Le 18 janvier 2023, Gladimy Ibraïme, Louiny Fontal et moi, débarquions à Jérémie. Il était dix-huit heures environ quand nous nous enfoncions dans la ville, cette ville qui couche avec la mer. En route pour nous rendre chez le confrère Franckel Maginaire qui nous accompagnait, il nous propose soudain de visiter Maurice Léonce, le doyen d’âge de la ville.
Pas un d’entre nous n’a exprimé la moindre opposition. On était enthousiastes de voir celui-là qui a eu la chance de compter ses années jusqu’à cent dans un pays où, avec la conjoncture, l’espérance de vie est d’un instant renouvelable.
Comme un messager antique, Maginaire est allé lui annoncer la nouvelle puis revient nous chercher tout de suite pour cette visite surprise spontanée, trait de notre culture. Du moins, de la culture populaire haïtienne.
Arrivé chez Mr Léonce, il nous reçoit debout avant de se rasseoir dans sa dodine. L’accueil était si chaud qu’on aurait pu dire qu’il nous attendait depuis longtemps.
« Je m’appelle Maurice Léonce, j’ai 101 ans. Je suis né le 10 septembre 1921 à 12 heures », énonce-t-il, après que nous nous sommes présentés et avons souligné le contexte de notre visite surprise. Le monsieur que nous rencontrons est un homme bien portant de taille moyenne. Teint clair et cheveux lisses, monsieur est le fils d’un Français et d’une haïtienne, alliance assez répandue, suite aux siècles d’esclavage imposé par les colons français au pays.
La mémoire de Maurice Léonce est encore très bonne. Il remonte avec force détails sur son enfance avec une aisance frappante. Il parle de sa mère, de sa ville, de son histoire avec fierté, omettant son père, constations-nous, nous ignorons ce que cela traduit. Footballeur, écrivain, professeur de littérature et de civisme, moniteur de sport et animateur d’émission radiophonique entre autres chapeaux, tout cela se traduit dans la galerie privée ornée de ses distinctions où le centenaire nous a reçus.
Quand nous lui demandons si nous pouvons prendre des photos de son petit coin de mémoire, l’actuel animateur de l’émission « Compilation pour l’histoire », a failli nous dire « poze bon kesyon non »[1], une façon de faire montre de son esprit d’ouverture. Après nos prises ratées de sa galerie à basse lumière, Maurice Léonce a posé avec chacun de nous, où toute l’équipe s’est improvisée photographe pour ces souvenirs qu’on n’aura pas tous les jours.
Pour clôturer la visite, l’homme de cent un ans nous a promis de nous visiter le lendemain au cours de la formation que nous venions organiser. Aussi nous a-t-il bénis avant de partir en joignant son front aux nôtres et chuchotant des paroles, pour une touche spirituelle.
Sabry ICCENAT
Loin des tumultes du monde, laissez-vous allez à la poésie. Écoutez ce morceau :
https://www.youtube.com/watch?v=Fbqf7rRZWt4
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