Au bureau de Sotheby’s à New York, où les collectionneurs et amateurs d’art acquièrent des œuvres d’art à des prix records, un tableau de Numa Desroches (sujet d’Henri 1er dans le royaume du Nord) a été vendu aux enchères $ 41000, le vendredi 19 janvier 2024. Cette aquarelle, plume et encre sur papier (25,4 sur 25,4 cm) qui met en relief une vue en plongée du palais Sans-Souci encadré de vertes montagnes, Sotheby’s a retracé sa provenance. Sur son site, on peut lire : « Collection privée, Haïti. Harry Bull, New York (acquis de ce qui précède en 1936) ; Galerie André Wauters, New York (acquise auprès de celle-ci en 1978) ; Collection privée (acquise auprès de ce qui précède en 1986) ; Acquis auprès de ce qui précède par le propriétaire actuel.»
Durant les quatorze années passées au royaume d’Henry 1er, le sujet Numa aurait eu la chance d’étudier la peinture à l’Académie royale. Il aurait également suivi des cours de dessin et de peinture sous la férule de ses maîtres anglais, Revinchal et Richard Evans (l’artiste-peintre qui a réalisé le portrait du roi Henry1er installé au Musée du Panthéon national haïtien).
La grande réussite du roi Henry 1er, la base de ses succès économiques, fut sans doute d’avoir mis en place une structure de production au sein de laquelle les élites politiques assuraient leur rôle d’encadreur.
Sans l’ombre d’un doute, les élites politiques et économiques n’avaient pas travaillé à mettre hors jeu la population. Les structures administratives mises en place pour générer ce phénomène de richesse n’étaient pas tombées du ciel. Le royaume christophien était un royaume prospère. Les visiteurs étrangers qui l’ont visité pied à pied l’ont admis. Lord Popham, Hill, Mackensie ou encore White ont fait l’éloge de ce roi bâtisseur.
Ce n’est pas le baron de Vastey qui dira le contraire dans ses Mémoires, pour attester cette rutilante prospérité. « Durant l’année 1817, pas moins de 150 navires de commerce étrangers sont entrés dans la rade du Cap-Henry.»
Une flânerie dans le royaume du Nord
Thomas Madiou rapporte que dans le port du Cap : « Du 1er avril au 6 juin 1815, vingt-six bâtiments avaient été expédiés, exportant dix millions de sucre et autant de café et de coton, et au 6 juin, il y en avait sept en chargement ou en partance. Dès les mois de juillet, août, septembre et octobre, il y en eut cinquante d’expédiés du même port, et en deux mois, trois millions de sucre, café et coton avaient été exportés des autres ports».
Selon Madiou, « Le royaume exportait vingt-cinq millions de café soit le quart de ce que, jusqu’en 1789, produisait en cette denrée toute l’ancienne colonie française de Saint-Domingue. Le commerce se faisait avec les États-Unis, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark, la Hollande, les colonies espagnoles et, indirectement, la France. Haïti importait des étoffes, du drap, de l’acier, de la bijouterie, du vin et des spiritueux. L’Écosse fournissait le beurre, le poisson salé et les articles de pêche; de Suède venaient les cylindres pour les moulins à sucre et les coffres en fonte pour chauffer les étuves des sucreries.»
On peut bien imaginer. Rien qu’imaginer pour une flânerie à travers l’histoire, que Numa dont le tableau a été vendu aux enchères, à Sotheby’s, allait aussi à l’opéra de Sans-Souci; qu’il avait son entrée dans les palais et châteaux du roi. Il y avait neuf palais (ceux du Cap-Henry, de Sans-Souci, de Fort-Royal, du Limbé, du Môle, de Dessalines, de Saint-Marc, de Port-de-Paix et des Gonaïves) et quinze châteaux (Délices-de-la-Reine, Tenez-y, l’Étang, Grand Pont, Mettez-y, Protège, l’Intermédiaire, La Vigie, La Gloire, Bellevue-le-Roi, la Réserve, la Conquête, la Victoire, Constance et Bonne Fortune).
Vue du palais d’Henry Christophe de Sans-Souci, un tableau rutilant des couleurs de ce haut lieu de mémoire, nous aura permis de survoler rapidement l’histoire de ce royaume qui avait son Académie royale de musique, un Collège de jeunes filles, une école de dessin et de peinture, des corps de musique militaire, un ensemble philharmonique, sans oublier son industrie de verrerie, de filature qui produisait des toiles de bonne qualité pour habiller la population.
Claude Bernard Sérant
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