Li fè katrè, un grand vide à l’antenne, Lilianne Pierre Paul nous dit au revoir

Décès

 

 

Ce qui était beau chez Liliane Pierre-Paul, cette enfant de Petit-Goâve, c’est qu’elle était humaine. Elle savait pleurer, parfois, dans ses éditions de nouvelles, quand l’actualité était insoutenable. Chez cette femme emportée par une crise cardiaque, le lundi 31 juillet 2023, l’humain était constant et fondamental.

 

Liliane Pierre-Paul

Désormais quand quatre heures sonnent chez nous, il se creusera au temps de l’horloge un vide qui prendra la forme de la voix de Lilianne Pierre Paul, une journaliste de tous les combats pour la liberté de la parole en Haïti.

Li fè katrè a toute la résonnance de la puissance de l’énergie qui émane de la voix de la célèbre journaliste de radio Kiskeya.

L’enfant de Petit-Goâve, qui a fait ses premières armes à radio Haïti Inter aux côtés de Jean Dominique  (assassiné le 3 avril 2000), d’ Anthony Pascal, ailas Konpè Filo (mort le 31 juillet 2020), Sony Bastien (mort le 2 juin 2008), était une marque, une présence à l’antenne. Au temps des grandes crises dans un pays qui s’enfonce sans fin dans le trou noir du désespoir, la voix de Liliane couvrait tout le pays. Au coin des rues, les gens se rassemblaient pour écouter Jounal katrè de radio Kiskeya.  Sur la voie publique, tap tap, camionnettes roulaient en mettant à fond la sono.

Quelle magie y avait-il dans ce timbre à la saveur des temps héroïques de radio Haïti Inter ?  Quel est ce phénomène inexplicable dans cette chaleur humaine et touchante qui n’en finit pas de remonter dans la mémoire des anciens qui ont connu l’époque où elle était malmenée, battue, violée dans les geôles de la dictature de Baby Doc avant de connaître l’exil comme tant et tant d’Haïtiens aux années marquées par la paix des cimetières?

Un grand vide

En ce temps de mort dans l’âme, à l’heure où la terre d’Haïti se vide de ses ressources humaines et matérielles, le monde du journalisme haïtien est orphelin d’une historienne de l’instant, d’une professionnelle de l’information soucieuse de l’intérêt général qui se donnait à fond dans « Enterè piblik » et « Jounal katrè ».

Liliane Pierre Paul, cofondatrice de radio Kiskeya, ancienne présidente de l’Association Nationale des Médias Haïtiens (de novembre 2012 à avril 2015) s’était toujours désolée de vivre dans un pays amnésique, condamné à reproduire les mêmes erreurs du passé. C’est comme si les faits n’avaient pas servi à grand-chose. Les icônes comme elle transmettaient les leçons de l’histoire, les matières à réflexion dans la cacophonie des voix qui enflent les médias traditionnels et en ligne. C’est comme si les faits brûlants de l’actualité et les informations refroidies du passé avaient tendance à se volatiliser dans nos consciences incapables de prendre conscience de ce qui nous arrive.

Pour son engagement dans la lutte pour le respect de la liberté d’expression en Haïti, en 2014, la journaliste était sacrée lauréate du prix Roc Cadet de SOS Liberté. À 70 ans, cette femme, taillée dans l’étoffe des grands combattants dans la lutte pour la démocratie en Haïti, est partie à un moment où le désespoir sans appel mine le droit à la vie en Haïti.

Le vide laissé par Liliane Pierre-Paul résonnera longtemps au cœur de la mémoire à l’antenne.

Que sa belle âme repose en paix.

Claude Bernard Sérant

Vivez de grands moments en vidéo sur le RHJS.

Source : www.lenouvelliste.com

https://www.youtube.com/watch?v=Zy9xlP9p_lI&t=16s

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