L’âme de Pierre Josué Agénor dans les traces de sa plume

Par Ph.D Thibeaud Jean Louis Hervé

 « Les grands hommes ne meurent pas tout entier. Si leur corps descend dans la poussière de la terre, leur esprit restera toujours présent dans la mémoire des hommes » Georg Wilhelm Friedrich Hegel. (1770-1831)

 Les lettres consolent l’âme de bien des infortunes.

Pour consoler son âme angoissée par les grisailles existentielles d’une Haïti en déconfiture, déliquescente, anémiée, outragée, désorientée, déboussolée, décontenancée, en perte de repères, Pierre Josué Agénor Cadet s’arme de sa plume stoïque. Histoire de permettre à la thérapeutique des lettres de sombrer dans le tiroir des oubliettes les énormités du quotidien patibulaire qui donnent envie de vomir. Il taquine les muses depuis déjà 27 ans d’affilée. Une publication par an. Il s’y essaie, à tous les genres : le journalisme, la poésie, le drame, l’essai, le conte pour ne citer que cela. C’est un polygraphe, un immense et puissant auteur protéiforme qui semble être né pour faire des vers en prose et de la prose en vers.

Pierre Josué Agénor Cadet

En grand nostalgique de l’Haïti de jadis, il est tenté par l’écriture, la littérature, la paralittérature, la culture, le professorat. Autant de stratégies et de formes de luttes pour renouer avec la verte nature et peindre avec la dextérité d’un connaisseur les méandres du labyrinthe de l’âme haïtienne qui tangue dans un quotidien tiraillé entre l’incertitude et l’abattement. Dans un poème fleuve croustillant écrit en langue vernaculaire, on peut lire des vers que voici :

   « Tout bèl bagay ki te gen lontan

   – Tonbe an pouriti an Ayiti »

 Les infortunes de la politique

 A contrario de l’écriture et de l’enseignement, l’ennuyeuse politique a tenté de mettre le grappin sur lui et le transformer en grand serviteur de la res publica. Grâce à sa sagesse proverbiale et salutaire, il a pu franchir le corridor de la tentation et en dansant allégrement avec l’élégance et la sveltesse d’un honnête homme de son État. Heureusement les lettres consolent de bien des infortunes de la politique politicienne surtout quand on a du talent et du génie.

De son premier ouvrage publié lorsqu’il était fraîchement débarqué de Saint-Louis du Nord « Mes Premiers Essais », en passant par « L’autre Jovenel Moïse », il est resté le monstre sacré de la littérature. Il n’a jamais été attiré par les soubresauts de la politique active, mais plutôt par les délices de l’écriture active. 27 ans de fructueuses productions. Chaque année, il publie coup sur coup un ouvrage dans lequel il se mêle de didactisme, de pédagogie citoyenne, de la vulgarisation des valeurs patriotiques, esthétiques, humaines et raciales.

  ‘’Moun fou tounen pase dyondyon

     sou tè lapli san oken-n papiyon”

Les sources d’inspiration du barde de Saint Louis du Nord

Soulignons que Pierre Josué Agénor Cadet est un écrivain intensément national. C’est un auteur qui se recommande par son souffle épique ; Victor Hugo disait déjà tout de go « L’épopée est l’histoire écoutée aux portes, de la légende ». Sa prose imposante et superbe comme une cathédrale de mots contraste vertigineusement avec la clarté, la simplicité, la mesure et la force de son style. Dans ses écrits, sa plume baigne dans un océan de mélancolies, de bile noire, de spleen, de vague-à-l’âme, d’angoisse et d’inquiétude métaphysique.

La fiction exhale un parfum sulfureux, ombrageux, nébuleux de colère patriotique vis-à-vis de ces hordes d’Erostrate et fossoyeurs de la patrie les philistins véritables, les incendiaires du pays dans le seul but d’accéder à une notoriété illusoire. Ces vers se lisent comme un hoquet d’enfant.

« Kout zam fan fwa dezabiye lanati

               Bagay yo santi di nan peyi Dayiti »

On n’a point à lui reprocher la vulgarité d’une poésie cocardière qui dégage une odeur âcre de poudre à canon de pneus enflammés, de crépitement de balles, d’exhalaisons de cadavres en putréfaction. Il reste et demeure une plume majestueuse, délicate, pédagogiquement feutrée, un patriote chauvin à l’égal de Duraciné Vaval (1879-1937), un grand administrateur des masses paysannes et urbaines d’Haïti. Bref, un philanthrope tropical d’Haïti.

Doué d’une faculté unique, PJAC est venu sur terre pour remplir une noble mission, celle de s’ouvrir aux autres, d’aimer tout et le contraire de tout. Selon lui, l’amour est une facette de Dieu. Humaniste intégral, il s’interdit d’accorder la moindre place au ressentiment dans son cœur, encore moins à l’ostracisme. Il n’a pas de place dans sa chemise pour la perfidie, la scélératesse susceptible de nuire au bonheur d’autrui.

D’une sensibilité à fleur de peau, il écrit inlassablement sur les choses les plus banales du quotidien haïtien. La disparition d’un ami dans la force de l’âge, l’enlèvement d’un collègue, l’assassinat d’un ami médecin, les effroyables pérégrinations déshumanisantes de l’Haïtien à la lisière des pays de l’Amérique latine, en quête d’hospitalité, l’invasion des voyous et gangsters de grand chemin dans les beaux quartiers de Port-au-Prince… Tout cela fait partie, de son horizon intellectuel et se veut une occasion de lui arracher des larmes d’une sincérité désarmantes de sa muse endolorie. En font foi ces vers frappés en médaille.

« Pèp Aisyen tounen ralba

   Pèp la pa gen manman, li pa gen papa »

L’écriture fine et engagée de l’artiste

L’écriture de PJAC s’affirme aux yeux des analystes comme une écriture fine. A l’instar de Rousseau (1712-1778) il promène son inspiration dans les lieux sordides de la misère du peuple. Il remue sa plume dans la plaie de ces adversités, sans cesser d’être un auteur de talent. Ce qui fait songer irrésistiblement aux Fleurs du mal de Charles Baudelaire. (1821-1867).

Son style n’est pas seulement un ornement, une kyrielle de ronronnement faite de jongleries avec les subtilités diamantées de la Rhétorique mais aussi et surtout une école de pensée inscrite dans l’engagement philosophique et citoyen et une ouverture sur cette pensée conserve encore une fraîcheur d’éternité pour le chantre de Saint-Louis du Nord : « J’écris pour agir et faire que le Paradis terrestre descende ici-bas dans notre république. Car le vrai philosophe doit défricher les terres incultes, augmenter le nombre de charrues et par conséquent le nombre des habitants, occuper le pauvre, l’enrichir et établir l’Orphelin », selon P.JAC. Ces vers explosent du poème comme un cri de tonnerre dans un ciel couleur de cendres.

« Fòk Aisyen sispan-n tounen fou

Kape fè lago ak manzè Lanmou

Nan koriò Lavi ak sèkey madoulè »

 Ce qui fait le charme de Pierre Josué Agénor Cadet dans son dernier travail de réflexion sur la mort du prince, c’est de raconter sans juger. Il a eu la sagesse de laisser au grand tribunal de l’Histoire de prononcer librement son verdict à cet effet. C’est peut-être vrai que l’histoire radote souvent, bégaie parfois, mais ne se répète jamais de la même façon.  Les mêmes sont différents. Il n’y a pas de déterminisme dans les sciences de l’homme et de la société. Les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets dans ce paradigme.

Ph.D Thibeaud Jean Louis Hervé

 

 

 

 

 

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