Impact de la crise socio-politique sur la prise en charge des PVVIH

Selon le dernier rapport de l’Enquête sur la mortalité, la morbidité et l’utilisation des services (EMMUS VI) publié en 2018, la prévalence du VIH/Sida en Haïti est de 2%. Sur 160 mille personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sur le territoire national, seulement 58 % ont accès aux soins de santé. La stigmatisation et la discrimination ajoutées à la crise socio-politique du pays pendant ces dernières années constituent un problème majeur à la prise en charge des PVVIH.

Malia Jean de l’AFHIAVIH

La présidente de l’Association des femmes haïtiennes infectées et affectées par le VIH (AFHIAVIH), Malia Jean, fait état des difficultés auxquelles sont confrontées les membres de son association qui, bien souvent, sont privés de nourriture.  Elle a déclaré : « Un régime alimentaire bien équilibré est obligatoire pour un PVVIH. Une fois que l’organisme humain est en contact avec le VIH, le système immunitaire s’affaiblit. En conséquence, pour combattre le virus, la personne infectée doit avoir une bonne ration alimentaire, c’est-à-dire consommer des fruits et des légumes, boire du jus naturel en quantité. Malheureusement pour nous, les PVVIH, être bien nourri devient un luxe. Vous savez, depuis bien des temps, il n’y a même pas de nourriture à l’AFHIAVIH. Nous sommes des laissés-pour-compte. Sans nourriture, nous ne pouvons pas prendre les médicaments anti-rétroviraux (ARV) ».

ARV comme solution de santé

Comment demander à une PVVIH affamée de s’adhérer aux ARV ?

Malia Jean, également présidente des Associations de PVVIH (FEDAP+), révèle tristement : « Certaines PVVIH vous disent qu’elles n’ont pas le temps de passer prendre les ARV dans les centres, car elles sont occupées à chercher de quoi se mettre sous la dent et nourrir leur famille. D’autres sont parfois obligées de vendre les médicaments qu’elles doivent prendre pour s’acheter à manger. Ces médicaments sont le plus souvent écoulés dans les transports publics comme solution pour des problèmes de santé, comme par exemple l’infection, troubles de l’érection, fatigue et autres. Une fois, une proche est venue me montrer un sachet de médicaments qu’elle avait acheté dans un bus, c’était des ARV ».

Malgré toutes ces difficultés, Malia ne souhaite pas abandonner la lutte. Elle appelle les secteurs public et privé à se pencher sur le sort des PVVIH : « Les autres associations de PVVIH rencontrent les mêmes problèmes que AFHIAVIH. Nous avons besoin du support de l’État, des institutions et partenaires œuvrant pour le bien-être des PVVIH. Nous ne nécessitons pas grands choses. Avec le peu que nous receverons, nous serons satisfaits. Votre support permettra aux PVVIH d’adhérer aux médicaments afin d’aboutir à une charge virale indétectable ».

Mis à part le manque de nourriture, les PVVIH sont aussi confrontées à d’autres problèmes d’ordre économique comme le logement. Une PVVIH confie : « Nous n’avons pas d’endroit pour dormir. Certains d’entre nous dorment dans les rues ou chez un proche. Nous ne pouvons pas répondre à nos besoins et à ceux de notre famille ».

Inégalités dans la prise en charge des PVVIH

La directrice exécutive de Promoteur Objectif Zéro Sida (POZ), le Dr Sabine Lustin, intervenant sur le même sujet, dénonce les inégalités que connaissent les PVVIH. Elle déclare : « les PVVIH sont sujets à la stigmatisation. Elles sont pointées du doigt au quotidien. Ce qui les pousse à se replier sur elles-mêmes. Également, les PVVIH connaissant leur statut n’ont pas nécessairement accès au traitement. Ce dernier n’est pas accessible en tous lieux. Les ARV peuvent être disponibles dans un centre, mais indisponibles dans un autre. Pour venir prendre les médicaments, la personne peut ne pas avoir les frais de transport. La plupart des personnes infectées  sont faibles économiquement ».

Pour atteindre les résultats 95-95-95 des Objectifs de Développement Durables (ODD), Haïti doit s’engager d’avantage dans la prise en charge des PVVIH en leur garantissant non seulement l’accès aux soins de santé, mais aussi à la nourriture et au logement.

Espérancia Jean Noël

 

 

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