Malgré les contraintes structurelles qui persistent en Haïti, telles que les défis liés à l’accessibilité aux données et aux problèmes de financement des médias, les journalistes demeurent des acteurs essentiels dans la lutte contre le VIH/Sida. Des figures engagées en première ligne dans cette bataille témoignent des difficultés rencontrées.
À ma connaissance, aucune étude n’a été réalisée en vue de d é t e r m i n e r l a perception des journalistes haïtiens par rapport à leur rôle dans la sensibilisation et l’éducation sur le VIH “, explique Gladimy Ibraïme, secrétaire général du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS).
Cependant, pour Ibraïme, l’importance des professionnels de l’information haïtiens pèse lourd dans la lutte contre le VIH. Depuis les années 80, ces derniers ont toujours été un maillon important dans la chaîne de diffusion d’informations, la sensibilisation de la population et le plaidoyer pour des services et soins respectueux des droits humains.
Fondé en 2013, le RHJS participe résolument dans la lutte contre le VIH en Haïti. Fort d’un réseau regroupant plus de 50 médias partenaires à travers le pays, le RHJS élabore et diffuse divers contenus journalistiques tels que des spots, des capsules vidéo, des articles de presse et des émissions. De plus, il organise des sessions de formation au bénéfice des journalistes et des influenceurs, parmi d’autres initiatives.
“Le combat des journalistes haïtiens contre le VIH/Sida commence dès l’introduction decettemaladieenHaïtidans les années 80”, explique Louiny Fontal, représentant du secteur média au Comité de Coordination multisectoriel du Fonds Mondial en Haïti (CCM-Haïti).
A cette époque, le contexte était très tendu. C’était le moment où des gens infectés par le VIH atteignaient la p h a s e fi n a l e d e l a contamination : le sida. Dans un état grabataire, ils mourraient faute de prises en charge disponibles.
C’était aussi le moment où la nationalité haïtienne était présentée comme un des facteurs de risque de cette maladie selon une classification de l’agence fédérale américaine Center For Disease Control, au début des années 80.
“Le travail des journalistes haïtiens, à ce moment-là, paraissait difficile. Notamment à cause de l’ampleur de la stigmatisation associée à cette maladie et le peu d’informations qui existaient encore”, poursuit-il.
En 1995, le succès du film ” Pouki se mwen ” de l’acteur haïtien Réginald Lubin, va ouvrir de nouvelles perspectives à la lutte des journalistes contre la montée du SIDA en Haïti.
Quelques années après, soit en 1999, l’initiative d’un réseau de journalistes pour produire des contenus sur la maladie va être à l’origine du Centre de communication sur le Sida (CECOSIDA, qui a cessé de fonctionner en 2013). La création de cette structure marquera un tournant important dans l’implication des professionnels de l’information contre le Sida.
Ainsi, au moyen de reportages, d’émissions radiophoniques, d’articles de presse et de documentaires, les journalistes affiliés au CECOSIDA joueront un rôle crucial dans l’obtention d’informations essentielles tout en contribuant à sensibiliser le public. Leur engagement, à travers ces divers formats médiatiques, amplifiera la portée des messages liés à la lutte c o n t re l e V I H . L’implication de ces journalistes, leur fougue, leur verve, leur jeunesse va contribuer à ouvrir les pages des quotidiens et revues du pays. Les stations de radio et de télévision en feront de même. Dans cette frénésie à l’information, les travailleurs de la presse passeront comme des piliers indispensables pour l’éducation et la sensibilisation des communautés, à un moment où les réseaux sociaux n’étaient pas encore dans le vent.
Si certains se portent volontiers à cette lutte, il faut signaler qu’ils font toutefois face à des difficultés structurelles et conjoncturelles énormes.
Des obstacles…
Pour Ibraïme, les problèmes d’accès aux données, le problème de financement des médias ainsi que le manque d’espace médiatiquedestinéaux problématiques de la santé, notamment le VIH, constituent autant d’obstacles rencontrés par les journalistes.
” Au niveau du RHJS, avec nos partenaires, nous mettons en œuvre des sessions de formation visant à outiller les journalistes pour qu’ils puissent être en mesure de produire des contenus journalistiques de bonne facture “, poursuit-il.
Sur le terrain, des organisations internationales comme l’Institut Panos œuvre, depuis 1989 aux côtés des médias dans cette lutte.
A travers des campagnes de sensibilisation comme Endetektab = Entransmisib (E=E), lancée en 2021 visant à encourager à la prise régulière des médicaments antirétroviraux et des séminaires intensifs au bénéfice de professionnels de la presse, l’Institut Panos se trouve être un acteur clé dans la lutte contre le ViH/Sida.
“De15%danslesannées90,letauxde prévalence du Sida au niveau national est passé à moins de 2 % aujourd’hui. Les journalistes ont donc beaucoup contribué au changement de perception et de mentalités”, explique Louiny Fontal. Cependant, pour lui, le défi reste de taille. Car, le taux de prévalence chez certaines minorités comme les travailleuses du sexe (8,6 %) resté encore relativement élevé.
“Il faut continuer à former des journalistes afin qu’ils soient plus nombreux à être conscients de leur rôle dans la lutte contre le VIH/SIDA en Haïti. Pour que d’ici 2030, nous puissions parvenir au stade de zéro nouvelles infections”, conclut-il.