Rencontre aux Gonaïves avec Abner Dorvil, le coordonnateur de terrain de l’Unicef pour le grand Nord

Approche communautaire pour l’assainissement total

 

Aller sur le terrain. Quoi de plus motivant pour un professionnel de l’information ? Lorsque le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS) a désigné Louiny Fontal et moi (Claude Bernard Sérant) pour une mission à St Michel de l’Attalaye dans le département de l’Artibonite sur la question de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, un certain pincement m’a noué le cœur. Mais quand on m’a dit que l’on sera héliporté, j’ai respiré un grand coup.

ACAT estampillé sur un maillot d’un membre de comité dans la localité à Dulaurier (Photo prise par Claude Bernard Sérant)

 

 

Avant de nous rendre à St Michel de l’Attalaye, commune verdoyante située dans l’arrondissement de Marmelade, ce mardi-là, l’hélicoptère des Nations-unies nous a débarqués, dans la ville des Gonaïves, sur un terrain vague tout illuminé de soleil. Raymond Dieudonné, un ingénieur agronome, opérant pour le compte de l’UNICEF, nous embarquera aussitôt dans un quatre x quatre, gros cylindré désigné sous l’appelation de « Zo reken » conduit par un jeune chauffeur.

Dieudonné nous emmène à l’hôtel des Dattes pour rencontrer son confrère, Abner Dorvil, le coordonnateur de terrain de l’Unicef pour le grand Nord. Avant d’entrer au cœur de la Cité de l’Indépendance, il nous permettra de nous restaurer un peu. Question de nous revigorer pour faire le trajet Gonaïves-St Michel de l’Attalaye.

Réunion du comité de Dulaurier

La rencontre avec Abner Dorvil se fait dans une ambiance cordiale. Louiny Fontal connaissait déjà l’homme, ce qui facilitera l’entretien. Aborder l’approche communautaire pour l’assainissement total avec lui a été une vraie manne pour nous autres, journalistes. Son déploiement de connaissances en la matière nous permettra de mieux aborder le terrain. L’interview avec Abner, Louiny et moi, nous le considérions comme la préface de notre mission à St Michel.

 

« Finir avec la défécation à l’air libre au niveau de Gros Morne et de St Michel. Ces deux communes devraient nous servir de pilote avant de lancer la grande campagne pour la fin de la défécation à l’air libre », déclare avec détermination Abner Dorvil. Ces mots résonnent dans le restaurant où nous avons pris place autour d’une table pour l’interview. Louiny, journaliste multimédia, dans son réflexe d’homme de radio, actionne son magnétophone tout en tendant un long micro à l’interviewé. Il ne veut pas perdre une miette de l’entretien.

 

Louiny Fontal du RHJS au premier rang à gauche à la réunion

Pour le coordonnateur de terrain de l’Unicef, Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA), organisation féministe à caractère revendicatif de promotion et de défense des droits des femmes, est l’une des modèles à mettre en relief dans l’Approche Communautaire pour l’Assainissement Total (ACAT). Cette organisation livre un combat qui répond à la politique de la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA).

 

À ces mots, je marque dans mon calepin : SOFA, une organisation à visiter à St Michel.

Comment s’opère donc la mobilisation communautaire pour la non défécation à l’air libre ?

Abner Dorvil a un mot qui résonne : WAKA (Watè atè kaba). Il le traduit aussi par FDAL (Fin de la défécation à l’air libre).  WAKA ou FDAL. Toute une histoire. Elle s’inscrit dans le registre de cette mobilisation autour de laquelle gravite tout un ensemble d’entités (les ministères de la Santé publique, de l’Education nationale, de l’Environnement ; la mairie, le comité waka, les organisations de base, les leaders de la communauté, etc.). La DINEPA est l’axe du projet. Toutes les actions sur le terrain de l’UNICEF viennent en appui à cette entité publique.

L’agronome nous fait réaliser qu’à côté du cadre conceptuel de la stratégie de mise en œuvre, sur le terrain, les facilitateurs rencontrent les communautés. On les sensibilise. On les fait prendre conscience que l’homme en tant qu’être de culture a une façon digne de se comporter eu égard à son statut d’être raisonnable. Cette approche sera le détonateur qui fera sortir toute une communauté du monde de l’ignorance. Comprenant les effets néfastes de « watè  atè », les membres de ces localités vulnérables s’unissent comme les doigts de la main pour devenir une communauté WAKA, autrement dit : « Watè atè kaba ».

Pour Abner, l’expérience a montré que les projets d’ONG qui, dans le temps, ont facilité financièrement la construction des latrines, n’ont pas abouti. Il connaît bien l’histoire de gens qui sont revenus à leur vieille habitude à côté des sanitaires offerts gratuitement. Chose étonnante qui relève d’une leçon de vie pour le coordonnateur de terrain de l’Unicef : lorsque les gens sont sensibilisés, impliqués et déterminés, ils mettent la main à la pâte. Rien ne peut les arrêter. Porter par la même vision, ils regardent la même direction sous le signe de WAKA.

Après l’interview. On sirote un jus de fruit. On remballe notre matériel de communication. L’agronome Raymond Dieudonné, comme un ange gardien, veille sur nous. Il a pour mission de nous conduire à St Michel dans le zo reken. Son chauffeur nous attend. La route est encore longue.

Claude Bernard Sérant

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