Des centaines de morts dans nos quartiers

Matière à réflexion

 

Depuis le début de l’année 2023 Haïti s’enfonce dans une guerre civile qui ne dit pas son nom. Les armes chantent. Le sang coule. Beaucoup d’Haïtiens vont se refaire une vie sous d’autres cieux; d’autres, brisés, les braises de l’insécurité sous les pieds, malgré leurs semelles de vent, ne savent où aller.

Nos quartiers sont livrés à des bandits. Ils font ce qu’ils veulent avec une rage de pousser Haïti dans l’abîme. Armés jusqu’aux dents, ils tuent, violent, pillent et filment leurs horreurs pour augmenter leur nombre de vues sur les réseaux sociaux.

L’Ouest et l’Artibonite sont les territoires de prédilection de ces jeunes qui prennent goût immodérément pour le sang.

Le peuple est à bout de souffle. Il a suffi d’une étincelle pour qu’il bascule dans la colère. L’ineffaçable journée du lundi 24 avril serait-elle la préface d’une grande tragédie à venir ?

Sur les réseaux sociaux circulaient des vidéos qui ont fait remonter à notre mémoire la justice populaire des sombres années après le départ de Jean-Claude Duvalier. L’histoire, sur ce bout d’île, recèle étrangement la particularité de se répéter. Aussi, en représailles aux crimes perpétrés par les gangs, une population furieuse s’est-elle faite justice. Des corps calcinés ont crevé l’écran de nos portables. Qui n’a pas vu des hommes transformés en torche de feu. Des hommes essayant désespérément de s’accrocher à la vie. Des hommes désemparés, voyant le visage d’une mort atroce en face, essayant de se soustraire au supplice des pneus. Quel remake de notre tragédie !

Que de fois le peuple s’est levé pour demander justice! Ce peuple humilié, offensé, prie continuellement pour l’avènement du règne de la Loi dans la république autant qu’il réclame son pain quotidien. Mais ses droits sont foulés aux pieds. Que de manifestations ont déboulé sur la voie publique pour crier, les poings levés : justice! Justice!

Le service public de la justice, aux abonnés absents, d’un point de vue systémique, a rendu possible la justice populaire.

On comprend bien, dans ce contexte explosif, cette vérité : Quand l’État est faible, c’est une menace pour la population. Et quand l’État, fébrile, failli, résite encore pour éviter son écroulement, des fossoyeurs de tous bords l’attaquent à sa base même pour précipiter sa chute avec le plus grand fracas.

On a beau crier, on a beau hurler, on a beau demander de l’aide urbi et orbi. Personne ne nous entend. Il y a comme un déploiement de murs  qui encerclent nos paroles dans un désert de désespoir. Des murs, des murs dressés où viennent se briser nos paroles à mille lieux des oreilles du monde.

Exode

État des lieux

Est-ce qu’une grande insensibilité se développe-t-elle envers Haïti ?

Nos quartiers sont livrés aux bandits. Un communiqué du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) fait un état des lieux des zones, des quariters, des communes, des régions, à la merci des gangs armés : « Pernier, Marlique, Diègue, Meyotte, Cargo, Tunnel, Thomassin, Laboule, dans la commune de Pétion-ville ; Bérette, Calebasse, Fort-Jacques, dans la commune de Kenscoff ; Marché Salomon, Cité Soleil, Bel-Air, Caradeux, Solino, Delmas, dans les communes de Port-au-Prince et de Delmas ; Source Matelas, dans la commune de Cabaret, Onaville, dans la commune de la Croix-des-Bouquets, ainsi que les communes de Liancourt, de Verrettes, de Petite-Rivière de l’Artibonite et de Montrouis : les bandits armés prouvent si besoin en était, qu’ils opèrent où ils veulent et qu’ils prennent le contrôle de toutes zones qui les intéressent »

À la lecture de la carte du crime dressée par le RNDDH, on peut souligner à l’encre rouge que les départements de l’Ouest et de l’Artibonite sont les aires géographiques de prédilection des gangs armés.

Est-ce ainsi qu’on regarde un pays s’enfoncer dans l’abîme à l’heure où les droits de l’homme s’affinent pour devenir des instruments pour parler de l’Indice de Développement  humain ?

Où est « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables qui constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde».

À l’heure où la science, la technique, l’éclosion des idées dans nos médias traditionnels et en ligne pourraient concourir au bonheur de l’humanité, nous avons perdu notre âme. Et la vie de l’autre qui ne nous ressemble pas ne vaut plus rien.

Claude Bernard Sérant

Source : www.lenouvelliste.com

Loin des tumultes de l’actualité, laissez-vous aller à découvrir des oeuvres d’art des artistes de notre pays. L’art sauvera le monde.

Voici le lien :

 

https://www.youtube.com/watch?v=iMCFnT8T4po

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