Francesca Beaujour dirige le camp des déplacés de Carrefour-Feuilles qui ont trouvé refuge au Lycée des Jeunes Filles. Depuis le 25 août dernier, elle est sur ses pied de garde avec plusieurs familles qui mènent un combat pour leur survie au quotidien.
Assise devant un bol de bouillon, Francesca Beaujour prend son petit déjeuner. Elle a vite reconnu Claude Bernard Sérant et moi, Joubert Joseph du Réseau haïtien des journalistes de la santé.
Nous l’avions déjà abordée sur les questions liées à l’hygiène dans les camps. On revient une nouvelle fois auprès d’elle après avoir fait le tour du camp du lycée des Jeunes Filles et recueilli les doléances des déplacés.
Y a-t-il un comité dans ce camp ?
Elle recouvre son bol de bouillon et se dresse pour être attentive à nos questions. On relance l’interrogation, ses yeux s’écarquillent. « Je suis Francesca Beaujour, la responsable de ce site. Je suis aussi la responsable de communication », se définit d’emblée la jeune femme, le buste droit, les mains posées à plat sur le pupitre d’un banc du lycée. Elle se lance d’un trait dans les informations essentielles. « Ce site a été ouvert le 25 août. En ce moment, il a 3380 personnes. Je vous ferai remarquer qu’il y a de temps en temps des gens qui s’en vont et d’autres qui viennent. Les chiffres montent et descendent », précise-t-elle.
Mais qu’est-ce qui a valu cette position de leader à cette jeune femme ?
« Avant le 25 août, je gérais un camp de déplacés internes dans La Salle du Royaume des Témoins de Jéhovah à l’Impasse Eddy. Les derniers événements m’ont obligé à laisser Carrefour-Feuilles pour me rendre au Lycée des Jeunes Filles avec quelques-uns de ces déplacés », raconte-t-elle tout en précisant que ce sont les premiers arrivés qui lui ont porté avec d’autres élus, Dossous et Féthière, à la tête d’un comité lié à une autre structure de base.
Cette mère de famille de quatre enfants qui vit dans ce camp avec son mari, fait partie des victimes de l’insécurité qui règne à Port-au-Prince. Sa maison à Saïeh a été incendiée par des hommes armés qui ont fait de certains quartiers vulnérables de la périphérie de Port-au-Prince, leur terrain de jeu. Cette couturière, commerçante et enseignante a ouvert ce camp de déplacés le 25 août avec une centaine d’habitants de Carrefour-Feuilles. Cette population a culminé pour atteindre à présent environ 3380 personnes. Elle fait partie des victimes de la violence armée de ce quartier.
Que se passe-t-il ici pour que les gens se plaignent autant aux micros du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) ? La question des toilettes est une obsession.
Madame Beaujour ne va pas par quatre chemins pour répondre : « Les toilettes du lycée n’ont pas été conçues pour accueillir cette population. À présent, les fosses sont pleines. La canalisation a pété. J’ai la vidéo, je peux vous la montrer. J’ai moi-même demandé aux gens de ne pas utiliser les toilettes. »
Nos yeux s’arrondissent d’étonnement.
Responsable de communication, elle corrige avec empressement. « Je sais que ce n’est pas bien. » Et alors ? « Comme nous avons la ravine, nous l’utilisons comme moyen de bord parce que depuis trois semaines le problème est là », se désole-t-elle tout en annonçant qu’elle est en train de multiplier des contacts avec des institutions afin de trouver une solution aux problèmes des toilettes.
En attendant que se passe-t-il ?
« Là où c’est pété, on l’a recouvert à l’aide d’une tôle et des pierres. Et on l’arrose de chlore. »
On revient à la question des quinze gourdes pour se soulager dans les WC ?
Elle déclare : « Nous avions formé un comité qui avait besoin d’équipements pour entretenir les toilettes. Alors nous avions exigé quinze gourdes par personne pour faire leur besoin. C’était un moyen pour collecter de l’argent. Pour acheter du papier toilette, des désinfectants, des serpillières. Et aussi pour engager quelqu’un afin de garder l’environnement des WC propre. Ça avait porté fruits. »
Les fruits n’ont pas tenu leur promesse. Haussant les épaules, elle résume en quelques mots une situation intenable dans des cabinets pas du tout près pour accueillir plus de trois mille fesses. « Les gens maltraitaient les toilettes. C’était devenu compliqué », dit-elle, dépitée.
Quel regard ce comité porte-t-il sur ce camp ?
« Nous portons une surveillance particulière sur les déplacés. Ils nous communiquent leurs besoins et nous étudions la possibilité de les satisfaire. Si quelqu’un tombe malade, nous faisons appel au Ministère de la Santé publique qui dispose d’une clinique mobile sur le site quotidiennement. Parfois, je ne dors pas. Il y a des femmes enceintes dans le camp. Quand elles sont sur le point d’accoucher, je suis sollicitée pour faire le suivi. »
Ce poste de responsabilité met cette femme en position pour rencontrer les représentants de plusieurs institutions qui font un va et vient régulier dans ce camp. Elle a tout un carnet d’adresses et cite : MSPP, Protection civile, UNICEF, Médecin du monde, Médecins sans frontières, PAM, IDEGEN. Fouillant encore dans sa mémoire, elle souligne, le RHJS, ce réseau de journalistes actifs sur les sujets liés à la santé.
Joubert Joseph
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