Après ma tournée avec Louiny Fontal à St Michel de l’Attalaye, j’avoue que j’ai vécu une belle expérience frémissante d’inspirations. J’ai lu dans le livre de la vie de Dulaurier autant que celui de Grand Bois, des localités déployées dans de beaux paysages verdoyants, des paysages attachants où l’homme se sent désarmés.
À Dulaurier autant qu’à Bas du Sault, les gens n’avaient pas idée que déféquer à l’air libre pouvait avoir un impact sur leur santé. Enfoncés dans l’ignorance, ils souffraient assez souvent de maladies fécales-orales qui les conduisaient dans les centres de santé et même à la mort. Les enfants et les personnes âgées étaient souvent les premières victimes. Il faut situer cette épisode de l’histoire à un moment où la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA) n’avait pas encore conçu son Cadre d’orientation de l’approche communautaire pour l’assainissement total (ACAT).
Les outils n’étant pas encore confectionné, la mobilisation communautaire pour la non défécation à l’air libre, n’était pas à l’ordre du jour.
De mon lieu de citadin, je me dis : ces personnes-là sont-elles des êtres rationnels ? Tout journaliste de terrain tient un côté sociologue. Sous l’impulsion de connaître, l’homme de terrain enquête. Le peu de temps passé avec les paysans, à poser des questions, m’a permis de comprendre que ces hommes et femmes avaient leur logique en se libérant à même le sol. Les résidus de la digestion, pour eux, servaient d’engrais naturel à leur champ et de nourriture aux pourceaux.
Réunion communautaire à Dulaurier
En mettant en relief l’argument du paysan, je cherche à comprendre sa rationalité. Mais cela fait des décennies que les cochons créoles friands de copieuses selles comme nourriture ont disparu. Mais n’allons pas jusqu’à oublier que l’habitude est une seconde nature. Les mœurs, les us et coutumes persistent en se transmettant par tradition.
Avec l’apparition du choléra, la menace du vibrio cholerae dans nos communautés, nos paysans ont compris que leur vie était en jeu. Autant déclarer la guerre à tout ce qui menace.
On va à la guerre pour de multiples raisons.
La stratégie de la Fin de la défécation à l’air libre appuyée sur la mobilisation communautaire est l’une des plus saisissantes dans le chapitre de la sensibilisation de masse. On notera sur le terrain des expériences : non seulement les gens se sont dotés de latrine parce que c’est vital pour la santé ; mais les familles les ont construites aussi sans l’aide financière d’aucune institution pour une question d’honneur. Surprenant.
À écouter parler, témoigner et chanter les habitants de Dulaurier, un climat se dégage de nos rencontres, un sentiment de honte remonte des profondeurs et atteint les consciences. Les paysans nous disent pourquoi une telle parole sensible n’était-elle pas tombée dans leurs oreilles depuis tout ce temps ? Il fallait voir les membres du comité de Dulaurier. Ils témoignaient de leurs expériences dans la mobilisation communautaire pour l’assainissement total avec une parole qui cingle comme un fouet. Il y avait comme une repentance excessive lorsqu’ils parlaient de ce qu’était la communauté avant d’accéder au statut de FDAL. En regardant nos vidéos, j’ai essayé de comprendre Dulaurier. C’est essentiel.
À ce titre, j’ai compris que le programme de la DINEPA réussit parce que cette institution publique – encadrée financièrement par l’UNICEF et accompagnée de divers partenaires –, réussit en devenant stratège. Et c’est là que nous aimerions interpeller d’autres acteurs dans l’accompagnement de la DINEPA.
Claude Bernard Sérant
En un clic, remontons le temps avec les vidéos sur les grands moments du RHJS.
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