David Thébaud alias Tbo109, dans le cadre de la foire artisanale d’Artisanat en Fête, a présenté Nouvelle naissance. Ce sont des sculptures expressives, singulières, insolites inscrites dans l’univers de l’art de la récupération. Avec TBO 109, ces sculptures symbolisant des phallus ont attiré du monde au Karibe. Ce fut un événement dans l’événement. En effet, un fait dans les faits.
Au 19e siècle, le peintre français, Gustave Courbet, avait présenté au Tout Paris L’Origine du monde, une peinture à huile mesurant 55 centimètres pour une hauteur de 46 centimètres. Les visiteurs peuvent aller admirer ce tableau au musée d’Orsay, en France. Ce chef d’œuvre de sensualité réalisé en 1866 chatoie nos yeux par sa couleur aux tons lyrique et charnelle qui nous rappelle Raphaël, le Titien, Véronèse et Corregio, des grands maîtres de la Renaissance italienne.
Une femme nue allongée, en contre-plongée est saisie dans un cadrage qui met en valeur son mont de Vénus. Couvert d’une épaisse broussaille, le domaine féminin souligne une fente par laquelle s’ouvre le rêve, l’imaginaire et la création.
Nouvelle naissance
Au 21e siècle, le sculpteur haïtien David Thébaud a présenté, à Port-au-Prince, les 9 et 10 décembre 2023, dans le cadre de la foire artisanale d’Artisanat en Fête, Nouvelle naissance (56x106x50), une sculpture inscrite dans l’univers de l’art de la récupération. Du bois associé au métal, au papier, aux tissus et à la peinture. Ce fut un événement au cœur de la foire.
À l’instar de Courbet, les sculptures de Tebo jouent sur le même registre d’une imagination débridée qui ouvre la vanne à un langage fleuri. C’est le cas de cette jeune fille, débordante de joie, qui rêve de grimper sur ce mât de cocagne. Une amie qui l’accompagne prend goût à décrire l’anatomie de la chose bien ancrée sur un socle de testicules. Et ce jeune homme ? lui, il prend l’organe sexuel du mâle comme un outil, un véhicule avec des leviers de commandes. D’autres voient une arme crachant du feu « Bo w ! ». Les féministes aguerries diraient « Zozo pa zam ! »
Le sexe du mâle, cet objet de culte dans le vodou, ce bâton chez Bawon lakwa régénérateur des forces de la vie, attirait du monde autour de lui.
Nouvelle naissance (56x106x50), une matrice, sensible aux extrémités, pointe trois phallus à l’air. À quelques mètres, une autre sculpture symbolisant un membre (92x56x24), élevé sur un socle de testicules, est prêt à décoller. Quatre phallus dans un même espace, dont trois reliés à cette matrice ; ça crée du dialogue, ça capte l’attention.
Les sculptures de TBO 109 imposantes dans l’espace, se revêtent de puissance, d’expressivité et d’originalité. Les yeux des regardeurs, parés de chaleur, couvrent d’affectivité le sexe du mâle. Les langues aussi se délient à la vue de ces sculptures.
Les sculptures de TBO heurtent aussi les âmes sensibles. Sur la cour du Karibe où s’attroupent les visiteurs, une dame déclare : « Cette chose devrait être exposée dans un bordel. » Le créateur de ces sculptures n’a pas sa langue dans sa poche. Il situe ces œuvres dans les milieux éducatifs, l’école, l’université, bref, dans tous les milieux de socialisation.
L’actualité du pays n’est pas trop loin dans cette histoire. A travers ces turgescences, est-ce que l’artiste ne s’inscrit pas dans une narration qui mettrait en œuvre l’image du bwa kale ? se demandent certains.
Tout est complexe dans le monde de l’art et sujet à de multiples interprétations. C’est ça, le miracle de l’art. Les œuvres originales, vivantes ne nous laissent jamais froids.
Ces sculptures, à elles seules, sont des curiosités. Bientôt, l’artiste qui s’est rebaptisé TBO 109, les exposera à nouveau pour signifier ce sang neuf, cette veine artistique qui ressource son imaginaire de créateur.
Claude Bernard Sérant
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