La force symbolique du 55e mémorial sida dans le monde, 39e en Haïti, puise son énergie dans l’esprit résistant des hommes et femmes qui tiennent le flambeau de la lutte et des institutions nationales et internationales qui continuent à encadrer cette vie positive. Avec la Fédération haïtienne des associations de PVVIH (FEDHAP +), l’esprit de cet évènement inauguré par les Promoteurs Objectif Zéro Sida (POZ) n’a pas perdu de sa flamme.
À l’heure où l’on commémore le 39e mémorial sida à la chandelle, le dimanche 15 mai 2022, selon les dernières données du Bulletin de surveillance épidémiologique VIH/Sida sur l’évolution de la maladie en Haïti, près de 160 000 personnes vivent avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). 103 400 PVVIH ont accès au traitement, le nombre de décès dû au Vih/Sida est estimé à 2 700 en 2020. Il existe sur le territoire national 179 centres de dépistage du VIH, 143 centres offrant le service de prévention de la transmission de la mère à l’enfant et 165 centres de prise en charge aux ARV.
Les chiffres ne parlent pas assez haut et fort. Les témoignages de ceux qui ont fait du terrain, oui. Il est loin le temps où l’on commémorait le mémorial sida à la chandelle avec les larmes aux yeux.
Mon collègue Louiny Fontal du Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), en ce troisième dimanche de mai, m’a signalé le 39e mémorial sida au local de FEDHAP +, au Bois-Verna. J’y suis allé et j’ai trouvé un public chaleureux composé de personnes infectées et affectées par le ViH.
Mémoire d’une militante
Marie-Rose Verneret, une ancienne militante de la lutte contre le ViH/Sida, aujourd’hui, présidente de FEDHAP Plus, est tout feu tout flamme. Elle se souvient de POZ, la première institution où elle avait pris part avec Malia Jean, Liony Accélus à ce grand évènement où les patients prenaient conscience que leurs jours étaient comptés. Ils prenaient leurs médicaments, mais ne croyaient pas vraiment que ce traitement pouvait améliorer leur santé. Ils ne pensaient pas qu’une vie positive était possible que la pathologie dont ils souffraient pourrait devenir chronique comme tant d’autres maladies.
À la tête de FEDHAP Plus, un forum regroupant vingt-quatre associations, Marie-Rose lutte avec toute son énergie de militante pour que le symbole du ruban rouge épinglé, ce dimanche, sur sa poitrine comme un V inversé en signe de compassion et de solidarité à la cause du sida, se portera demain à la manière d’un V de la victoire tourné vers le ciel. Elle se souvient du Dr Eddy Génécé, le président de POZ, un médecin doublé d’un leader qui a sauvé sa vie et tant d’autres PVVIH qui, à un moment de la lutte, ne croyait plus au miracle. « 39e mémorial sida, c’est une grande histoire pour moi. Je suis fortement impliquée dans cette lutte. Si je ne prenais pas régulièrement mes médicaments, je ne serais pas là », déclare fièrement Marie Rose Verneret. Elle bénit le jour où POZ l’a accueillie.
Au temps des premières commémorations de sida à la chandelle de POZ, lorsque j’essayais de recueillir des informations des personnes infectées, amaigries, aux yeux caverneux, l’attitude des PVVIH était davantage à l’auto-stigmatisation.
Avec le traitement anti-VIH, les jours de Marie-Rose ne sont plus comptés. Ce dimanche, dans un local bondé, elle encourage ses pairs à prendre la lutte à bras le corps et à adhérer au traitement.
Elle donnait le ton et distillait un peu d’humour pour tempérer l’atmosphère : « Gad jan m bèl fanm! Mwen gen yon chaj viral endetektab paske m swiv tretman m. » Un rire de bon cœur fuse dans la salle.
Une telle remarque a permis à Daphney, une mère de famille qui a déchiré le voile du silence depuis longtemps en s’affichant au monde comme PVVIH, de monter au créneau pour dénoncer certaines personnes qui n’adhèrent pas au traitement et qui vendent aussi les antirétroviraux pour se faire un peu d’argent sur la voie publique.
Marie-Rose Verneret prenait son temps pour écouter les témoignages et rappelait à la suite des explications du représentant de l’ONUSIDA, le Dr Christian Mouala et du directeur exécutif de la Fondation pour la santé reproductrice et l’éducation familiale (FOSREF), le Dr Fritz Moïse, que l’adhérence au traitement est la voie royale pour une vie positive au VIH susceptible de devenir une maladie chronique comme le diabète ou l’hypertension artérielle.
Pour un vieux routier de cet évènement que je couvre depuis sa première édition en Haïti, parfois, jusqu’au Cap-Haïtien avec Louiny Fontal, j’ai compris avec les explications des Dr Mouala et Moïse qu’avec une charge virale indétectable, le PVVIH ne transmettra pas le VIH à son ou ses partenaires sexuels. Si la femme est enceinte, elle ne transmettra pas le virus à son bébé durant la grossesse ou l’accouchement.
Fort des explications de ces professionnels de la santé, le PVVIH a intérêt à préserver sa santé au lieu d’aller vendre ses ARV pour se faire un peu d’argent. La santé, ce bon état physiologique pour le fonctionnement régulier et harmonieux de l’organisme, est une vraie richesse à préserver pour soi et pour le monde.
Claude Bernard Sérant
Source de cet article : www.lenouvelliste.com