Par Dr Erold JOSEPH
« Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux »
Socrate (temple de Delphes)
Pour vivre, il faut juste pouvoir se nourrir, boire, se vêtir, se loger, se déplacer et communiquer avec ses semblables. Tout cela exige de l’argent, lequel est un moyen d’échange pratique inventé assez récemment dans notre longue histoire humaine pour remplacer le troc de nos sociétés primitives. L’éducation offerte par la famille et l’école (et plus tard, l’université) devrait viser à donner à l’enfant, dès son plus jeune âge, à la fois les clefs de la compréhension de la vie et du fonctionnement de la société. Dans la pratique, elle se limite au deuxième objectif, ce que nous avons appelé (ou plutôt l’élève du collège CIM), dans le premier article : « réussir dans la vie » .Cette éducation développe l’intellect et facilite l’intégration dans la société. « Réussir dans la vie » donne donc accès à une vie matérielle riche. Elle entraine, par voie de conséquence, une certaine satisfaction mentale résultant du fait de posséder (biens et savoir), de dominer les autres, d’être célèbre ou populaire et d’avoir accès quasiment à tous les plaisirs. Mais, n’y a- t-il que cela dans l’existence ? Cela suffit-il à combler une vie ?
Quels sont les critères permettant de conclure qu’on a réussi sa vie ou qu’on se trouve sur le chemin ?
Le premier critère, c’est le fait de fonctionner dans un domaine qui vous passionne, dans lequel vous possédez beaucoup de talents et où vous avez la sensation de progresser jour après jour, voire de franchir vos propres limites et même celles déjà atteintes dans le passé. C’est la voie de l’excellence et de la perfection. Le domaine du football fourmille d’exemples relatifs à ce critère : Pélé, Messi, Maradona, Ronaldo, Mbappé etc. A ce moment, vous aimez tellement ce que vous faites que vous continueriez à le faire, lors même qu’il ne vous rapporterait absolument rien et risquerait de vous précipiter dans la pauvreté. D’où la nécessité de garder les pieds sur terre et d’essayer parallèlement de « réussir dans la vie », du moins dans une certaine mesure. Ce critère montre la nécessité de bien se connaitre afin de choisir sa voie et aussi d’être bien orienté au départ. Certains ne découvrent leur vocation qu’assez tard. D’où le rôle de l’école, de la famille, des amis et surtout de la « connaissance de soi ». Il s’agit tout bonnement d’aimer ce que l’on fait et de faire ce que l’on aime.
Le deuxième critère, trop souvent oublié, c’est celui de l’éthique et de l’utilité sociale. Est-ce que mon talent aide les autres, fait progresser ma communauté, mon pays, ou même l’humanité ? L’on peut en effet être un brillant gangster, un brillant kidnappeur, un bandit ou un assassin hors pair, un haut responsable politique super intelligent, corrompu, uniquement obsédé par le pouvoir et ses avantages. Mais, l’on ne peut toujours taire la voix de sa conscience, encore moins l’éteindre définitivement. Il est impossible de briser tous les miroirs existants pour ne jamais voir son visage. Derrière le faste, l’arrogance et les démonstrations de puissance et/ou de richesse véhiculés par les réseaux sociaux, se cache fort souvent un drame, un vide intérieur. A un moment ou un autre, durant son sommeil ou ses périodes de solitude, le cauchemar fait surface. A l’inverse, celui, qui durant son ascension sociale, a eu pour souci, d’aider ses semblables, qui a cultivé l’honnêteté, la compassion, le sens du partage, et aussi, un certain détachement, bénéficie d’une véritable force ou paix intérieure. Il (ou elle) a su éviter ce que la danoise Malène Rydahl, dans sa longue et brillante recherche, a baptisé « les cinq pièges du bonheur ». Ce sont : la beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité et le sexe (réf). Ces éléments, lesquels caractérisent et/ou facilitent la « réussite dans la vie » peuvent toutefois, vous pourrir l’existence, voire la détruire quand on y est accroc. Ils doivent être considérés comme les condiments de la vie. Absents ou pas assez : la nourriture est fade. Trop : elle est immangeable, voire nocive à la santé.
Le troisième critère, le fondamental, c’est la quête de sens, laquelle détermine le bonheur, non seulement dans sa profession, mais dans sa vie en général.(réf). On peut être heureux dans son travail, et pourtant avoir une vie relationnelle exécrable, dans sa famille et avec ses amis. L’on peut également, bien qu’ayant « réussi dans la vie », voir émerger brusquement ou progressivement, souvent au summum de la réussite ou à l’approche du grand âge, un vide intérieur, existentiel. On a alors tout pour être heureux : et pourtant on ne l’est pas. C’est le drame des citoyens des grands pays du nord, mais aussi, des nantis du sud. Ils ont tout le confort dont rêve un pauvre Haitien ou Africain : maison chic, nourriture, voitures, (parfois avion privé), vêtements dernier cri, voyages, technologie et médecine de pointe, loisirs, activités mondaines… Ils peuvent tout acheter, et de fait, accumulent tout, compulsivement. Et pourtant, ils sont misérables au milieu de toute leur richesse et hantés par la peur de la mort. La science, bien que matérialiste dans son fondement, s’intéresse depuis quelques années, à la thématique du bonheur qu’elle dénomme pudiquement « bien-être subjectif ». Selon ces études, ce dernier serait déterminé à 50% par la génétique, à 10% seulement par les conditions matérielles et à 40% par l’effort personnel (réf). Pourtant, si l’on se réfère aux découvertes récentes dans les domaines de la biologie, de l’évolution et de l’hérédité, nos habitudes de vie et notre mental peuvent empêcher l’expression physique de certaines maladies inscrites dans nos gènes (réf). Bien plus, nous pouvons ainsi, contrairement à ce qu’on croyait auparavant, influencer, par nos pensées et nos actions, la transmission de ces gènes à nos descendants. C’est ce qu’on appelle justement l’épigénétique (réf). Il est donc quasiment certain que, dans les faits, le pourcentage attribué à la génétique et aux conditions matérielles dans le « bien-être subjectif » diminue considérablement au profit de ce qui est appelé pudiquement « effort personnel ». L’erreur monumentale de la science officielle, c’est de continuer à prétendre que tout est matière, que nous ne sommes que de la chair, des os et de l’eau. Pourtant, la physique quantique, laquelle remonte au début du XXème siècle, a clairement démontré que cette matière, malgré son apparente consistance, est constituée à 99,99% de vide et d’énergie et que sa plus petite unité constitutive peut se comporter alternativement comme onde (énergie) ou comme corpuscule (matière) selon qu’elle est observée ou non (réf). Donc, le simple fait d’observer un objet, l’influence, au niveau infinitésimal. Ce refus d’intégration et d’enseignement (même rudimentaire ou synthétique) de ces notions, pour s’accrocher à la vieille physique d’Isaac Newton longtemps dépassée, nous maintient dans une pensée (paradigme) obsolète. Ceci a une répercussion considérable sur notre vision du monde et donc sur l’éducation que nous donnons à nos enfants, sur leur conception de la vie, de la mort, de leurs relations avec la nature et leurs semblables, et donc sur leur bonheur.
Quel est donc le premier élément de la quête de sens ?
Il existe deux manières de vivre sa vie. La première consiste à faire comme tout le monde, à considérer les choses comme allant de soi sans jamais se poser de question, un peu comme les animaux. Ainsi, la mort nous prend alors toujours au dépourvu. C’est le choix de l’école classique qui ne s’occupe que de la « réussite dans la vie » . Dans la seconde, l’on considère que l’existence est un mystère qu’il convient d’élucider au fur et à mesure que les années s’écoulent, tout en en profitant et en étant utile. La première étape pour appréhender le sens de la vie consiste, comme le préconisait Socrate, à se connaitre soi-même. L’enfant (ou le jeune) doit commencer par connaitre son corps, l’accepter, l’aimer, en prendre soin, comprendre son fonctionnement dans une certaine mesure. Il doit savoir que ses comportements et habitudes peuvent endommager cet outil précieux, le rendant ainsi malade. Il doit le respecter ainsi que celui des autres. Ce corps évolue dans un environnement physique qu’il faut absolument aimer et protéger afin de rester en santé et d’éviter les accidents. Il lui faut aussi réaliser que ce corps est à lui, tout en n’étant pas lui, et qu’il ne fonctionnera plus un jour lorsque sa conscience ou son « Soi » s’en retirera. Ce véhicule corporel sera alors privé de toute énergie vitale. C’est ce qu’on appelle « la mort ». Le vrai « Soi » est invisible est immatériel. La religion et la spiritualité le dénomment « âme » ou « esprit » et soutiennent qu’il est indestructible et connecté à la source cosmique qu’elles appellent souvent Dieu. La science matérialiste le dénomme « conscience » (question de sémantique) et continue de soutenir, en dépit de nombreux faits prouvant le contraire, que cette dernière est produite par le cerveau où elle se localise et disparait avec ce dernier, lors du décès. Il s’agit en fait, d’une croyance contre une autre (réf). A chacun de trouver sa réponse tout en restant tolérant. C’est le travail d’une vie entière même si la grande majorité des êtres humains optent plutôt pour la politique de l’autruche. De toute façon, on connaitra la vérité à notre mort : l’incontournable, l’imprévisible. L’enfant doit apprendre à découvrir ce Soi au fur et à mesure qu’il grandira et essaiera toujours d’être en communion avec lui tout au long de sa vie. Sinon, il sera toujours malheureux qu’il soit riche ou pauvre, puissant ou faible. Il convient donc d’introduire précocément à l’école, une philosophie très simple « vue comme manière de vivre » comme le définit Pierre Hadot et l’expérimentent certaines institutions d’enseignement à travers le monde (réf).
Erold JOSEPH
Médecin, pneumologue, expert en santé publique, promotion de la santé, et de l’interrelation santé/éducation
Courriels : eroldjoseph2002@yahoo.fr et eroldjoseph2002@gmail.com
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Dr Deepak Chopra et Rudolph E. Tanzi, Le fabuleux pouvoir de vos gênes, Guy Trédaniel, 2016
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