J’écris ces mots le matin de tes funérailles qui ont lieu dans la commune de Petit-Goâve, le samedi 30 avril 2022. Des mots empreints de tristesse et de colère. Pour tous ces sacrifices consentis, ces nuits sans sommeil à la poursuite d’un rêve, celui de devenir médecin pour servir ton pays et répondre aux besoins de ta famille, voilà comment tu es récompensée : Une balle fatale.
Âgée de 26 ans et originaire de Petit-Goâve, Osny Zidor était étudiante en cinquième année de médecine à la Faculté de Médecine et de Pharmacie, École de Biologie médicale et d’optométrie (FMP/EBMO) de l’université d’État d’Haïti (UEH). Elle devrait déjà être en Internat, mais à cause de la pandémie de Covid-19, elle a perdu une année académique. Alors qu’elle se trouvait, au Bois Verna, à bord d’un minibus assurant le trajet Centre-ville/Pétion-Ville, le samedi 23 avril 2022, cette jeune fille si prometteuse a reçu un projectile au niveau du cou. Selon plusieurs témoins, un individu armé non-identifié circulant à moto a ouvert le feu sur le véhicule suite à une altercation avec le chauffeur de ce dernier. Le corps sans vie de la jeune femme baignant dans son sang est resté pendant des heures allongé sur un trottoir de l’avenue Lamartinière.
On notera que le père d’Osny est cultivateur et éleveur. Sa mère, marchande de légumes en détail, le jour et de saucisses boucanés, le soir. Les deux parents vivent à Petit Goâve, ville dans laquelle leur fille aînée a grandi et a fait ses études primaires et secondaires. Des quatre enfants de sa famille, Osny est la seule qui s’intéressait vraiment à l’éducation, selon son père. Après ses études classiques, la jeune Osny s’est installée à Port-au-Prince pour faire des études universitaires dans des conditions difficiles que nous savons tous.
« Pour récolter un peu d’argent, Osny vendait parfois des friandises aux étudiants. C’est quelqu’un qui luttait pour subvenir à ses besoins. Elle n’était jamais découragée car elle avait un rêve. L’espoir de toute la famille reposait sur elle », a révélé une proche de la famille.
Le départ d’Osny affecte grandement sa famille, ses amis, ses camarades de la promotion Anne-Sherca Florvil et toute la communauté estudiantine de l’UEH. Selon les témoignages de plusieurs étudiants et étudiantes de sa promotion, Osny Zidor était une jeune femme assidue, respectueuse, sympathique et toujours prête à collaborer. « Elle participait à toutes sortes d’activités à la faculté », a confié une de ses camarades.
De son côté, le père dévasté ne manque pas d’exprimer sa peine : « J’ai tout investi dans l’éducation d’Osny. C’est mon enfant chérie. Quand elle venait nous voir à Petit-Goâve, elle me réservait toujours un accueil chaleureux. Voilà qu’on me l’a enlevé. Il ne me reste plus rien. ».
Sur la page Facebook de la défunte, on peut se faire une idée de la fougue qui animait cette jeune étudiante, une docteure en puissance, à qui l’insécurité a ôté la vie. À travers ses posts datant de 2016, on peut lire : « Mon avenir sera bientôt construit par mon Dieu et mon cerveau » ; « Je serai bientôt une femme compétente et expérimentée avec l’aide du Saint-Esprit et mes documents » ; « Un rêve est irréalisable quand on arrête de rêver ».
Osny Zidor est la énième victime par balle de la machine infernale de l’insécurité. Dans les rues de Port-au-Prince et ses environs, la mort est omniprésente, elle poursuit comme une ombre les usagers de la voie publique. Conducteurs de véhicules autant que piétons ne sont pas épargnés par cette mort devenue monnaie courante. Le pays est déchiré par les gangs armées en fête qui célèbrent quotidiennement par des feux d’artifices et des slaves de tirs leur bonheur. Vivre en Haïti, à l’heure actuelle, est un gros risque. Un risque que beaucoup d’Haïtiens se résignent à prendre, par résilience ou par faute de moyens pour se rendre en terre étrangère. Ici, personne n’est à l’abri sinon les bandits et les officiels roulant dans des véhicules blindées hautement sécurisé.
Marie Juliane David