Le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) consacre son Grand dossier santé à la vaccination de routine. Vous trouverez six articles qui vous parlent du vaccin, cette préparation biologique que l’on nous administre pour protéger notre organisme contre l’agent infectieux d’une maladie particulière.
L’éditorial
L’information de Bien-Être déclinée en multimédia
Bien-Être. Jamais ce périodique du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) ne s’est bien porté. Seniors et juniors conjuguent leurs efforts pour donner corps à l’information à travers des articles de presse.
Dans la pratique du journalisme centré sur des thématiques, les jeunes du réseau venant de médias de divers horizons ont découvert que l’information sur la santé participe de la pédagogie. Autrement dit, de tout un art de transmettre le contenu informatif destiné à un public.
Avec l’encadrement du Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF) et du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), le Réseau de journalistes a plus de latitude pour travailler aujourd’hui en mode multimédia sur un même thème décliné en plusieurs sujets.
Venons à des faits. Ce numéro que vous parcourez numériquement est consacré à la vaccination de routine. Les six articles présentés sont les suivants :
- L’information de Bien-Être déclinée en multimédia ( Claude Bernard (Claude Bernard Sérant)
- La vaccination de routine, une arme de protection pour l’enfant d’Angéla (Louiny Fontal)
- Politique de vaccination de la DSO dans les camps de déplacés (Jobenson ANDOU)
- Célébration de la journée mondiale de la poliomyélite au centre hospitalier Eliazar Germain (Jobenson ANDOU)
- Richard Pierre, un père très impliqué dans la vaccination de routine de son enfant (Esperancia Jean Noël)
- Pour les séances de vaccination, les papas au-devant de la scène (Point de vue de Emmanuella Dera)
Tout un préparatif pour la mobilisation des équipes
Six articles ! On aurait pu récolter davantage si un journal ne disposait pas d’une économie, d’une gestion de l’info. Il faut boucler les infolettres qui relèvent d’une périodicité, d’une attente de notre public qui s’élargit dans le monde du courrier électronique.
Pendant que nos rédacteurs s’activent, dans les studios du Réseau autant que sur le terrain, on tourne les vidéos autour de la même thématique. C’est toute une préparation pour réaliser une capsule vidéo. Puisque nous parlons de vaccination de routine, nos vidéos mobilisent toute une équipe.
Au Réseau, c’est une culture. Le tournage commence dès que l’idée est lancée. Et ce n’est pas facile, au jour d’aujourd’hui, trouver les personnages qu’il faut pour traiter d’un sujet face aux caméras et aux projecteurs qui placent l’acteur en pleine lumière.
Pendant le temps de préproduction, l’espace du RHJS mobilisé autour du projet de l’UNICF – Grande sensibilisation de la population sur l’importance de la vaccination de routine et anti-covid 19 et sur le cholera, par la communication pour le changement de comportement – se familiarise avec ces mots comme rédaction de plan de tournage qui reviennent en boucle.
Louiny Fontal, l’officier du projet, ne vous laissera pas avancer d’un pouce si vous ne lui soumettez pas votre plan de travail avec un objectif bien décrit. Soucieux de détails, le réalisateur, après avoir mis sur sa table l’angle adopté, clairement précisé, il doit lui souligner toutes les informations générales : dates prévues pour le tournage, les lieux, l’équipe de production, l’équipement, le budget, etc.
Pour ce vieux routier du journalisme multimédia, patron de Globe TV 24, « Un plan de tournage bien organisé contribue à une production vidéo efficace et à la réalisation d’un projet de qualité. »
Pour la radio, les mêmes exigences sont de mises pour Fontal. Un exemple : pour le sujet « Bilan du cholera en Haïti, 13 ans plus tard, quelles leçons titrées ? ». La section audio du Réseau destinée aux médias traditionnels et en ligne avait désigné, pour invité principal, le directeur de l’Unité de Communication et des Relations publiques du MSPP, le Dr Exalus Jeanty Fils. Pour traiter une telle question, la voix d’une autorité en la matière était requise.
À l’émission Bien-Être, le thème à partir duquel découle plusieurs sujets ouvre des fenêtres sur une variété de genres afin de ne pas lasser les auditeurs : interview, réaction, converse, reportage, etc. À chaque respiration de l’émission, la présentatrice fait place à des spots et à des plages de musique pour la récréation.
L’écriture au RHJS – qu’il soit l’écrit papier, en ligne (dans le concept pure média), la vidéo et la radio – requiert à la base une écriture traversée par une pédagogie. Justement. L’information sur la santé a un effet immédiat sur la population. Aussi doit-elle être précise, claire, sans l’ombre d’un doute.
Et pourquoi ?
Parce qu’il s’agit, ici, d’une grande sensibilisation de la population sur l’importance de la vaccination de routine et anti-covid 19 et sur le cholera, par la communication pour le changement de comportement.
Claude Bernard Sérant
La vaccination de routine une arme de protection pour l’enfant d’Angéla
Jonathan, 2 mois, fait partie des 600 enfants environ de moins de 5 ans refugiés dans ce camp de fortune situé au local du Lycée du Cent cinquantenaire, à l’avenue Jean Paul II. Cet espace abrite, depuis août 2023, plus de trois mille personnes, soit 850 familles en provenance de Carrefour-Feuilles. Selon le bureau de la Protection civile, pas moins de 17 camps ont été ainsi créés dans la seule agglomération du Centre-ville de Port-au-Prince et ses zones avoisinantes.
Devant la barrière principale donnant accès à l’intérieur du camp, une montagne d’immondices dégage une odeur pestilentielle. Sur la cour, un embryon de marché se forme à quelques pas d’une marre d’eau où festoient des moustiques.
Dans ce camp où se découpent des baraques sous un ciel de plomb, le petit Jonathan, les yeux rieurs, s’agrippe aux bras d’Angéla, sa mère. Cette jeune femme de 19 ans, partage avec une trentaine d’autres déplacés, l’une des vingt-sept salles de classe rafistolées avec des morceaux de planches, de bâches et de toiles.
Angela, sous la menace des hommes armés, avait fui son logis, le 15 août dernier, alors que son petit bout de chou n’avait que quelques jours depuis son arrivé au monde. C’est dans un milieu où les gens sont entassés que se développe son être cher depuis deux mois. Malgré la dureté de la vie, elle se dresse pour faire front à l’existence. Sous aucun prétexte, elle ne rate pas une miette d’occasion pour amener son petit Jonathan se faire vacciner. «Mon petit reçoit régulièrement ses vaccins. Des infirmières viennent régulièrement administrer des doses de vaccins aux enfants de moins d’un an qui vivent dans ce camp. C’est notre seule satisfaction, ici », a déclaré, rassurée, la jeune mère.
Des professionnels de santé, une présence rassurante
Le personnel de santé, pour Angéla, représente un visage rassurant. Au quotidien, son enfant sur les bras, elle observe le tableau.
Miss Mikerlange Delmas, infirmière communautaire, travaille pour la direction sanitaire de l’Ouest. Depuis début septembre, elle fait partie d’une équipe composée d’un vigile, d’un agent de service d’hygiène, de deux infirmières et d’un médecin qui monte la garde dans ce camp de fortune. Leur travail consiste à prendre régulièrement le pouls de la situation sanitaire des déplacés. Une attention particulière est accordée aux enfants, surtout à ceux qui sont nés dans le camp ou qui ont moins d’un an. «Je ne travaille pas dans l’équipe de la vaccination. Mais, comme tu peux le constater, la Direction sanitaire de l’Ouest et ses partenaires accordent une attention soutenue à la santé des enfants dans ce camp. Ce moyen est en fait, l’une des stratégies préventives les plus adaptées pour éviter la propagation des formes graves de maladies évitables par la vaccination», souligne l’infirmière. Elle cite entre autres, la diphtérie, la coqueluche, la poliomyélite et la tuberculose. « Dernièrement, nous avions recensé un cas de tuberculose chez un enfant dans le camp. L’enfant a été déjà diagnostiqué positif, bien avant son arrivée ici. Tu comprendras que sans le vaccin BCG, la situation pourrait dégénérer avec une prolifération rapide du bacille de Koch dans le camp», signale la spécialiste en santé communautaire.
Angela, quant à elle, affiche une certaine inquiétude pour la santé de son enfant. Eu égard à la situation de promiscuité qui règne dans cet espace, elle dit : « Je ne suis pas à mon aise. Je ne me sens pas bien ici avec mon bébé. Depuis le mois de septembre, on a connu beaucoup d’averses. Quand il pleut, je reste debout et recouvre le bébé de mon corps comme un parapluie. »
En attendant de pouvoir regagner sa demeure, Angela implore le soutien des autorités sanitaires et tous les saints pour l’arracher de ce camp où elle se sent mal placée.
Louiny Fontal
Politique de vaccination de la DSO dans les camps de déplacés
« Dans les camps, les gens ne s’intéressent pas vraiment à la vaccination. À cause de cela, il faut de longs discours pour expliquer aux déplacés les bienfaits des vaccins sur les enfants », a déclaré miss Marie Ysmaïsson Jean, une assistante technique au programme élargi de la vaccination. Cette infirmière attachée à la Direction Sanitaire de l’Ouest (DSO), le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) l’a cherchée, autant que ses consœurs, durant ses visites de terrain. C’est à son bureau, à la DSO, avenue Jean-Paul II, que nous avons recueilli des informations sur les activités de cette entité du ministère de la Santé publique et de la Population dans les camps de déplacés.
Stratégie de vaccination de la DSO dans les camps
Qu’est-ce qui intéresse vraiment ces familles depuis que l’insécurité les a chassés de leur foyer ? Sans réfléchir, elle répartit : « Ce qui les intéresse vraiment, c’est le volet nutritionnel. Les vaccinateurs ne sont pas bienvenue contrairement au programme nutritionnel. Voilà pourquoi on demande des activités intégrées. »
En 2023, rappelle-t-elle, 95% d’enfants avaient reçu le pentavalent, vaccin qui les protège contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, etc. Un exploit dans le département de l’Ouest, se vante-t-elle. Toutefois, regrette-t-elle, « avec la montée de l’insécurité beaucoup d’institutions ont dû fermer leur porte. Résultat : cette couverture vaccinale obtenue en juillet tend à la baisse. »
La DSO, entité du MSPP inscrite dans la politique vaccinale, prône le vaccin comme l’un des meilleurs moyens de protection du système immunitaire de l’enfant contre toute une panoplie de maladies. Dans cette perspective, assure miss Jean, « la Direction sanitaire de l’Ouest élabore une planification au niveau de la vaccination dans les camps en raison du nombre de déplacés. »
Dans le climat rafraîchissant de son bureau à la DSO, elle se prête bien au jeu de questions et de réponses du RHJS. On notera au passage que le réseau de journalistes, appuyé par l’UNICEF, œuvre dans la grande sensibilisation de la population sur l’importance de la vaccination de routine par la communication pour le changement de comportement.
Dans ces conditions de détresse, la vaccination ne passera-t-elle pas à l’arrière-plan pour les familles ? Quel constat ?
Prenant sa respiration, derrière son ordinateur, elle avance les faits : « Nous avons constaté qu’il y a des femmes enceintes. Des bébés naissent dans les camps. On retrouve des enfants dans l’intervalle de zéro à onze mois. »
Ce sont des faits. Que va-t-il se passer ?
« On va tous les vacciner. Dans le dernier bilan dressé, nous avons réalisé qu’il y a beaucoup d’enfants qui n’ont jamais reçu une seule dose de vaccin. On les classe dans la rubrique zéro dose. Pour ceux qui n’ont pas encore reçu le vaccin pentavalent, nous avons déjà planifié leur vaccination. Des activités sont déjà prévues pour une période de cinq jours. Les camps sont aussi visés dans le cadre de cette politique de vaccination de routine. »
Déterminée, elle profite du micro que lui tend le RHJS : « Il y a beaucoup d’enfants qui recevront des doses de rattrapage. Pour cela, nous visons les camps. Nous sommes informés que la commune de Port-au-Prince a 25 camps. Des activités spéciales sont en préparation pour aller sur le terrain. C’est prévu pour bientôt. »
Encore une fois, les enfants des camps seront-ils tous vaccinés ?
Miss Jean rebondit : « Que vous soyez à l’intérieur des camps ou à l’extérieur, vous serez vaccinés. Avec ou sans carte vaccinale, les enfants seront reçus. Ceux qui n’ont jamais été vaccinés recevront leur dose selon leur âge et le vaccin qui leur revient. »
Jobenson ANDOU,
DSO-MSPP / Vaccination
Célébration de la journée mondiale de la poliomyélite au centre hospitalier Eliazar Germain
Ce lundi 23 octobre 2023 marque la journée mondiale de la poliomyélite, une date inscrite dans le calendrier des acteurs de santé mondiale depuis 1988. La Direction sanitaire de l’Ouest (DSO), un bras exécutif du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) a profité de cette journée pour avancer dans sa mission qui consiste à assurer la santé dans le département de l’Ouest.
Le centre hospitalier Eliazar Germain, Pétion-Ville, à l’occasion de la journée mondiale de la poliomyélite, a reçu plus de monde que d’habitude. Les parents (pères et mères), étaient accompagnés de leurs enfants. L’assistante technique de la vaccination à la DSO, miss Marie Ysmaïsson Jean accompagnée de son équipe, s’est donnée un plaisir de les accueillir à cette célébration.
Le Réseau Haïtien des Journalistes de la Santé, après avoir rencontré miss Jean, la semaine dernière à son bureau à la DSO, l’a tendu son micro. « Aujourd’hui est la journée mondiale de la poliomyélite, à cette occasion, nous faisons un point sur cette maladie qui touche principalement les enfants de moins de 5 ans. Cette maladie, très contagieuse, est provoquée par un virus qui envahit le système nerveux et peut entraîner une paralysie totale en quelques heures ». Elle a informé par ailleurs que la poliomyélite est une maladie handicapante.
Assise derrière un bureau où elle reçoit les petits bouts de chou, l’assistante technique de la vaccination à la DSO a rappelé qu’un enfant qui contracte cette pathologie peut perdre sa mobilité en très peu de temps. Dans la même veine, elle a rassuré que le MSPP, dans son calendrier vaccinal, a deux vaccins contre la poliomyélite : le vaccin polio-oral et le vaccin polio-injectable. En bonne infirmière, elle a indiqué le dosage aux parents : « Un enfant reçoit sa dose de polio-injectable à partir de six semaines après la naissance. Quatre semaines après, sa première dose de polio oral. Et quatre autres semaines plus tard, une deuxième. Quand l’enfant aura neuf mois, il est prêt pour sa troisième dose. »
Un grand nombre d’enfants pour la vaccination
À la journée mondiale de la poliomyélite, les tonalités de voix couvrent la voix de miss Ysmaïsson. C’est un choral de bébés qui pleurent, babillent et sourient. Ce sont des parents qui devisent entre eux tout en berçant leurs nourrissons. Miss Montfort déploie de grands efforts pour crier les noms inscrits sur sa liste d’appel. On attend sur des fauteuils, d’autres, debout, patientent dans une file d’attente.
Micro tendu à miss Ysmaïsson, le RHJS persiste et signe : Qu’en est-il sur la question de la vaccination dans les camps des déplacés ?
Sans ambages, elle répond : « La DSO ne ferme pas les yeux sur les déplacés dans les camps. Le rattrapage que nous avons prévu n’arrête pas sa course. Nous savons bien que bon nombre de personnes ne peuvent se déplacer pour faire vacciner leurs enfants. » Elle a signalé que l’hôpital Saint Damien couvre un camp de déplacés à Carradeux où tous les enfants reçoivent leur dose de vaccin selon leur âge. Par ailleurs, elle a informé qu’une autre équipe s’occupe des camps à Port-au-Prince.
Cette activité de la Direction sanitaire de l’Ouest, une initiative du MSPP, appuyée par OPS/OMS, au centre hospitalier Eliazar Germain, a permis à un grand nombre d’enfants de recevoir leur dose vaccinale. En cette journée de célébration, toute une panoplie de vaccins a été administrée. Certains ont également reçu leur dose de rappel.
Jobenson ANDOU,
Richard Pierre, un père très impliqué dans la vaccination de routine de son enfant
Ce lundi, la salle du service communautaire de vaccination de l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) est remplie. Sur une trentaine de parents, vingt-cinq parmi eux sont des hommes.
Des hommes défilent, prennent place dans les fauteuils rangés dans la grande salle de l’Hôpital général, à l’avenue Mgr Guilloux. Tous accompagnés de leurs enfants, ils donnent l’image d’une révolution en marche. Que se passe-t-il pour qu’autant de pères soient impliqués dans la vaccination de routine ?
On aborde un parent. Richard Pierre, père de Maria, une fillette âgée de dix mois environ. L’homme est assis à la deuxième rangée, carte de vaccination bien en main, il patiente dans la grande salle.
Vaccination, l’heure des braves
Que se passe-t-il pour qu’il y ait autant d’hommes ici ? Il a une explication à notre interrogation : « Avant, on se rendait à Delmas 2 pour la prise des doses. Mais à cause de l’insécurité qui règne dans cette zone, ma femme ne veut plus s’y rendre. Elle a peur. »
Les hommes se sentant plus braves se risquent dans les rues. « Je connais les bienfaits des vaccins. C’est pourquoi je prends tout ce risque. Pour rien au monde, je ne veux négliger cette étape très importante dans la vie de ma fille », dit-il avec assurance. Et d’ajouter : « La vaccination n’est pas une affaire de maman ou de papa, c’est un devoir parental. Pour le bien être de l’enfant, on doit répondre à ses responsabilités. »
Vivant dans la commune de Delmas avec sa famille, le père de Maria, comme beaucoup de riverains ne pratiquent plus la même adresse où ils avaient des rendez-vous de vaccination. La question de l’insécurité revient dans son quotidien. Il raconte : « Je travaillais dans un supermarché dans la commune de Martissant. J’occupais le poste de messager. À cause de la rivalité des groupes armés de cette localité, le propriétaire a dû fermer ses portes. Pour continuer à faire vivre sa famille, mon ex-patron est devenu superviseur dans une entreprise versé dans l’achat des carcasses de voitures et d’autres articles en fer. »
Comme son patron, Richard regarde la vie bien en face pour arriver à survire. Marié depuis 2021, les responsabilités de cet homme se sont multipliés. Sa femme qui a étudié la comptabilité, n’a toujours pas un emploi. Lui, le chef de famille, essaie de joindre les deux bouts en faisant le taxi-moto. Mais cela ne l’empêche pas de se plier à ses obligations. « Depuis les premiers mois, je conduis ma femme à la clinique pour la vaccination de Maria », dit-il, un brin de fierté dans le regard.
À l’HUEH, Pierre Richard berce sa fille pendant que d’autres enfants pleurent. C’est au milieu de ces cris qui reviennent à intervalles réguliers que miss Rose Yvonne Cyprien, une infirmière entre dans la salle. Tous les regards sont braqués vers elle. Avant de commencer à administrer des vaccins, elle entame une séance de sensibilisation sur l’importance de ce geste efficace qui renforce le système immunitaire.
Après sa séance, place à la vaccination. L’infirmière enfile ses gants, ouvre une boîte grise ayant la forme d’un thermos, sort un flacon en verre. Aujourd’hui, la fille de Pierre Richard va recevoir son vaccin comme les autres enfants à l’hôpital général.
Miss Cyprien profite du micro du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) pour saluer Pierre Richard, un père modèle à suivre. « Le nombre de pères présents lors de nos séances commence à augmenter. C’est bon signe. Certains sont très réguliers, comme ce monsieur », dit-elle en pointant du doigt Pierre Richard.
Miss Cyprien souhaite que dans les autres départements géographiques d’Haïti, les pères accompagnent leurs enfants dans des centres de vaccination pour qu’à deux, les couples supportent leurs enfants pour le bien-être de la famille.
Quand la société aura vaincu l’insécurité, les pères seront-ils aussi nombreux à accompagner leurs enfants ?
Esperancia Jean Noel
Le point de vue d’Emmanuella Dera
Pour les séances de vaccination, les papas au-devant de la scène !
Dans la grande salle de vaccination de l’hôpital universitaire d’État d’Haïti, des hommes défilent et prennent place au premier rang. Sur une trentaine de parents présents, vingt-cinq sont des hommes. Dans notre société, on a souvent enfermé le père dans l’image de l’autorité ou le symbole de la protection et négligé son implication dans la vie quotidienne de l’enfant. Cela dit, voir autant de pères s’impliquer dans la vaccination incite à se demander si on ne serait pas à l’aube d’une révolution…
L’image d’un groupe de pères au milieu des cris et des pleurs d’enfant, nous porte à croire en une éventuelle évolution du rôle d’un père dans une famille.
Nombreux parmi ces pères commencent à comprendre que l’implication dans la prise en charge médicale d’un enfant n’est pas une affaire de maman ou de papa, mais un devoir parental. Pour le bien-être de l’enfant, on doit répondre à ses responsabilités.
Toutefois, derrière ce tableau combien révolutionnaire, de potentielles raisons portent à nous questionner sur la perpétuation de cette belle initiative. En effet à cause de l’insécurité grandissante, certaines zones sont devenues impraticables. La plupart des mères se trouvent dans l’impossibilité de se rendre dans les centres hospitaliers qui s’y trouvent, soit par peur de se faire agresser ou de mettre leur vie ainsi que celle de leurs enfants en danger.
Le père dans son rôle de protecteur se veut garant de la sécurité de sa famille. Il lui incombe alors de prendre en charge certaines activités qui autrefois étaient attribuées à la mère, notamment celle qui consiste à se rendre dans les centres hospitaliers pour les séances de vaccination.
Tout bien considéré, l’implication des pères dans les séances de vaccination des enfants est néanmoins extraordinaire, nonobstant les raisons qui y sont liées. La vaccination est un pilier dans le renforcement du système immunitaire, notamment chez l’enfant. Elle a une place importante dans son bien-être.
Accompagner son enfant lors des séances de vaccination, c’est tout simplement répondre à un devoir parental. De ce fait, cette démarche n’implique pas uniquement les mamans. Sont invités à prendre part à cette initiative, tous les pères des autres départements géographiques d’Haïti. Par ce geste d’implication, une pierre sera apportée à l’historique de l’évolution du rôle des pères dans la vie des enfants.
Emmanuella Dera
Étudiante en médecine
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