Par Wooselande Isnardin
Tête ceinte d’un mouchoir blanc, visage sans artifice, pas même de rouge à lèvres, Johanna Pierre, 24 ans, est le prototype de la sœur protestante. Elle est en couple avec le frère Junior Saint-Hilaire, un musicien de l’église. Le frère Junior et Johanna, deux modèles pour la jeunesse de l’église, sont inséparables. Ils participent activement à toutes les activités du temple, notamment les services de prière, les jeûnes et les activités culturelles. Quand ces deux jeunes chantent dans la chorale de l’église lors des cultes du dimanche, un long frisson d’admiration parcourt l’assemblée.
Pour Johanna, participer aux activités de l’église est un excellent moyen de voir son fiancé et de passer du temps avec lui sans être tentée par le diable et céder à la jouissance de la chair. La jeune fille, qui se dit imitatrice du Christ, déclare haut et fort : « Toutes celles et tous ceux qui aiment Dieu doivent respecter sa parole et ses commandements. »
Il est 7h du soir, l’interminable service de l’église vient de terminer. Bible en main, Johanna devise en compagnie de Martine, une étudiante de l’École normale supérieure, sous l’ombre protecteur d’un amandier épanoui devant le temple. Elle attend une moto-taxi. Les deux jeunes filles ne tournent pas leurs conversations autour des récits de la Bible ni ne récitent des psaumes pour rendre gloire au Seigneur.
Martine porte un jean moulant et un corsage largement échancré qui souligne sa poitrine. Elle n’est pas trop croyante ni active dans les activités de l’église. Elle la questionne sur sa relation avec le frère Junior. Johanna ne se fait pas prier pour dire avec aplomb : « Être un couple chrétien ce n’est pas toujours facile. Nous avons l’obligation de nous abstenir de certains plaisirs du monde, particulièrement le plaisir sexuel. On doit être toujours sur nos genoux à prier pour que le diable ne nous tente pas et ne nous fasse pas tomber dans le péché. C’est pourquoi je ne fréquente pas trop mon fiancé en dehors de l’église ni dans des endroits trop intimes. Ma foi, j’estime que je suis chanceuse parce qu’il participe lui aussi à toutes les activités de l’église, ce qui nous offre l’occasion de nous voir et de passer du temps ensemble. »
La conversation se déploie tranquillement sous l’amandier. L’étudiante, piquée de curiosité, n’arrête pas de poser des questions. Comment cela est-il possible que des jeunes ne soient pas tentés au moins une ou deux fois de goûter à un moment heureux ?
Entrainée par la conversation et les questions posées, Johanna mord à l’hameçon. Elle raconte, un peu gênée, qu’une fois, elle et le frère Junior ont failli provoquer l’incendie de la luxure en cédant à ses pulsions de femme. Selon elle, s’ils avaient été jusqu’au bout du processus mis en train, ç’aurait été un véritable scandale! Pourquoi ? Ses proches lui font tellement confiance. Le cercle des amis (es) de l’église ne s’imagine pas de pieux chrétiens toujours en prière et ayant la Bible comme boussole tomber dans les voluptés de la chair avant le mariage qui unit deux chrétiens devant Dieu.
Johanna fait un pas dans le passé. Elle raconte les faits dont la consistance creuse, selon elle, une grande lacune liée à de longs moments passés sans prière en couple. Elle raconte tristement : « Un jour, le frère Junior est venu me voir à la maison. Malheureusement, j’étais seule. Les rapprochements se sont faits instantanément. Nous nous sommes mis à nous embrasser. Avant de reprendre mes esprits, j’étais presque nue. J’étais rongée par la culpabilité. Je me suis confiée auprès de l’épouse du pasteur qui a tout dit à son mari. Le pasteur m’a sanctionnée ainsi que le frère pour notre péché. À cause de cela, on ne pouvait pas prendre la sainte cène ni chanter dans la chorale de la jeunesse de l’église. On nous avait exigé de nous asseoir dans le dernier rang. Nous n’aurions jamais dû laisser une chose pareille nous arriver, c’était une négligence sur le chapitre de la prière. »
L’étudiante trouve normal ce qui est arrivé à son amie et voit même une manifestation naturelle de la vie qui reprend ses droits sur les mythes qui structurent nos pensées et notre manière d’être. Johanna, elle, tire dans les textes bibliques le sens de sa vie et même la sagesse du Très Haut qui trace son destin.
Reprenant avec confiance ses propos, Johanna déclare : « Très bientôt, ces moments douloureux seront de l’histoire ancienne. Dans quelques mois, je serai l’épouse du frère Junior. Nos relations seront bénies de Dieu. Les moments de doute, d’angoisse seront derrière nous. Le pasteur a déjà trouvé pour nous la date pour la cérémonie nuptiale. Nous serons mariés devant Dieu et les hommes. »Wooselande Isnardin
Wooselande Isnardin
woosebelfort@gmail.com
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