L’amour d’une mère à travers le carnet vaccinal

Le rapport de l’Enquête sur la Mortalité, la Morbidité et l’Utilisation des Services (EMMUS VI), publié en 2018 estime que seulement 41% des enfants âgés de 0 à 23 mois ont reçu toutes leurs doses de vaccin de routine autorisées par le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP). Dans le département du Sud-est d’Haïti, la question se pose. Consciente de cet enjeu dans les efforts de lutte contre la mortalité infantile, Gina Lafontant de Radio Télé Express Continental de Jacmel, lauréate de la 2e édition du concours national de reportage sur la santé du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), s’est penchée sur la question en se rendant à l’hôpital Saint Michel de Jacmel.

 

Hôpital Saint-Michel de Jacmel

A peine 8 heures du matin, les rues de Jacmel bourdonnent d’activités. À moto, en taxi ou à pied beaucoup de femmes accompagnées de leurs enfants se rendent à l’Hôpital Saint Michel situé un peu à l’ouest de la ville. Cette structure sanitaire de la rue Saint Philippe est fréquentée par des femmes et des filles venant de différentes sections communales de la métropole du Sud’est pour faire vacciner leurs enfants.

Dans une grande salle située à l’entrée du service de la pédiatrie de cet imposant bâtiment de trois niveaux construit grâce à la coopération et le financement de la Croix-Rouge (canadienne, américaine et de l’Agence japonaise de Coopération internationale), plus d’une cinquentaine de parents et leurs enfants sont assis, les yeux rivés sur l’écran allumé d’un téléviseur diffusant des messages de sensibilisation aux bonnes pratiques de santé.

Roseline Pierre, cinq enfants, venant de la Montagne (11e section communale), fait partie de ces braves parents. Vêtue d’une longue robe multicolore, la tête couverte d’un bout de tissu en forme d’accordéon, la jeune mère de 21 ans allaite son bout de chou de quatre mois. Elle patiente.

L’infirmière en chef du service de vaccination, Miss Cléane Charles, tarde encore à arriver. Le sourire en coin, l’allaitante dit : ” Je viens ici régulièrement. On me dit que les vaccins qu’on donne à mon enfant le protègent contre tout un ensemble de maladies. ” Le bébé blotti contre sa poitrine se nourrit à petites gorgées, les yeux fermés, les poings serrés. ” Je fais tout ce que je peux pour que mon bébé ne rate pas une dose. Dans les séances de sensibilisation, on nous dit que toute négligence peut être fatale pour l’enfant. “

Dans la salle où Roseline et d’autres femmes attendent et bavardent pour tuer le temps, soudain un silence se fait. Miss Cléane Charles est la personne par qui le silence est arrivé.

” Bonjour mesdames ! “, lance-t-elle.

–    Bonjour miss.

Miss Charles habite non loin de l’Hôpital Saint-Michel. Elle a parcouru une bonne dizaine de kilomètres, à bord d’une motocyclette, pour se rendre à son travail.

En deux temps trois mouvements, elle s’est installée derrière une table dotée de tous les outils disponibles pour fournir ses services. Un autre climat règne dans la salle. Elle accomplit des gestes pratiques et méthodiques : tendre la peau de l’enfant entre le pouce et l’index, utiliser une aiguille pour administrer le vaccin d’un mouvement sûr et rapide. Des enfants pleurent à la vue même d’une seringue. Pour apaiser la crainte de leur nourrisson, des mères n’en finissent pas de prodiguer des câlins. Un petit mot affectueux pour sécher les larmes est susurré avec tendresse.

L’infirmière, maîtresse des lieux, appelle les enfants par leur nom. On avance à petits pas patients     vers elle. Miss Charles parle, toutes les mères deviennent attentives : ” La vaccination est le moyen le plus sûr dont la médecine dispose pour protéger la santé de nos enfants contre beaucoup de maladies. ” Toutes les têtes acquiescent aux paroles d’une professionnelle de la santé. Elle poursuit : ” Aujourd’hui, nous avons le vaccin BCG. Il est autorisé par le ministère de la Santé publique pour éviter la tuberculose. Vous savez, ce germe est présent dans nos communautés. C’est pourquoi il est administré pour protéger les nouveau-nés contre l’infection tuberculeuse. Nous avons aussi le pentavalent. Ce vaccin est efficace contre cinq pathologies : diphtérie, tétanos, coqueluche, hépatite B et Haemophilus influenzae type B. “

Et qu’en est-il des autres vaccins ? ” Malheureusement, les autres ne sont pas disponibles “, déplore l’infirmière. Elle se mordille les lèvres tout en rappelant aux mères la bonne pratique du programme de la vaccination de routine : ” Un enfant doit obligatoirement recevoir les douze (12) doses de vaccins fixés dans le calendrier national du ministère de la Santé publique. Ces vaccins sont disponibles gratuitement dans nos hôpitaux et nos centres de santé. “

Beaucoup de mères retourneront bredouille chez elles, espérant que ce n’est que partie remise.Roseline fait partie d’une cinquantaine  de parents chanceux. Ce jour-là, son bébé a eu la possibilité de recevoir la deuxième dose de vaccin pentavalent. Il a eu la première dose, deux mois auparavant, tel que mentionné dans son carnet vaccinal.

Le bébé a l’air en bonne santé. L’infirmière déclare après l’avoir examiné ” Son indice de masse corporelle est correct. Sa température et sa pression artérielle normales. ” L’enfant se porte à merveille. Ce petit bonheur se traduit dans les yeux de Roseline.

Gina Lafontant

Glafontant22@gmail.com

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