Au Cap-Haïtien, à la Direction sanitaire du Nord (DSN) de ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), le samedi 25 novembre 2023, la séance de formation sur l’implication des journalistes et des influenceurs dans la lutte contre les violences sexuelles et la promotion de la planification familiale en Haïti bourdonne d’animation à la grande salle de conférence de la DSN. Le sujet est d’actualité, il capte l’attention d’une vingtaine de participants venus de plusieurs communes du département du Nord.
À cette formation déroulée sous la houlette du Réseau Haïtien des Journalistes de la Santé (RHJS), le choc des idées fait des étincelles. Quand Delcamise Saintervil, infirmière communale de la Direction sanitaire du Nord, condamne la violence sexuelle sous toutes ses formes : physique ou psychologique, elle vient avec des arguments : « 15 411 cas de violences sexuelles et physiques ont été enregistrés entre janvier et septembre 2022 (81% de femmes et de filles, 11% d’hommes et 8% de garçons) contre 2399 cas de violences sexuelles et physiques entre Janvier-Mars 2023. »
Quand elle souligne de manière manifeste les agressions sexuelles, la cyberviolence sexuelle, l’exploitation des enfants et des adolescents dans toutes les classes sexuelles, elle vient avec les rapports de l’ONU qui estime « qu’au moins 30% des femmes haïtiennes âgées de 15 à 30 ans ont été victimes d’abus ou de violences sexuelles. »
Bien installée derrière un bureau à la salle de conférence, l’infirmière indique que « Les principaux acteurs des violences basées sur le genre sont ces gangs armés opérant principalement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans la partie sud de l’Artibonite. » Elle insiste que les femmes et les filles sont les principales victimes de ces cas de violences. S’appuyant sur des statistiques, elle souligne : « Les gangs armés contrôlent 80% de la capitale, Port-au-Prince, et ont étendu leurs activités criminelles à travers le pays notamment dans le département de l’Artibonite. »
Toutes les antennes des journalistes et des influenceurs sont dressées quand elle donne ces informations.
Miss Saintervil déclare haut et fort : « Les violences sexuelles désignent tous actes sexuels commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. Ces violences portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne. »
Choc d’arguments
Yves Milfort, journaliste à radio Symphonie du Nord, n’entend pas la définition de l’infirmière de cette oreille. Il se dresse de toute sa hauteur pour argumenter : « Quand on parle de violence sexuelle, la société a tendance à reprocher les hommes. J’en conviens que la majeure partie des violences sont exercées par les hommes, mais, si on observe bien, est-ce que les femmes, elles aussi, n’exercent pas une certaine violence sur nous ? L’homme est visuel par nature. Quand une femme met un corsage voyant dans lequel perce ses seins, on est porté à vouloir savoir ce qui se cache à l’intérieur de ce corsage. Et on se fait des idées. De même quand une femme porte un pantalon serré qui dessine ses rondeurs, son architecture corporelle, que voulez-vous que l’on fasse, si on n’a pas un moral d’acier ? D’après moi, elles font exprès pour atteindre leur objectif : hypnotiser leur proie, l’homme, visuel par nature ».
Rodeline Doly s’oppose catégoriquement à l’argument défendu par Milfort. Coordonnatrice de l’organisation pour l’émancipation des femmes à travers l’éducation, Doly soutient : « Je ne suis pas du tout d’accord. La femme est aussi visuelle que l’homme, mais elle ne pense pas avoir le droit de poser des actes déplacés sur lui. Un mâle bien musclé doté de pectoraux avec des seins qui pointent nous donne aussi des envies. Puisque nous ne sommes pas des animaux, on ne portera pas atteinte à l’intégrité physique et morale de l’homme. C’est un constat : il n’y a que l’homme qui viole et tue le sexe opposé. »
Au cours de son intervention, Doly plaide pour la rééducation de l’homme pour qu’il apprenne à mieux vivre dans une société encadrée par des lois et qui l’applique.
Delcamise Saintervil, l’infirmière, à cette séance, trouve le mot qui fédère les esprits autour du sujet du jour : « Personne n’a le droit d’imposer à une autre un acte sexuel qu’elle désire pas. »
Soulignons que la formation du RHJS à la Direction sanitaire du Nord au Cap-Haïtien est facilitée par l’Ambassade de France en Haïti via le fonds des Projets innovants des sociétés civiles et coalitions d’acteurs (PISCCA) et le Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP).
Claude Bernard Sérant
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