Le Réseau haïtien de journalistes de la santé (RHJS) reprend sa rubrique : Dossier santé, une marque du RHJS qui fait son originalité dans le paysage des médias en Haïti. Dossier est un outil qui permet au lecteur d’avoir plusieurs angles sur un même sujet. Aujouurd’hui dans notre rubrique consacrée à la riposte contre le vih/sida, vous trouverez cinq articles. Les voici par ordre d’apparition : VIH/sida : «Confier le leadership aux communautés», signé Gladimy Ibraïme, Contribution des journalistes dans la riposte au VIH en Haïti, (Article de la rédaction), VIH: la PTME sauve des vies à l’hôpital des enfants de Saint Damien (Jeff I.), Le rôle des communautés dans la lutte contre le VIH (Daphné Décéjour); in fine, OCSEVIH : tout un engagement dans la surveillance de la qualité des services offerts aux PVVIH en Haïti (La rédaction).
L’éditorial
VIH/sida : “Confier le leadership aux communautés”
L’efficacité mondiale de lutte contre le parle à ces franges de la population. invitons tous les de la lutte sida fait écho à une Qui chercherait encore à justifier acteurs impliqués contre le attente. L’efficacité de ‘éducation ou la dans la riposte à VIH/sida passe par l’implication de tous les secteurs, notamment celle des communautés. C’est une évidence maintenant. D’ailleurs, cette année, au plus haut niveau, cette évidence a été mise en relief. Dans cette vision, ” Confier le leadership aux communautés “, thème retenu pour la j o u r née
Une lutte appropriée par les communautés a plus d’un atout pour porter fruit. En effet, elle peut se réjouir de disposer d’un allié qui a l’attention de la grande majorité de la population.
Quoi de mieux qu’une o r g a n i s a t i o n communautaire ou identitaire pour une bonne pénétration des populations-clés ? Elle a le code d’accès et surtout le langage qui sensibilisation par les pairs ? Si l’on est d’accord que cette stratégie a déjà fait ses preuves, il va s’en dire que l’on approuve la logique du thème de la journée mondiale du sida de l’année 2023.
Par l’entremise de la publication de ce numéro spécial de son infolettre ” Bien-être “, le RHJS acquiesce volontiers à cette proposition. C’est d’ailleurs pourquoi nous consacrons la quasi-totalité des articles de ce numéro voué à mettre en avant la contribution des communautés, ici en Haïti, dans la riposte au VIH.
Dans cette même veine, nous l’échelle du pays, à faire en sorte que cela ne soit pas qu’un simple slogan. Qu’il s’agisse de l’Etat, des bailleurs de fonds ou autres, il faut absolument agir pour permettre aux communautés de jouer pleinement leur rôle. Et bien sûr la première étape sera leur mise en capacité…
Gladimy Ibraïme
Contribution des journalistes dans la riposte au VIH en Haïti
Malgré les contraintes structurelles qui persistent en Haïti, telles que les défis liés à l’accessibilité aux données et aux problèmes de financement des médias, les journalistes demeurent des acteurs essentiels dans la lutte contre le VIH/Sida. Des figures engagées en première ligne dans cette bataille témoignent des difficultés rencontrées.
À ma connaissance, aucune étude n’a été réalisée en vue de d é t e r m i n e r l a perception des journalistes haïtiens par rapport à leur rôle dans la sensibilisation et l’éducation sur le VIH “, explique Gladimy Ibraïme, secrétaire général du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS).
Cependant, pour Ibraïme, l’importance des professionnels de l’information haïtiens pèse lourd dans la lutte contre le VIH. Depuis les années 80, ces derniers ont toujours été un maillon important dans la chaîne de diffusion d’informations, la sensibilisation de la population et le plaidoyer pour des services et soins respectueux des droits humains.
Fondé en 2013, le RHJS participe résolument dans la lutte contre le VIH en Haïti. Fort d’un réseau regroupant plus de 50 médias partenaires à travers le pays, le RHJS élabore et diffuse divers contenus journalistiques tels que des spots, des capsules vidéo, des articles de presse et des émissions. De plus, il organise des sessions de formation au bénéfice des journalistes et des influenceurs, parmi d’autres initiatives.
“Le combat des journalistes haïtiens contre le VIH/Sida commence dès l’introduction decettemaladieenHaïtidans les années 80”, explique Louiny Fontal, représentant du secteur média au Comité de Coordination multisectoriel du Fonds Mondial en Haïti (CCM-Haïti).
A cette époque, le contexte était très tendu. C’était le moment où des gens infectés par le VIH atteignaient la p h a s e fi n a l e d e l a contamination : le sida. Dans un état grabataire, ils mourraient faute de prises en charge disponibles.
C’était aussi le moment où la nationalité haïtienne était présentée comme un des facteurs de risque de cette maladie selon une classification de l’agence fédérale américaine Center For Disease Control, au début des années 80.
“Le travail des journalistes haïtiens, à ce moment-là, paraissait difficile. Notamment à cause de l’ampleur de la stigmatisation associée à cette maladie et le peu d’informations qui existaient encore”, poursuit-il.
En 1995, le succès du film ” Pouki se mwen ” de l’acteur haïtien Réginald Lubin, va ouvrir de nouvelles perspectives à la lutte des journalistes contre la montée du SIDA en Haïti.
Quelques années après, soit en 1999, l’initiative d’un réseau de journalistes pour produire des contenus sur la maladie va être à l’origine du Centre de communication sur le Sida (CECOSIDA, qui a cessé de fonctionner en 2013). La création de cette structure marquera un tournant important dans l’implication des professionnels de l’information contre le Sida.
Ainsi, au moyen de reportages, d’émissions radiophoniques, d’articles de presse et de documentaires, les journalistes affiliés au CECOSIDA joueront un rôle crucial dans l’obtention d’informations essentielles tout en contribuant à sensibiliser le public. Leur engagement, à travers ces divers formats médiatiques, amplifiera la portée des messages liés à la lutte c o n t re l e V I H . L’implication de ces journalistes, leur fougue, leur verve, leur jeunesse va contribuer à ouvrir les pages des quotidiens et revues du pays. Les stations de radio et de télévision en feront de même. Dans cette frénésie à l’information, les travailleurs de la presse passeront comme des piliers indispensables pour l’éducation et la sensibilisation des communautés, à un moment où les réseaux sociaux n’étaient pas encore dans le vent.
Si certains se portent volontiers à cette lutte, il faut signaler qu’ils font toutefois face à des difficultés structurelles et conjoncturelles énormes.
Des obstacles…
Pour Ibraïme, les problèmes d’accès aux données, le problème de financement des médias ainsi que le manque d’espace médiatiquedestinéaux problématiques de la santé, notamment le VIH, constituent autant d’obstacles rencontrés par les journalistes.
” Au niveau du RHJS, avec nos partenaires, nous mettons en œuvre des sessions de formation visant à outiller les journalistes pour qu’ils puissent être en mesure de produire des contenus journalistiques de bonne facture “, poursuit-il.
Sur le terrain, des organisations internationales comme l’Institut Panos œuvre, depuis 1989 aux côtés des médias dans cette lutte.
A travers des campagnes de sensibilisation comme Endetektab = Entransmisib (E=E), lancée en 2021 visant à encourager à la prise régulière des médicaments antirétroviraux et des séminaires intensifs au bénéfice de professionnels de la presse, l’Institut Panos se trouve être un acteur clé dans la lutte contre le ViH/Sida.
“De15%dans les années 90, le taux de prévalence du Sida au niveau national est passé à moins de 2 % aujourd’hui. Les journalistes ont donc beaucoup contribué au changement de perception et de mentalités”, explique Louiny Fontal. Cependant, pour lui, le défi reste de taille. Car, le taux de prévalence chez certaines minorités comme les travailleuses du sexe (8,6 %) resté encore relativement élevé.
“Il faut continuer à former des journalistes afin qu’ils soient plus nombreux à être conscients de leur rôle dans la lutte contre le VIH/SIDA en Haïti. Pour que d’ici 2030, nous puissions parvenir au stade de zéro nouvelles infections”, conclut-il.
VIH: la PTME sauve des vies à l’hôpital des enfants de Saint Damien
Dans l’idée qu’une génération sans VIH puisse voir le jour en Haïti, un programme de santé publique est implémenté à l’Hôpital des enfants de Saint Damien depuis 2011. Ledit programme vise la prise en charge de plus de 4 000 enfants par an, explique Dr Jenny Edouard, directrice du département VIH de l’hôpital Saint Damien. L’idée est de mettre les bouchées doubles sur l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (EMTCT), explique-t- elle.
Être humain en développement dans le ventre de sa mère
” Nous avons fait de grands progrès dans l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, se réjouit Dr Edouard. Nos programmes de PTME se sont avérés puissants, pratiques et efficaces pour réduire la transmission du VIH en Haïti “, estime-t-elle. Mieux encore, estime cette professionnelle de santé, la mortalité infantile a diminué et lorsque les mères participent au programme, leurs enfants ont la chance de vivre sans être infectés par le VIH. ” Nous espérons voir bientôt une nouvelle génération sans VIH ici”, considère-t-elle.
Ayant déjà pris en charge plusieurs centaines de femmes séropositives depuis le lancement du programme, Dr Edouard fait éloge de son approche globale. Celle-ci intègre le dépistage et le conseil en matière du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les services de nutrition et le soutien aux femmes victimes de violences domestiques.
Le taux de mortalité global des enfants nés de mères séropositives a considérablement diminué grâce à ce programme, soutient Dr Edouard. En plus d’un suivi médical, les femmes trouvent un soutien dans une nouvelle communauté, sans crainte d’être stigmatisées, se félicite-t-elle. ” Elles peuvent parler ouvertement entre elles de leurs craintes et de leurs préoccupations, poursuit-elle. Beaucoup d’entre elles deviennent amies et sensibilisent d’autres femmes enceintes séropositives aux risques encourus par leurs enfants et à la manière dont le programme de prévention de la transmission mère-enfant peut les aider “, conclut cette cadre.
Ainsi le programme de PTME sauve des vies, peut-on en déduire, avant même de comprendre que la génération sans VIH passera par le renforcement des services de PTME.
Jeff I.
Le rôle des communautés dans la lutte contre le VIH
« Il est possible de mettre fin au sida comme menace de santé publique en confiant le leadership aux communautés », conclut le rapport pour la journée mondiale de lutte contre le sida 2023, produit par l’ONUSIDA. Ce rapport souligne que les communautés fournissent des services essentiels en matière de VIH, de droits et de santé sexuelle et de la reproduction. Leurs prestations sont accessibles, adaptées aux besoins des personnes et capables d’atteindre les personnes les plus marginalisées.
Le directeur exécutif de la Fondation pour la Santé Reproductrice et l’Education Familiale (FOSREF), Dr Fritz Moise, a repris exactement les mêmes propos pour parler des communautés œuvrant sur le sol haïtien. « Les associations de PVVIH se dévouent corps et âmes, défient toutes les difficultés, l’insécurité, entre autres, pour apporter des services au niveau des communautés, même celles qu’on croirait vidées de leurs habitants. Elles s’assurent que les personnes infectées restent dans le soin et sont accompagnées. Sans leur implication, nous n’aurions pas pu tenir dans cette situation de crise prolongée », reconnait-il.
Quelle est l’approche du Dr Moíse sur le virus de l’immunodéficience humaine ? « Le VIH n’est pas une question de santé publique, mais plutôt une question multisectorielle. Avec des volets sociaux, culturels, économiques. Il est important de comprendre qu’aujourd’hui la maladie est plus sociale que sanitaire. »
Tous les protagonistes s’accordent sur le fait que les communautés jouent un rôle de premier ordre dans la riposte au VIH. Pour la représentante de la Fédération haïtienne des associations de personnes vivant avec le VIH, Marie Malia Jean : « L’implication des communautés dans la riposte au VIH est salutaire pour tous les aspects de la riposte au VIH. » Cette militante des premières heures assure que les communautés sont dotées de capacité à s’engager en faveur de changements politiques nécessaires, qu’aucun autre acteur ne dispose. Dans cet élan communautaire, elles s’engagent à servir d’organe de surveillance afin d’assurer la redevabilité des différents acteurs.
Et les autres acteurs, comment se manifestent leurs engagements ?
Depuis plusieurs années, le ministère de la Santé publique et de la Population, le gouvernement des États-Unis par le biais du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) et autres partenaires ont mis en place la surveillance menée par la communauté. C’est un mécanisme de responsabilisation destiné à améliorer l’accès des personnes aux services anti-VIH et la qualité des soins qu’elles reçoivent. Le processus est mené et mis en œuvre par les communautés de personnes vivant avec le VIH, les populations clés et d’autres groupes vulnérables, selon L’ONUSIDA.
Une telle initiative fait écho au besoin de renforcer le leadership des communautés. Ce n’est pas Dr Moïse qui dira le contraire. Selon lui, « par rapport au degré d’implication des communautés et leur niveau de leadership, la lutte contre le VIH est pratiquement dans sa phase de maturité. La chose à faire c’est continuer de renforcer le leadership des communautés…pour réduire le nombre de morts liés au SIDA ».
Pour le directeur pays de l’ONUSIDA pour Haïti, Dr Christian Mouala : « Ici, les personnes et le système de santé sont résilients et savent s’adapter. » Et de poursuivre : « À l’heure actuelle, l’importance du leadership communautaire doit se renforcer dans le développement et la mise en œuvre de stratégies afin de s’assurer que les personnes bénéficient de meilleurs services anti-VIH, de santé et d’assistance sociale. »
A noter que « Confier le leadership aux communautés », a été justement le thème de la journée mondiale de lutte contre le SIDA de l’année 2023.
Daphné Décéjour
OCSEVIH : tout un engagement dans la surveillance de la qualité des services offerts aux PVVIH en Haïti
Appuyé par le PEPFAR, le F o n d s Mondial et l’ONUSIDA, l’Observatoire Communautaire sur les Services VIH en Haïti (OCSEVIH),créé le10 décembre 2020, est un projet qui préconise l’implication des communautés dans la surveillance des services offerts aux P V V I H e t a u x populations clés. Cette structure s’inscrit dans une approche basée sur le Community Led Monitoring (CLM), en anglais ou la Surveillance dirigée par la communauté (SDC), en français.
Se référant aux nombreux problèmes liés à la lutte contre le VIH et à la qualité de services offerts aux PVVIH, l’OCSEVIH a pour objectif de fournir aux communautés la possibilité d’évaluer la qualité des services liés au VIH au niveau des établissements.
Corollaire du fait qu’Haïti reste encore beaucoup de freins à adresser dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA, l’OCSEVIH se dote, à travers la SDC, d’une stratégie susceptible d’améliorer la riposte au VIH/SIDA. En ce sens, la coordonnatrice générale de l’OCSEVIH, Mme Sœurette Policard, a souligné : ” L’un des principes clés de la CLM est la transparence qui réside dans la poursuite des objectifs que les données collectées doivent être visibles, utilisées t comprises par l’ensemble de la communauté.
Tout ceci permettra de procéder à l’identification des problèmes prioritaires, le développement et l’exploration de solutions possibles ainsi que la description de ce que les partenaires (PEPFAR, ONUSIDA, Fonds mondial) doivent faire pour parvenir à ces solutions “. Pourassurerunsuiviplusefficaceetpour attirer l’attention des responsables sur les problèmes et les inciter à prendre des mesures, les données collectées par l’OCSEVIH sont mises en ligne quotidiennement sur le site https://www.observatoirevih-haiti.org, indique-t-elle.
A en croire Mme Policar, l’OCSEVIH peut s’enorgueillir d’être à l’origine de bon nombre de changements dans le secteur de la santé, notamment la disponibilité de plus de médicaments dans les sites, la mise en place d’un service centré sur le patient, la réparation de toilettes, pour ne citer que ceux-là.
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