarité. Si j’arrive à voir mes enfants grandir, c’est parce que j’avais trouvé des gens qui m’avaient supporté. En tant qu’activiste, nous porterons la lutte jusqu’à la victoire finale. ”
En cette journée dédiée aux communautés, le sida n’est pas le problème, pour le numéro un de l’ASON. Le vrai problème, c’est l’auto-discrimination, la stigmatisation et la discrimination qui font des ravages en tant que fléau à combattre sur tous les fronts.
Jobenson Andou
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