Une virée à la Croix-des-Bossales

Makèt pèp la

 

 

Le marché de la Croix-des-Bossales est l’un des plus grands marchés publics d’Haïti. Couramment appelée « makèt pèp la », elle s’étend sur une superficie de 700 000 mètres carrés à l’Ouest de Port-au-Prince, entre la rue des Remparts et la rue des Césars. Ce lieu commercial a une portée historique. Son origine remonte au temps de la colonie de Saint-Domingue, soit en 1503, où des esclaves venus d’Afrique surnommés « bossale » ou « brutes » y étaient exposés pour être vendus. D’où l’appellation « marché de la Croix-des-Bossales ».

Aucun respect des gestes barrières

Aujourd’hui, à l’ère du virus Sars Cov 2, ce marché fonctionne comme à l’accoutumée, sans respect des gestes barrières mis en place par les autorités sanitaires pour contrecarrer la Covid-19 dans le pays.

Fruits, légumes, vivres alimentaires etc. sont étalées sur des morceaux de sacs à même le sol ; d’autres, surtout les produits cosmétiques, les fruits de mer et quelques produits alimentaires, sont exhibés sur des tables ou des brouettes au milieu de la boue et des piles d’immondices. Des marchands.es, grossistes et détaillants, assiss ou debout derrière leur étalage, discutant ou disputant entre elles ou avec des clients, ne daignent même pas porter leur cache-nez. Aucune distanciation physique. D’ailleurs marchands.es et marchandises sont empilés comme des sardines. Les acheteurs fréquentant cet endroit éprouvent bien des difficultés pour retrouver leur chemin. Un tableau bien sombre dans la riposte du pays à la pandémie Covid-19.

Doutes sur la pandémie

En dépit des statistiques présentant des cas de contamination et de décès liés à la Covid-19 sur le territoire national, les habitués du marché de la Croix-des-Bossales, ne s’en soucient point. Si pour certaines commerçantes, cette pathologie n’existe pas, pour d’autres, elle ne figure pas sur la liste de leurs intérêts.

Interrogée sur la question, une marchande de produits alimentaires a déclaré : « La Covid-19 ne peut pas exister dans un pays tropical comme Haïti, avec ce si beau soleil que nous avons. Je pense que cette maladie est une stratégie utilisée pour détourner l’attention du peuple sur les maux dont souffre le pays. Je n’ai aucune raison de m’étouffer en portant un masque toute la sainte journée ».

La réflexion de cette commerçante est partagée par la majorité des marchands.es à travers le pays. La même attitude domine dans les marchés publics comme sur les trottoirs où ils étalent leurs produits à même le sol.

« À la Croix-des-Bossales, on y vient par obligation et non par envie. Il y a l’insécurité qui sévit dans nos rues. Le kidnapping. Avec tout ce qu’on vit ici, en Haïti, je n’ai pas de temps pour penser à la Covid-19 », a déclaré un grossiste cantonné dans le commerce de bois.

Les marchands de ce centre commercial ne sont pas les seuls à placer leurs mots sur le sujet. Des acheteurs fréquentant les lieux ont souligné les difficultés à respecter les gestes barrières dans un marché comme celle de la Croix-des-Bossales.

Vêtue d’une robe longue évasée, se tenant devant une épicière, l’air pressé et inquiet, une dame a avoué : « Je suis consciente de la pandémie Covid-19, mais je doute fort de son existence sur le sol haïtien. À la maison, je me lave souvent les mains, mais porter des masques tout le temps m’est insupportable. J’ai des problèmes respiratoires. De plus, dans un marché comme celui-ci, il est difficile de garder une certaine distance. Les gens se frottent les uns contre les autres, on se bouscule, il fait chaud…enfin. »

Le marché de la Croix-des-Bossales n’est pas le seul centre commercial de la capitale à être dans une pareille condition. Aux marchés de carrefour Péan et Salomon, deux autres centres commerciaux se trouvant au cœur de Port-au-Prince, les situations sont les mêmes.

Esperancia Jean Noël

esperanciajeannoel@gmail.com

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